L’école française donne-t-elle le temps d’apprendre à lire à ses élèves ? Après « 7 minutes pour apprendre à lire », Bruno Suchaut et Alice Bougnères se lancent dans un savant calcul du temps nécessaire à leurs yeux pour ces apprentissages. Pour les auteurs, les élèves les plus fragiles ont besoin de 35h d’engagement individuel pour apprendre à lire. Le constat final c’est que le programme de CE1 est incompatible avec les besoins des élèves. Pour eux, il faut alléger le programme ou différencier ses objectifs. Ils invitent à utiliser pour l’entrainement le temps d’enseignement du CE1.
En France, un élève sur cinq connait actuellement des difficultés en lecture à l’école primaire et le niveau de compréhension des écoliers les plus faibles suit une tendance à la baisse depuis plusieurs années. C’est le bilan établi par plusieurs études nationales et internationales qui fournissent à présent des données fiables pour mesurer l’évolution des compétences des élèves. C’est par ailleurs dans les établissements relevant de l’éducation prioritaire que l’augmentation de la proportion d’élèves en difficulté est la plus flagrante (Daussin, Keskpaik, Rocher, 2011). Dans ces écoles, toutes les dimensions de la lecture sont concernées par cette dégradation, y compris les mécanismes de base, à la différence des établissements hors éducation prioritaire. Cela interroge la capacité que peut avoir l’école à fournir, à tous les élèves, les moyens d’accéder aux savoirs fondamentaux.
Ce constat, désormais bien établi, d’une dégradation de la performance globale du système et des acquis des élèves les plus fragiles est complété par celui d’un fort déterminisme précoce de la réussite scolaire. Les études de suivi de cohortes ont en effet montré que le niveau scolaire global à l’entrée à l’école élémentaire déterminait largement les performances en fin de CM2 (Suchaut, 2007). Il ne faut donc pas compter sur un rattrapage spontané des élèves ayant un faible niveau de compréhension et d’expression orales au CP au cours de la scolarité élémentaire. Au contraire, la recherche a établi que les écarts initiaux ne faisaient que s’amplifier au cours de la scolarité : ce phénomène est connu dans la littérature sous le terme « d’effet-Matthieu » (Stanovitch, 1986). Le niveau à l’entrée au CP influe d’autant plus sur la carrière des élèves qu’ils ont les acquis initiaux les plus faibles (Caille, Rosenwald, 2006). La trop forte proportion d’élèves quittant l’école élémentaire sans pouvoir comprendre un texte écrit s’explique en grande partie par le temps trop réduit qu’ils auront eu l’occasion de consacrer à l’apprentissage de la lecture. Les élèves n’apprenant pas à lire spontanément, il faut stimuler chez eux des aptitudes spécifiques (Juel, 1988). Les élèves qui ne bénéficient pas chez eux des stimulations requises doivent alors essentiellement compter sur l’école pour développer les compétences indispensables.
Le travail présenté dans ce texte vise à estimer le temps disponible à l’école et le temps nécessaire aux élèves les plus fragiles pour apprendre à lire. Les données ont été recueillies dans le cadre du projet « Lecture » conduit par l’association « Agir pour l’école » dans plusieurs centaines de classes de grande section, de CP et de CE1 depuis 2011. Une première partie est consacrée à l’identification du temps d’engagement individuel comme variable clé des progrès. Une seconde partie présente le chiffrage du temps disponible en classe pour apprendre à lire. Une troisième partie s’attache à estimer le temps nécessaire à cet apprentissage. Enfin, en guise de conclusion, des propositions concrètes seront énoncées pour que, dans le contexte actuel de l’école primaire, le temps disponible puisse être aligné sur les besoins réels des élèves.
