Le Café a lu
C. Froidure
La GéoGraphie
Vous avez dû en entendre parler ; le contraire serait étrange, on trouvait ce premier numéro dans la maison de la presse d’une petite ville de Picardie maritime, c’est dire !
Ainsi, la géographie possède à nouveau sa revue : la GéoGraphie. La société de géographie publie dès 1822 sa revue. A la fin de l’année 2007, cette revue « fait peau neuve » et lance son numéro 1528. Jusqu’à maintenant l’histoire possédait sa revue grand public, l’Histoire ; désormais la géographie a la sienne, la GéoGraphie mais attention elle ne se situe pas dans les registres choisis par les revues déjà en kiosques comme l’icône Géo qui versent dans le reportage mais tend à proposer un grand public des articles de fonds à un public élargi.
Pour l’occasion, le Café a parcouru ce numéro. Lors de la présentation qui eut lieu lors du dernier FIG, il pouvait sembler que le prix (6,90€) pouvait paraître prohibitif mais une fois l’objet en mains, le problème du prix de cette revue trimestrielle s’efface tant elle est de bien belle facture : qualité du papier, qualité des illustrations, nombre de pages (près de 150).
Mais l’habit ne fait pas le moine sauf dans ce cas car le contenu est à la hauteur. Cet opus consacré aux « îles, ces étranges objets de désir » comprend pas moins de 14 articles rédigés par des universitaires reconnus mais il ne faut pas s’y tromper ; il n’est pas question ici de s’adresser seulement un public de géographes mais plutôt au plus grand nombre.
Chaque numéro traitera une thématique, ici les îles, dans le prochain numéro, cartes et atlas (à paraître le 23 mars 2008).
Ici il est question des îles. Iles désirées, rêvées, sublimées, comme le montre Françoise Péron, par les récits, les images telles les toiles de Gauguin racontant un Tahiti bien loin d’une réalité, selon Jean-François Staszak, qui surprit l’artiste lui-même qui décida toutefois de peindre l’image de Tahiti et non Tahiti. Toutes ces perceptions de l’île restent très actuelles : le touriste continue à chercher en Tahiti un paradis qui n’existe pas mais que lui vendent les tours-opérateurs ; au-delà de Tahiti, l’attraction insulaire renvoie toujours à un ailleurs différent, à l’idée d’un bout du monde conservant son état premier, son authenticité (lire l’article sur les Açores) la recherche d’un isolement. Or, pour Jean-Robert Pitte, cette attirance pour l’île peut ne pas être partagé par tous.
Parmi les autres articles à parcourir. Philippe Pelletier et la notion d’île au Japon, les micro-états insulaires tels le Sealand par Bruno Fuligni, Philippe Boulanger raconte les énormes chantiers de Dubaï et Abu Dhabi illustrant deux logiques d’édification différentes mais visant un même objectif (à observer les images de la NASA et une projection sur l’évolution du littoral de Dubaï).
Enfin la revue offre à ces lecteurs un document : une carte au (environs) 1/290 000 de la Corse réalisée par l’IGN à partir des relevés au 1/50 00 et une rubrique, les Nouvelles de la GéoGraphie présentant un éventail large de manifestations (expositions, colloques…), des livres, des films et même une… recette d’acras de morue.
On l’aura compris, la GéoGraphie mérite le détour.
Pour poursuivre sur les îles
Sur le site des Cafés géographiques :
Qu’est-ce qu’une île ? par Frédéric Durand et Marie Redon.
http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=[...]
Compte-rendu par Gilles Fumey, « îles funestes, iles bienheureuses/îles rêvées, sous la direction de Dominique Guillaud, Christian Huetz de Lemps et Olivier Sevin, Trasnboréal, 204.
http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=571[...]
Dossiers et documents du Monde, novembre 2007
Ce numéro met à l’honneur les mégapoles sous le sous-titre « Les nouveaux mondes. », titre peut-être mal choisi dans la mesure où le premier texte donne une définition de la… mégapole.
Réalisé par l’un de nos collègues, Jean-François Camper, professeur au lycée Rey de Rouen, il s’appuie comme à son habitude sur une sélection d’articles publiés en 1995 et 2007 et tirés du quotidien éponyme.
Désormais un homme sur deux vit en ville ce qui conduit a faire « migrer l’humanité d’un modèle en majorité rural à une planète dominée par ces agglomérations ont l’étiage moyen varie actuellement de 10 à 30 millions d’individus mais le vivre dans ces énormes entités diverge selon que l’on se trouve dans un pays développés, émergent ou en développement.
