Le HCE dénonce les évaluations "trompeuses" et "peu exigeantes" de l'éducation nationale
Par François Jarraud
Quelques jours après l'OCDE, une nouvelle critique grave de la façon dont est piloté le système éducatif est lancée par le HCE. Le Haut Conseil de l'Education demande que l'évaluation du système éducatif soit confiée à un organisme indépendant. En effet il juge que les évaluations utilisées par l'éducation nationale sont "trompeuses" et inadaptées.
"Dans une démocratie, toute politique publique doit faire l’objet d’une évaluation transparente et objective. Celle-ci a pour but de contrôler l’utilisation qui est faite des moyens alloués et de mesurer l’efficacité de la politique menée. La politique éducative doit donc, comme les autres, faire l’objet d’une évaluation régulière", rappelle le Haut Conseil de l'Education, organe indépendant de contrôle du système éducatif, chargé de veiller sur l'application du socle commun. Or pour lui les évaluations utilisées ne sont pas à la hauteur, voire elles enjolivent volontairement les choses...
S'agissant des indicateurs fournis par le ministère au Parlement dans le cadre de la LOLF, les indicateurs des "compétences de base" en français et en mathématiques, le HCE les juge "partiels, peu exigeants et donc trompeurs quant à la maîtrise du socle commun". La formulation est sévère. "Cet indicateur n’est pas à même de nous renseigner réellement sur le degré de maîtrise du socle commun par les élèves", assure le HCE." En effet, il se limite à une compétence et demie sur les sept compétences que compte le socle commun" et " le niveau d’exigence attendu pour les « compétences de base » est bien moindre que pour le socle commun".
Ce n'est pas mieux pour les résultats des évaluations nationales de CE1, CM2 et 3ème. Le HCE pointe des questions de méthode : ces évaluations confondent évaluation du système éducatif et évaluation de sa classe par le maître. En CM2 et 3ème, "la fiabilité des indicateurs n'est pas assurée. La manière dont elles sont renseignées n'est ni contrôlée ni harmonisée". En 3ème, le HCE constate un écart entre la règle de non-compensation pour obtenir le socle et la réalité de terrain. "11% des élèves se sont vus attribuer le socle sans avoir validé les sept compétences" souligne le HCE. Ces évaluations mises en place par la Dgesco avaient été critiquées pour leur manque de technicité. Luc Chatel avait demandé début 2011 à la DEPP (division des études du ministère) d'aider la Dgesco à en améliorer la qualité.
Alors il reste les indicateurs CEDRE, réalisés par la DEPP, qui relèvent d'échantillons d'élèves relevés chaque année par le ministère à la fin de l'école et du collège. Le HCE vante son sérieux et sa capacité à montrer les inégalités. Mais ces indicateurs restent partiels..
Pour une agence indépendante. " Le Haut Conseil de l’Éducation recommande de renoncer aux indicateurs actuels de la LOLF sur la maîtrise des « compétences de base ». Ces indicateurs donnent en effet une image erronée du degré de maîtrise effective du socle commun par les élèves." Il "suggère" de créer "un dispositif nouveau en faisant évaluer les évaluations CEDRE dont il s'inspirerait sur le plan méthodologique", c'est à dire qu'elles auraient lieu par échantillon. Il demande que chaque année un palier du socle soit évalué, en prenant en compte la totalité des compétences avec des "valeurs stables" permettant des comparaisons dans le temps. Ces évaluation seraient compatibles avec les enquêtes internationales comme PISA ou PIRLS. " Le moment est venu de confier à une agence d’évaluation indépendante la mise en oeuvre d’un tel programme", écrit le HCE. "Il est essentiel en effet que, dans notre démocratie, les données concernant les résultats de notre système éducatif soient objectives et transparentes, donc incontestables".
La mise en place du pilotage par l'évaluation ? Cette dernière demande met en question la façon dont le ministère publie ou non les travaux de la DEPP et la qualité du travail de la Dgesco en ce domaine. Elle semble même accuser le pouvoir politique pour des opérations de camouflage. Mais l'enjeu de la démarche du HCE est plus grand encore. En définissant un système d'évaluation fiable et indépendant du pouvoir politique, le HCE semble vouloir poser une évaluation du système éducatif à l'anglo-saxonne qui permette un véritable pilotage de l'Ecole. On connaît les dérives de ce pilotage dans les pays anglo-saxons. L'avenir dira si un système dévaluation indépendant est une utopie ou non dans le système éducatif français. Est-ce pour l'Ecole un progrès ou une impasse, voilà encore un autre débat.
Liens
L'étude du HCE
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/doc[...]
X Pons sur la culture d'évaluation
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pag[...]
Dossier HCE
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/s[...]
