Partie I : la situation actuelle des Tice - Les Parents, moteurs de la révolution pédagogique ?
Ludovic Peugeot
Xavier Darcos présente donc le cahier de texte électronique comme un outil « qui permettra de mieux informer les familles ».
Le rôle et la place des parents à l’école
Les droits des parents
- Les parents ont des droits reconnus et garantis à l’école[1]. Notamment le droit à l’information qui leur est garanti ! Le décret[2] institue cinq thèmes :
- Rencontres physiques parents-enseignants au moins deux fois par an
- Réunion chaque début d’année avec le chef d’établissement pour les parents arrivants
- Les enseignants doivent répondre aux demandes d’information et d’entrevues des parents
- Discussion au conseil d’école et d’administration de l’organisation du dialogue parents-école
- Information régulière des résultats et du comportement des élèves aux parents
Le ministre Xavier Darcos peut donc s’appuyer sur ce droit à l’information pour justifier sa volonté de généralisation du cahier de texte électronique.
Les attentes des parents
De manière générale en France, les parents d’élèves sont concernés par la vie scolaire des établissements fréquentés par leurs enfants. Un rapport de l’Inspection Générale intitulé La Place et le Rôle des parents dans l’école relève :
« Les parents d’élèves investissent largement dans le suivi de la scolarité de leurs enfants et font preuve d’un fort attachement à leur réussite scolaire. Les signes de l’importance des attentes des parents en matière de réussite scolaire ne manquent pas : multiplication du recours aux cours particuliers, succès éditorial des cahiers d’accompagnement parascolaire et des publications des classements des établissements en fonction de leurs résultats. »
Cette même étude révèle en ce qui concerne le dialogue avec les enseignants et les parents :
« Elle a aussi constaté que les conditions de mise en oeuvre du dialogue évoqué par la loi et la qualité des échanges n’étaient pas toujours satisfaisantes. »
Lorsque l’on aborde le thème des TICE, les parents y voient justement un moyen d’être tenus informés de la vie scolaire. Selon le baromètre réalisé pour la DUI par Médiamétrie, les informations qu’aimeraient trouver les parents concernent en majorité les cours des professeurs, surtout dans le second degré.
Par ce biais, ils souhaitent également des échanges par voie électronique avec les professeurs et la moitié se déclarent intéressés par la consultation en ligne des notes et des absences. Néanmoins, cela n’a pas encore été tenté pour diverses raisons : hormis la charge de travail pour les enseignants, ils craignent le niveau de visibilité qui pourrait en résulter pour les parents et leur hiérarchie. En effet, le cahier de texte par exemple ne reflètera jamais tout ce qui se passe dans la classe, et les enseignants appréhendent l’interprétation des parents et de leur hiérarchie de ce qui y sera inscrit.
Le rapport du groupe de travail pour le développement des TIC dans l’Education Nationale écrit ainsi :
« Il serait pourtant tout à fait légitime d’attendre d’un ENT qu’il mette à disposition des élèves, pour un prolongement du travail avec par exemple l’assistance des parents ou d’animateurs dans le cadre d’un dispositif d’accompagnement à la scolarité, les ressources et supports étudiés en classe ainsi que d’éventuels compléments. Le cahier de texte en ligne devrait, quant à lui, pouvoir se généraliser dans le cadre des ENT, une fois levées les inquiétudes relatives aux droits d’accès à ces informations, notamment par les corps d’inspection. »
Ce dernier paragraphe justifie pleinement l’action de Xavier Darcos dans sa volonté d’ouvrir l’école aux parents : plus d’informations, plus de dialogue dans la communauté éducative et possibilité pour les parents dont les enfants sont en difficulté de les accompagner et de suivre leur travail. Seulement, on est en droit de se demander pourquoi Xavier Darcos décide-t-il aujourd’hui de répondre à ces attentes afin de comprendre sa démarche.
Pourquoi Xavier Darcos fait-il appel aux parents ?
L’appui des parents pour justifier sa politique
En répondant ainsi aux attentes des parents, le ministre tente de s’appuyer sur les parents pour justifier ses mesures. Deux raisons expliquent ce besoin.
Dans la communauté éducative, les parents constituent un ensemble puissant et écouté. Leur poids est comparable à celui des élèves ou des enseignants, et a déjà fait fléchir plusieurs ministres dans leurs démarches de changement. En répondant à leurs attentes et en les sollicitant explicitement, Xavier Darcos s’assure de ne pas être attaqué par les associations de parents d’élèves.
Plus encore, la mise en place des TICE via les ENT va forcer les enseignants à modifier leurs habitudes. Ce qui n’est jamais aisé, comme les réformes précédentes l’ont montré. Afin d’affronter les enseignants, le ministre a besoin d’un soutien aussi fort voire plus : il a ainsi choisi les parents pour assurer ce rôle.
Les parents sont-il le moteur de la revolution pedagogique ?
Outre le fait que Xavier Darcos ait besoin d’avoir les parents derrière lui pour pousser les enseignants à modifier leurs habitudes, les parents peuvent-ils être le moteur d’une vraie révolution pédagogique ?
L’exemple britannique semble montrer que non. Du moins ce ne fut pas le cas au Royaume-Uni lorsque la politique du Becta se justifiait explicitement par le besoin de répondre aux attentes des parents. Néanmoins cela ne reste qu’un exemple et les différences sociologiques et culturelles entre le Royaume-Uni et la France ne poussent pas vraiment à faire des comparaisons.
[1] Ces droits sont reconnus dans le Code de l’Education. Le décret n°2006-935 du 28/7/2006 et la circulaire n°2006-137 du 25/8/2006 en annexe du rapport explicitent les principales mesures (Cf. annexe 2).
[2] Décret n°2006-935 du 28/7/2006 dont l’annexe 2 présente un extrait
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Par fgiroud , le jeudi 02 octobre 2008.