4 parties forment l’architecture de ce dossier. Le premier fait un état des lieux d’ « une planète qui s’urbanise ». Associant documents (cartes et graphiques) et textes, comme pour le reste du dossier, cette double-page envisage la réalité des faits : un monde à moitié urbain, l’expansion des bidonvilles, les modes de vie ; mais aussi le futur au travers d’un article intitulé « l’hyper-ville, ce monstre du futur engendré par Internet »
Une seconde double-page réalise des focus sur certaines de ces grandes villes. Pas de surprises, New-York, Londres, Shanghaï, Pékin, Moscou sont les élues.
Dans la troisième double-page, sont évoquées les mégalopoles sous tensions : reprise de la construction sans vision urbanistique à Tokyo, risques naturels en l’occurrence de séismes pour une dizaines de ces villes, criminalité et corruption à partir de l’exemple de Mexico, enfin une interview de Suketu Mehta, auteur de la fameuse somme sur Bombay, » Bombay Maximum City ».
Enfin, une page sur Paris clôt l’ensemble ; la ville-lumière est face à une série de défis : son extension, la pollution, la répartition de la richesse entre les communes de l’agglomération parisienne.
La fuite des cerveaux : exil forcé ou exil doré ?, Anne Bertrand-Grouteau, éditions Ellipses, p188.
Dans la collection Tranversales Débats, Anne-Bertrand Grouteau, agrégée d’histoire-géographie, tente ici un état de la question des flux de travailleurs hautement qualifiés, souvent regroupés sous l’expression générique brain drain, sous la forme d’une question :
S’agit-il d’un exil doré c’est-à-dire visant simplement à une amélioration matérielle de la situation professionnelle par les pays d’accueil et pour les travailleurs qualifiés.
S’agit-il d’un exil forcé, forcé pour des raisons politiques, les plus connues ou les départs sont-ils motivés par l’absence de possibilités réelles d’épanouissement dans le pays natal du chercheur ?
Voilà donc quelques-unes des questions posées par l’auteur. Ce titre s’articule comme les autres ouvrages de cette collection autour d’une première partie « Comprendre : l’état de la question » puis d’une seconde « Débattre : l’état des questions. »
Alors qu’apprend-on de ce phénomène ?
Tout d’abord qu’il est d’importance et qu’il tend à se généraliser et qu’il fut diversement interprété par les écoles de pensée libérale et marxiste (liberté de circulation et marché mondial versus flux unilatéraux orientés Sud/Nord). J.B. Meyer analyse la situation sous l’angle du concept de « nomadisme scientifique » qui s’attache à une « étude sociologique du migrant et à son image » et prend en compte non seulement les aspects spatiaux et sociaux des mouvements mais aussi intellectuels ; ici le nomade étant aussi un être qui, tout au long de son parcours, interagit avec les milieux qu’ils parcourent et avec lesquels ils tissent une série de liens.
Donc phénomène d’importance mais semble-t-il encore plus en provenance des PED et surtout en augmentation, augmentation qui cache bien sûr une diversité de situations sur lesquelles les graphiques de la page 22 éclairent notre lanterne. Toutefois, un pays de départ peut-être aussi un pays d’arrivée comme c’est le cas de la France, accueillant des étudiants et chercheurs africains (voir le flash page 50 sur les étudiants africains francophones en France) et « perdant » des étudiants ou chercheurs en partance pour le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, pays qui polarise les arrivées de « cerveaux » à l’échelle mondiale. En ce qui concerne les pays départ, il faut faire attention aux données et observer tout à tour les données brutes et relatives permettant d’entrevoir des différences notables car si en chiffres bruts, les départs sont supérieurs en Europe et en Asie selon la Banque mondiale, en %, l’Afrique et l’Amérique centrale occupent la pôle position.
Le chapitre 2 aborde les facteurs de la mobilité à partir du binôme push factors (facteurs répulsifs)/pull factors (attractifs). Parmi les seconds, pas de surprises, les conditions économiques et de travail forment le cœur du pouvoir attractif des pays développés : des salaires très nettement supérieurs, du matériel dernier cri, un environnement stimulant constituent une triade quasi-incontournable. Toutefois l’auteur insiste sur les aspects politiques : quelles sont les politiques des pays d’accueil ? offrent-elles un cadre stimulant l’arrivée des cerveaux ? Et d’évoquer les politiques européenne, britannique et française (celle de l’immigration choisie) mais aussi américaine qui a néanmoins subi les contre-coups du 11/09. Ces politiques mettent à contribution plusieurs vecteurs : un « assouplissement des règles » limitant l’entrée sur le territoire pour les travailleurs hautement qualifiés, la mise en place de conditions d’accueil favorables à la réception et au maintien des meilleurs étudiants étrangers en sont deux exemples.