Les travaux sur l’usage du temps scolaire par les élèves sont nombreux et ont fait l’objet de plusieurs synthèses de chercheurs anglo-saxons (Bloom, 1974 ; Smyth, 1985) et francophones (Delhaxhe, 1997; Chopin, 2010). Les revues de travaux réalisées par Rosenshine et Berliner (1978) ont ainsi mis en évidence une relation significative et positive entre le nombre d’occasions d’apprentissage, mesuré par des moyens variés (examen des manuels utilisés, comptage du nombre de mots lus en une journée, etc.), et le degré de réussite des enfants en lecture. Il existe ainsi une relation entre la quantité d’interactions verbales qu’un élève a avec le maître et les résultats qu’il obtient en lecture : à un faible nombre d’interactions correspondent des résultats faibles (Pardo, Duchein, Breton, 1974), et ce dès l’école maternelle (Vasquez, Stambak, Seydoux, 1978). Plusieurs recherches citées par Harris (1979) montrent que les résultats des élèves s’améliorent avec l’allongement du temps consacré à la lecture par le maître. Or, le temps théoriquement passé en classe ne correspond pas au temps d’enseignement effectif, ni au temps d’apprentissage de chaque élève. Des sorties et activités exceptionnelles aux absences parfois récurrentes de l’élève, des déplacements dans l’école aux interventions extérieures et au temps consacré à la discipline et à l’organisation de la classe, le maître ne dispose parfois que de quelques dizaines de minutes dans la journée entière pour mettre en place des séances d’enseignement explicite. Et pendant ces séances, les élèves ne sont en situation d’apprentissage qu’une partie seulement du temps.
La recherche (Smyth, 1985) retient plusieurs approches imbriquées du temps scolaire, en identifiant de nombreux facteurs qui réduisent le temps d’apprentissage. La première façon de définir le temps scolaire correspond à la quantité officielle de temps d’enseignement ; la deuxième à la « quantité d’instruction par l’élève », compte-tenu notamment des absences du maître et de l’élève. La définition suivante vise le temps effectivement consacré par l’enseignant aux activités scolaires, à l’exclusion des temps consacrés à d’autres fins. Le niveau d’analyse suivant appréhende le temps d’engagement de l’élève, à l’exclusion du temps consacré par le maître à la gestion de la classe et à la vie scolaire, et du temps d’inattention de l’élève. Le dernier niveau identifié est le temps d’apprentissage académique ou « ALT » (Academic Learning Time) qui peut être considéré comme le temps effectif d’engagement de l’élève sur une tâche pertinente vis à vis d’un apprentissage (Romberg, 1980). Il est fonction de l’adéquation des activités d’apprentissage proposées au niveau et aux besoins de l’élève, de l’attention de l’élève sur la tâche proposée, et des modalités d’enseignement (clarté des consignes par exemple). C’est ce dernier niveau d’analyse du temps scolaire que nous appellerons « temps d’engagement individuel », qui est identifié comme le levier principal de l’efficacité pédagogique (Fisher et al. 1980), directement lié aux progrès des élèves (Lomax, Cooley, 1979 ; Karweit, Slavin, 1982 ; Cotton, 1989 ; Aronson, Zimmerman, Carlos, 1998). Une étude de Rossmiller (citée par Berliner, 1985) montre ainsi que le temps d’engagement dans la tâche rend ainsi compte, sur trois années, de 73 % de la variance des acquisitions en lecture et mathématiques pour les élèves faibles et de 10 % pour les acquisitions des élèves forts » (Bressoux, 1994). C’est donc ce volume de temps que nous avons cherché à quantifier, tant du point de vue de ce qu’il était possible pour un enseignant d’offrir à ses élèves en classe que de ce dont ceux-ci ont besoin pour apprendre.
Il faut dès à présent préciser les conditions générales qui permettent à l’engagement individuel d’un élève de le faire progresser ; la nature des compétences à entraîner sera examinée ensuite. Il ne suffit pas en effet de cibler les compétences adéquates, ni d’offrir un volume de temps important; il faut également mettre en place un enseignement dont les modalités sont conformes aux préconisations constantes de la recherche. A cet égard, l’enseignement doit être structuré, direct, explicite et progressif. Il doit ménager des interventions dans la zone proximale de développement de chaque élève, et proposer suffisamment de répétitions pour permettre la consolidation des compétences. C’est à ces seules conditions que l’ALT est susceptible d’expliquer, et de favoriser, les progrès des élèves. C’est la raison pour laquelle nous excluons du décompte du temps d’engagement disponible pour les élèves toute interférence éventuelle – laquelle serait d’ailleurs malaisée à quantifier – d’un enseignement ou d’une activité autre que l’enseignement structuré de la conscience phonologique, du code alphabétique, et de la fluence. Les programmes de recherche étrangers qui permettent de déterminer le temps d’engagement individuel nécessaire mentionnés plus loin dans cet article font, pour la plupart, intervenir un enseignant pour un élève, voire deux. Ces séances sont, par ailleurs, organisées en dehors de la classe. Dans ces conditions, on peut estimer le temps d’engagement individuel à partir de la durée des séances, en considérant que le temps d’attention du ou des deux élèves correspond quasiment à l’intégralité de la durée de la séance. Seul le temps consacré par l’enseignant ou le tuteur à la mise en place du matériel se déduit de la durée de la séance. Le taux d’engagement avoisine alors les 90%.
