« L'insoutenable pauvreté de l'enfant »
par Isabelle LardonLe développement socio-affectif du jeune enfant est primordial et il est affecté par des conditions de vie défavorisées. C’est ce que Chantal Zaouche, sociologue, a montré dans sa conférence. Mais alors attention, il n’est pas question de dire que tout est joué avant 6 ans, que le petit enfant agressif va devenir violent, que la précarité entraîne la délinquance. Il ne s’agit pas de psychologiser ou médicaliser à outrance, mais il faut prévenir. C’est le rôle des structures d’accueil de la petite enfance ou de l’école maternelle d’apporter des espaces stables et des modèles d’adultes structurants. Car une chose est sûre, plus la situation de précarité perdure, plus les difficultés sont importantes. Et plus l’attachement à un adulte est précoce, plus la situation évolue positivement.Chantal Zaouche fait état d’études issues de la littérature anglo-saxonne.Les familles en situation de précarité vivent dans des logements insalubres ou trop petits, ou n’ont pas le choix de leur logement. Elles n’ont pas accès aux soins, à la culture, aux modes de garde. Elles ne peuvent garantir un niveau de vie décent aux enfants. Préoccupés par leur propre situation, par la recherche d’un emploi, les parents ne sont pas disponibles psychiquement et physiquement pour contenir leurs enfants. L’attachement à la mère ou à la figure de mère ne se met pas en place correctement.
C’est justement l’attachement et la sécurité qui sont structurants, qui vont permettre d'acquérir de la stabilité, des repères : c'est parce qu'il est sécurisé que le petit enfant va pouvoir explorer et découvrir le monde en autonomie ; c’est parce qu’il est accompagné qu’il va oser se détacher, aller vers les autres et entrer dans les savoirs.
Si ces conditions ne sont pas réunies, le développement psychique, social, voire même cognitif risque d’être perturbé. Chantal Zaouche s’est penchée sur les signes qui vont nous alerter, nous les éducatrices, les enseignantes de maternelle.
Les enfants étant moins sécurisés sont plus désorganisés, désorientés. Les conduites sociales sont perturbées, les comportements sont largement intériorisés (angoisse, dépression) ou extériorisés (irritabilité, agressivité). Les problèmes émotionnels, les troubles de l'humeur sont plus fréquents. Les relations avec les pairs sont difficiles et génératrices de conflits. Les niveaux de fonctionnement cognitif sont plus bas dans de nombreux domaines : dans les recherches menées, des tests psychométriques montrent des difficultés pour ces enfants, tant sur les habiletés en lecture que sur la perception, le raisonnement logique...
Que faire face à un tel constat ?Enseigner dans ces « milieux difficiles » n’est pas chose aisée. Nous repérons facilement ces comportements et ils nous laissent parfois démunies. L’enfant est en souffrance, le groupe est en souffrance, l’adulte est en souffrance. Nous nous retournons alors vers les parents qui sont eux-mêmes en grande souffrance.
Chantal Zaouche s’est interrogée sur ce que çà signifie d’être parents dans ces conditions. Il y a beaucoup de détresse psychologique, en particulier chez les mères de jeunes enfants, le nombre de dépressions est élevé. Chez les pères, on est plus du côté de la tristesse, de l’anxiété, de la dévalorisation du rôle paternel, de la perception négative des enfants. Des difficultés surgissent quant aux pratiques éducatives (discipline, contrôle) et aux interactions parents/enfants (il y a moins d'engagement positif, de sensibilité parentale). Les couples, selon la place que chacun accorde à l’autre conjoint, peuvent être en conflit et déplacer le conflit sur l’enfant. Les familles en général se replient sur elles-mêmes. La fragilisation et l'altération des liens familiaux existent mais on en a une méconnaissance.
Dans les milieux de vie de l'enfant (crèche, école), on a une représentation de ce qu’est être un bon parent et on pérennise des images dominantes. Les parents en situation de précarité sont fragilisés dans leur rôle parental mais ne sont pas forcément démissionnaires.
En France, les modes de garde du jeune sont en nombre moins insuffisants et sont de bien meilleure qualité qu’au Royaume uni ou aux Etats unis. Ils influencent nettement la sécurisation des enfants.
L'attachement à des adultes et la qualité des modes de garde peuvent atténuer les difficultés desenfants insécurisés et ceux-ci peuvent devenir sécurisés. Alors, leurs interactions avec le milieu se multiplient et leur comportement s'améliore. Si l'enfant va mieux à la crèche, il ira mieux dans sa famille. Et les parents seront revalorisés en tant que parents.
D’où la nécessité d’ouvrir des places de crèches et d’en garantir l’accès à ces enfants. Les études récentes montrent que le lien à la mère, si la mère est défaillante, peut être avantageusement remplacé par un lien d’attachement identique à un adulte bienveillant.1
La conférence de Chantal Zaouche fait écho à plusieurs autres : à celle du juge Fricoteaux dans ce qu’elle rappelle de l’autorité parentale perturbée, que le parent soit délinquant, malveillant, ou fragilisé par sa situation de pauvreté - ; à celle de Daniel Mellier sur le stress que connaissent les enfants en situation de précarité comme en situation de grande prématurité – ; à celle d’Agnès Florin sur l’attachement – à celle encore de Françoise Carraud qui a nous alertait dans sa conférence sur le fait que les gestes éducatifs sont variés, que ce n'est parce que les familles ont des pratiques très éloignées de l'école que les parents sont moins légitimes dans leur statute.