Côté push factors, on trouve les mêmes mais en négatifs : manque d’argent pour mener des recherches, formation insuffisante, salaires peu élevés, manque d’emplois, instabilité politique…
Quelles sont les conséquences de cette mobilité ? L’auteur incite à ne pas se satisfaire des discours trop affirmatifs sur le scandale de la fuite des cerveaux ou sur l’enthousiasme des cerveaux à partir. Son sentiment est que, dans le cas des pays en voie de développement, l’expression fuite des cerveaux n’est valable que dans les cas de non-retour définitif car il en résulte des pertes d’investissement dans la formation, de gains de production, de compétences, ce dernier exemple pouvant s’appliquer aux pays développés touchés par ces migrations. Toutefois ce brain drain peut trouver sa compensation dans un brain gain par les relations que cette diaspora peut entretenir avec son pays natal (circulation d’informations, transferts d’argent…). Dans les pays développés, s’est développée une inquiétude quant à cette fuite des cerveaux notamment au Canada et en France, exemples développés par Anne Bertrand-Grouteau. Dans ces pays, des études concluent sur les risques de cette fuite sans évoquer les arrivées de cerveaux de pays en voie de développement qui constitue un point très positif.
Le dernier chapitre de la première partie liste les solutions envisageables. Il fait d’abord état de l’impossibilité de s’opposer à cette circulation des travailleurs hautement qualifiés. Il faut donc stimuler un retour physique de ces nationaux et simultanément essayer d’attirer les étudiants et chercheurs étrangers. Dans cette compétition, chaque pays ou entité (UE) structure sa stratégie autour de programmes de retour, de plans d’attractivité ; c’est ainsi que la France a élaboré un programme de renforcement de son attractivité en partie axé sur l’accueil de chercheurs et d’étudiants en optant pour l’amélioration des conditions d’accueil des familles, par la création de pôles de compétitivité, par une formation de qualité, par l’attribution de chaires d’excellence dotées de bourses d’installation conséquentes… Bien entendu, dans cette compétition, tous ne partent pas sur la même ligne et les pays les plus riches sont plus à mêmes d’attirer l’élite scientifique mondiale.
La seconde partie du livre revient sur certaines questions ; celles-ci au nombre de 5 sont présentées soit sous forme d’alternatives, soit sous la forme d’une question simple :
Pillage ou partenariat ?
Migrations des travailleurs qualifiés des PED : appauvrissement ou enrichissement pour le pays d’origine ?
Gains et pertes de cerveaux : un jeu à somme nulle ?
On comprendra bien sûr que les réponses sont souvent à trouver dans un entre-deux ; ainsi pour « pillage ou partenariat », il est rappelé que le terme pillage n’est pas le mieux choisi sachant que nombre de pays de départ ne peuvent retenir les cerveaux en raison de conditions de travail et d’un environnement peu propices à la recherche. En ce qui concerne le partenariat, ceux-ci restent à construire même si des initiatives ont déjà été lancées.
Au final, un livre de lecture facile ponctué de nombreux documents (cartes et graphiques pour l’essentiel) qui peuvent faire l’objet d’une étude ciblée en classe. Il semble toutefois que les sources se réduisent pour l’essentiel au rapport de la Banque mondiale même si de temps à autre d’autres institutions sont mises à contribution (Sénat, OCDE)
Le rapport (en anglais) International migration, remittances and the brain drain.
http://www.yaleglobal.yale.edu/pdfs/Braindrain.pdf
Un document canadien de 25 pages sur le sujet.
http://strategis.ic.gc.ca/pics/raf/hand_f.pdf
La mobilité internationale des travailleurs hautement qualifiés, note de synthèse de l’OCDE.
http://www.oecd.org/dataoecd/9/19/1950020.pdf
Halte à la fuite des cerveaux en Afrique (Panapress).
http://www.panapress.com/freenewspor.asp?code=fre025117[...]
La création de la carte bleue européenne par l’UE pour les migrants hautement qualifiés.
http://ec.europa.eu/commission_barroso/president/f[...]
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Par cfroidure , le mardi 15 janvier 2008.