Dans le cadre de séances en petits groupes de quatre à sept élèves, il faut distinguer selon qu’elles interviennent hors de la classe (au cours de stages pendant les vacances ou en cas de prise en charge par un deuxième adulte dans une autre pièce) ou dans la classe (pendant l’année scolaire). L’analyse de plusieurs dizaines d’heures de vidéos de séances réalisées pendant des stages organisés pendant les vacances scolaires a permis d’estimer le temps d’engagement individuel dans une tâche à partir de l’observation du comportement d’élèves de grande section de maternelle et de CP. En additionnant les temps pendant lesquels l’élève est directement sollicité et ceux pendant lesquels il est manifestement mobilisé sur la tâche (identifiés par l’attitude corporelle et la direction du regard des élèves), on estime entre 10 et 20% la proportion de temps d’engagement individuel par élève sur la durée des séances. Ce taux correspond dans la plupart des cas à une simple division de la durée de la séance par le nombre d’élèves présents en séance. Il a en effet été relativement rare d’observer qu’un enseignant parvenait à mobiliser l’attention des autres élèves lorsque l’un d’entre eux est sollicité, notamment lorsque la sollicitation exige un temps de réflexion de l’élève et de feedback. Lorsque ces séances en petits groupes interviennent en classe, le temps consacré par l’enseignant aux autres élèves pendant la séance et le temps d’inattention lié aux perturbations sonores et aux interruptions de séance privent les élèves regroupés en séance d’une part souvent importante du temps prévu. L’observation de plusieurs dizaines de séances dans une vingtaine de classes de CP en 2013-2014 a permis d’estimer, avec un certain optimisme, la proportion du temps d’engagement de chaque élève pendant la séance à environ 8%, pour atteindre rarement 20% dans le cas d’une classe calme constituée d’élèves autonomes avec un enseignant qui parvient à maintenir un haut niveau d’attention des élèves en séance, notamment par le rythme donné à la séance.
Dans le cadre d’un enseignement en classe entière, ce taux est moindre. L’hétérogénéité des besoins des élèves réduit l’adéquation des sollicitations et, avec elle, le taux d’engagement. L’attention de l’enseignant par rapport au maintien de l’engagement de chaque élève est également moindre. Par ailleurs, les recherches ont montré que les enseignants avaient tendance à accorder moins d’attention aux élèves faibles, d’avoir moins d’interactions avec eux, de leur fournir moins de feed-back et de leur poser moins de questions qu’aux autres (Good, Brophy, 2000). On estime donc le taux d’engagement 10% au maximum. Lorsque l’enseignant organise ses séances en petits groupes, le temps d’engagement est donc optimisé, mais le temps global d’exposition diminue d’autant qu’il y a de groupes. Et c’est au minimum à trois groupes d’élèves que les séances s’adressent, en considérant que le groupe le plus avancé peut être composé d’un nombre d’élèves supérieur, jusqu’à la moitié de l’effectif. En introduisant l’hypothèse de la prise en charge de l’un des groupes par un adulte supplémentaire, souvent possible dans les écoles situées dans des zones défavorisées, le temps d’engagement individuel serait donc identique, quelles que soient les modalités d’enseignement. En petits groupes comme en classe entière, il s’établit, dans tous les cas, au maximum, à 10% du temps d’enseignement consacré par l’enseignant à l’enseignement de la lecture[1] (20% ÷ 2 dans le cas de séances en petits groupes et 10% dans le cas de séances particulièrement efficaces en classe entière)[2].