C’est la grande force de ces entretiens et de l’Observatoire d’avoir construit un programme où tous les propos s’emboîtaient et se répondaient les uns avec les autres.
J’en suis sortie avec la conviction qu’il fallait lutter contre « l’insoutenable difficulté du système » à être prévenant…
1. D’où la nécessité de maintenir un accueil à deux ans dans les écoles maternelles dans les quartiers difficiles. C’est moi qui le dis, mais le propos entendu aujourd’hui va bien dans ce sens.
C’est justement l’attachement et la sécurité qui sont structurants, qui vont permettre d'acquérir de la stabilité, des repères : c'est parce qu'il est sécurisé que le petit enfant va pouvoir explorer et découvrir le monde en autonomie ; c’est parce qu’il est accompagné qu’il va oser se détacher, aller vers les autres et entrer dans les savoirs.
Si ces conditions ne sont pas réunies, le développement psychique, social, voire même cognitif risque d’être perturbé. Chantal Zaouche s’est penchée sur les signes qui vont nous alerter, nous les éducatrices, les enseignantes de maternelle.
Les enfants étant moins sécurisés sont plus désorganisés, désorientés. Les conduites sociales sont perturbées, les comportements sont largement intériorisés (angoisse, dépression) ou extériorisés (irritabilité, agressivité). Les problèmes émotionnels, les troubles de l'humeur sont plus fréquents. Les relations avec les pairs sont difficiles et génératrices de conflits. Les niveaux de fonctionnement cognitif sont plus bas dans de nombreux domaines : dans les recherches menées, des tests psychométriques montrent des difficultés pour ces enfants, tant sur les habiletés en lecture que sur la perception, le raisonnement logique...
Que faire face à un tel constat ?Enseigner dans ces « milieux difficiles » n’est pas chose aisée. Nous repérons facilement ces comportements et ils nous laissent parfois démunies. L’enfant est en souffrance, le groupe est en souffrance, l’adulte est en souffrance. Nous nous retournons alors vers les parents qui sont eux-mêmes en grande souffrance.
Chantal Zaouche s’est interrogée sur ce que çà signifie d’être parents dans ces conditions. Il y a beaucoup de détresse psychologique, en particulier chez les mères de jeunes enfants, le nombre de dépressions est élevé. Chez les pères, on est plus du côté de la tristesse, de l’anxiété, de la dévalorisation du rôle paternel, de la perception négative des enfants. Des difficultés surgissent quant aux pratiques éducatives (discipline, contrôle) et aux interactions parents/enfants (il y a moins d'engagement positif, de sensibilité parentale). Les couples, selon la place que chacun accorde à l’autre conjoint, peuvent être en conflit et déplacer le conflit sur l’enfant. Les familles en général se replient sur elles-mêmes. La fragilisation et l'altération des liens familiaux existent mais on en a une méconnaissance.
Dans les milieux de vie de l'enfant (crèche, école), on a une représentation de ce qu’est être un bon parent et on pérennise des images dominantes. Les parents en situation de précarité sont fragilisés dans leur rôle parental mais ne sont pas forcément démissionnaires.
En France, les modes de garde du jeune sont en nombre moins insuffisants et sont de bien meilleure qualité qu’au Royaume uni ou aux Etats unis. Ils influencent nettement la sécurisation des enfants.
L'attachement à des adultes et la qualité des modes de garde peuvent atténuer les difficultés desenfants insécurisés et ceux-ci peuvent devenir sécurisés. Alors, leurs interactions avec le milieu se multiplient et leur comportement s'améliore. Si l'enfant va mieux à la crèche, il ira mieux dans sa famille. Et les parents seront revalorisés en tant que parents.
D’où la nécessité d’ouvrir des places de crèches et d’en garantir l’accès à ces enfants. Les études récentes montrent que le lien à la mère, si la mère est défaillante, peut être avantageusement remplacé par un lien d’attachement identique à un adulte bienveillant.1
La conférence de Chantal Zaouche fait écho à plusieurs autres : à celle du juge Fricoteaux dans ce qu’elle rappelle de l’autorité parentale perturbée, que le parent soit délinquant, malveillant, ou fragilisé par sa situation de pauvreté - ; à celle de Daniel Mellier sur le stress que connaissent les enfants en situation de précarité comme en situation de grande prématurité – ; à celle d’Agnès Florin sur l’attachement – à celle encore de Françoise Carraud qui a nous alertait dans sa conférence sur le fait que les gestes éducatifs sont variés, que ce n'est parce que les familles ont des pratiques très éloignées de l'école que les parents sont moins légitimes dans leur statute.
C’est la grande force de ces entretiens et de l’Observatoire d’avoir construit un programme où tous les propos s’emboîtaient et se répondaient les uns avec les autres.
J’en suis sortie avec la conviction qu’il fallait lutter contre « l’insoutenable difficulté du système » à être prévenant…
1. D’où la nécessité de maintenir un accueil à deux ans dans les écoles maternelles dans les quartiers difficiles. C’est moi qui le dis, mais le propos entendu aujourd’hui va bien dans ce sens.
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Par ppicard3 , le dimanche 15 juin 2008.