Bruno Racine : "Il faut une agence qui ne soit pas soupçonnée de vouloir améliorer les résultats"
"Un système éducatif n'évolue pas à grand coup de baguette magique. Si l'on veut éviter le déni de réalité ou l'incohérence, il faut mesurer ses résultats". Au lendemain de la publication du rapport du Haut Conseil de l' Education sur les indicateurs relatifs au niveau des élèves, son président Bruno Racine explique pourquoi il faut changer de système d'évaluation de l'Ecole. Quels qu' en soient les risques...
Lisez l'entretien avec B Racine
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/[...]
Bruno Suchaut : Evaluations : Distinguons les niveaux
Directeur de l'IREDU, un des principaux laboratoires universitaires d'évaluation des systèmes éducatifs, Bruno Suchaut revient sur le rapport du Haut Conseil de l 'Education sur les indicateurs du niveau des élèves. Il appelle à distinguer les niveaux et les outils d'analyse tout en reconnaissant qu'il est "sans doute souhaitable qu’un organisme externe et indépendant" s'occupe des évaluations nationales...
Le dernier rapport du HCE s’intéresse à une question importante, largement débattue depuis que l’évaluation s’est progressivement développée au sein de notre système éducatif. Les conclusions du rapport ne devraient pas provoquer de réactions négatives de la part des acteurs du système, il y a en effet un certain consensus pour considérer que les indicateurs actuels sont imparfaits. Ces conclusions laissent néanmoins presque sous silence des questions essentielles sur les modalités et les finalités de l’évaluation des acquis des élèves. Il y a deux points complémentaires qui méritent d’être interrogés pour clarifier les enjeux du débat. En premier lieu, il faut rappeler que l’on peut classiquement associer à l’acte d’évaluation, trois intentions distinctes : mesurer, apprécier et interpréter. En second lieu, il convient également de distinguer les niveaux de l’évaluation : l’évaluation du système, le pilotage local, l’évaluation des élèves dans les écoles. Si les trois intentions précédentes doivent être mobilisées à ces différents niveaux, la nature des indicateurs et leur méthodologie doivent être différentes selon ces mêmes niveaux.
Lisez la suite de l'article de B Suchaut
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/09/1[...]
L'analyse de Xavier Pons
"Les recherches ne permettent pas de conclure avec solidité à un effet positif (ou négatif) de la mise en œuvre d'évaluations standardisées des acquis des élèves". Auteur de "L'évaluation des politiques éducatives", Xavier Pons réagit à la publication du rapport du HCE sur les indicateurs relatifs au niveau des élèves. Pour lui l'initiative du HCE peut améliorer les évaluations nationales.
Lisez l'entretien avec X Pons
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/09/[...]
Blanquer : "Les évaluations sont extrêmement fiables"
Luc Chatel n'avait pas répliqué à l'OCDE. Jean-Michel Blanquer, directeur de l'enseignement scolaire, réplique au HCE sur France Info. Il défend les indicateurs mis en place par sa direction et la qualité des évaluations. C'est PISA qui est en retard...
"Les évaluations de CE1 et CM2 sont extrêmement fiables", a affirmé JM Blanquer au micro d'Emmanuel Davidenkoff sur France Info le 19 septembre. "On a pour la première fois à tous les niveaux une idée claire des compétences précise de chaque élève. On peut à toutes les échelles mesurer les progrès ou les régressions qui existent en France.. Il ne faut pas fragiliser ce qu' on a commencé et qui est solide", a-t-il ajouté. "Il y a aujourd'hui un pilotage pédagogique grace à cela. On enregistre les premiers résultats positifs. Pisa parle au passé".
Le problème c'est que le ministère a lui-même communiqué sur des taux de non remontée des évaluations très importants les premières années, au point d'altérer leur sérieux. En 2010, l'appel à la Depp pour revoir les protocoles d'évaluation a officialisé le caractère relatif de ces évaluations. Faire croire qu'avec moins de professeurs le niveau ne cesse de monter, risque d'être un exercice difficile.
Sur France info
http://www.france-info.com/chroniques-question-d-educa[...]
Hazan répond à Blanquer
Lors de la conférence de presse de la Fcpe, Jean-Jacques Hazan a réagi aux propos de JM Blanquer estimant "extrêmement fiables" les évaluation de CE1 et Cm2. "Elles sont tellement fiables qu'on les redresse, qu'il y a des consignes, que Paris et la Corse passent en un an de la dernière à la première place. Comme statisticien j'aimerais qu'on m'explique". La Fcpe demande une réflexion sur ces évaluations. "Pour cela il faut arrêter de faire croire qu'on pilote par les résultats. Le gouvernement ne pilote pas par les résultats mais par les moyens".
Propos de JM Blanquer
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/0[...]
Sur le site du Café |
Par fjarraud , le vendredi 23 septembre 2011.