En France, Le programme officiel indique que la quantité officielle d’instruction s’élève à 870 heures par an, y compris les temps d’activités pédagogiques complémentaires pour les élèves de grande section et de CP, et déduction faite des jours fériés[3]. Pour préciser la quantité d’instruction par élève en classe, il faut déduire de ce volume les temps d’absences des enseignants et des élèves et le temps consacré aux activités exceptionnelles. D’après le rapport de juin 2011 de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche sur le remplacement des enseignants absents, le temps d’absence non remplacée de l’enseignant s’élève, en moyenne, avec des disparités fortes sur le territoire, à 1,4%, compte-tenu du taux d’absence fourni par la DGESCO (7,5%) et du taux de remplacement (de 80%[4]). Aucune statistique nationale n’est disponible sur le taux d’absentéisme des élèves du premier degré. Nous avons estimé le temps d’instruction perdu du fait de l’absence de l’élève à partir des relevés d’absence fournis par les directeurs d’écoles sur 8 classes de CP de zones prioritaires. Le taux d’absence moyen s’élève à 5%. Quand on s’intéresse de plus près au taux d’absentéisme des élèves qui quittent leur année de CP avec un niveau de lecture très faible[5], le temps perdu du fait de l’absence de l’élève s’élève à 13%. Il est difficile de déterminer la représentativité de ce chiffre établi sur une population restreinte mais nous faisons l’hypothèse que les élèves en grand besoin sont absents en moyenne pas moins de 7% du temps scolaire. Il faut également tenir compte des activités extraordinaires telles que les sorties scolaires (piscine, bibliothèque, cinéma, théâtre notamment) ou les interventions extérieures, qui représentent dans le même échantillon 7% du temps officiel d’instruction. Le temps effectivement passé en classe en CP s’élève donc à 740 heures[6].
Pour estimer la part que représente le temps d’enseignement de la lecture, deux méthodes ont été empruntées, conduisant toutes les deux à la même estimation. La première repose sur l’observation des pratiques dans une centaine de classes de CP ayant permis de définir l’emploi du temps standard d’une classe de CP. Une recherche longitudinale conduite dans 58 classes de CP (Suchaut, 1996) nous enseigne que 11 heures étaient en moyenne consacrées par semaine à l’enseignement du français, soit 40% du temps passé en classe[7], avec un écart-type faible. Ce volume correspond au volume de 10 heures hebdomadaires prescrit par les programmes de 2008, auxquels s’ajoutent éventuellement les heures attribuées au français pendant les activités pédagogiques complémentaires[8]. De ce volume consacré au français il ne faut retenir que la part consacrée à ce qui nous intéresse ici, la lecture. D’après les observations réalisées dans plus de 50 classes de CP, et en particulier les relevés quotidiens minutés des pratiques réalisés entre septembre et juin dans 11 classes de CP de zones prioritaires, ce sont au maximum les deux tiers du temps d’enseignement du français qui sont consacrés à la phonologie, au code alphabétique et à la fluence (au profit de la grammaire, de l’orthographe, de la lecture par le maître, etc.). Si l’on retient donc que deux tiers de 40% du temps théoriquement passé en classe est consacré à l’enseignement de la lecture, on obtient le taux de 27%. Si on applique ce taux de 27% au temps passé effectivement en classe, ce sont au maximum 200 heures qui restent disponibles sur toute l’année de CP pour l’apprenti lecteur fragile. Sur ces 200 heures, en retenant l’hypothèse d’un taux d’engagement de chaque élève faible qui se maintiendrait à 10% du temps consacré par l’enseignant à l’enseignement de la lecture, le temps engagé par an s’élèverait alors, et au maximum, à une vingtaine d’heures dans toute l’année de CP.
La seconde méthode permet une estimation plus directe du temps d’engagement effectif des élèves. Elle repose sur les outils quotidiens de relevé des activités en classe tenus par les enseignants eux-mêmes[9]. Ils ont pu être analysés dans quelques classes, et confirment l’estimation du volume annuel total d’engagement individuel offert sur les compétences visées, qui s’établit entre 10 et 20 heures selon les classes et les groupes d’élèves[10]. C’est donc à peine une vingtaine d’heures, fractionnées, qui seraient disponibles pour un élève. Le premier calcul décrit ci-après (graphique 1) repose sur des hypothèses optimistes par rapport à ce qui a été observé dans les classes de CP dans le cadre du projet « Lecture » en 2013-2014. En retenant des hypothèses plus proches de la réalité de ces classes majoritairement situées en éducation prioritaire, on parvient à un chiffre moindre. Ainsi, lorsque l’élève n’est pas présent pendant les APC[11], qu’il est absent en moyenne sur l’année 15% du temps, que l’enseignant est un peu plus souvent absent (10% du temps) et moins bien remplacé (12% de couverture pour les absences de courte durée)[12], et que des sorties et activités exceptionnelles sont organisées un peu plus souvent (10% du temps[13]), le temps disponible pour les apprentissages en classe n’est plus que de 75% du temps officiel d’instruction. Si on intègre des hypothèses plus défavorables sur le calcul du temps consacré à la lecture par l’enseignant[14] et sur le taux d’engagement de l’élève (5%), le temps d’engagement individuel de l’élève sur la lecture n’aura été en fin d’année que de cinq heures, soit moins de 1% du temps officiel d’instruction.
Ce volume résiduel contraste avec l’objectif d’un CP consacré aux apprentissages fondamentaux dans la perspective d’offrir à tous les élèves des chances équitables de maîtriser les savoirs de base : 666 heures de classe dans l’année sans que l’élève soit engagé sur un apprentissage, tous domaines confondus. Il ne s’agit pas tant d’appeler à un rééquilibrage des programmes au profit de plus de temps d’enseignement de la lecture – déjà conséquent – que de constater la difficulté d’offrir aux élèves fragiles le temps individuel d’apprentissage dont ils ont besoin, en lecture comme dans les autres domaines fondamentaux.
Pour connaître le temps d’engagement nécessaire pour apprendre à lire, nous ne disposons d’aucun standard sur le niveau attendu en France : les programmes officiels sont flous, et lorsqu’ils sont précis, ils ne sont guère réalistes. Nous pouvons en revanche nous fier qu’à ce que nous enseignent la recherche et l’observation concernant les étapes qui dotent un enfant de la capacité à déchiffrer et à comprendre un texte simple. Là aussi, l’ensemble des données analysées convergent et conduisent à la même estimation.
La littérature fournit de très nombreux exemples de programmes d’enseignement de la lecture. Peu ont fait l’objet d’une évaluation rigoureuse ayant conclu à leur efficacité. En outre, parmi eux, peu ont été décrits de façon suffisamment précise pour que les informations relatives au volume total de temps d’engagement de l’élève sur l’apprentissage de la lecture soient disponibles. Huit programmes ont été identifiés pour leurs résultats significatifs et positifs sur le niveau de lecture d’élèves faibles au début de leur scolarité (Torgesen, 2000 ; Vadasy, 1997, 2000), conçus de façon à couvrir la totalité des étapes de l’apprentissage, de la phonologie à la fluence (graphique 2). Les volumes d’entraînement proposés à chaque élève excèdent systématiquement 30 heures d’engagement individuel. La moyenne s’établit à 40 heures.
Graphique 2: Temps d’engagement individuel dans huit programme d’enseignement de la lecture
La recherche internationale précise également quelles compétences précoces sont déterminantes de la capacité à apprendre à lire. Cinq compétences majeures doivent être acquises pour lire c’est à dire pour comprendre un texte écrit : le vocabulaire, la conscience phonologique, la compréhension orale, la connaissance du son des lettres et la fluence de lecture. Toutes ces compétences supposent un apprentissage long et répétitif car aucune n’est acquise hors de l’école par certains enfants (nombreux dans les milieux défavorisés). Les modalités d’acquisition de trois d’entre elles sont particulièrement bien éclairées par la recherche, notamment en ce qui concerne les capacités d’ordre cognitif qui y sont liées. Il s’agit, par ordre d’acquisition : de la conscience phonologique, de l’automatisation du décodage et de la fluence de lecture. C’est le bloc constitué de ces seules trois compétences, sur les cinq nécessaires à acquérir, qui forme le cœur du protocole du projet « Lecture » et que nous chiffrons ici[15]. Il correspond strictement au champ retenu pour le décompte des heures disponibles dans la partie précédente, ce qui permettra de les comparer. Pour chacune de ces trois compétences, les données utilisées proviennent du projet « Lecture ».
Dans le cadre du projet « Lecture », l’équipe de l’association Agir pour l’école a suivi de plus près 11 classes de CP de zones défavorisées parmi les 50 classes de CP du projet en 2013-2014, tout au long de l’année scolaire[16]. Le protocole consiste essentiellement à mettre en place une à deux séances quotidienne(s) d’entraînement structuré de la lecture (de la conscience phonologique, puis du code alphabétique, puis de la fluence) d’une durée totale de 40 minutes. Des évaluations mensuelles ont permis de caractériser les trajectoires des élèves identifiés comme fragiles en début d’année[17] et de mesurer les volumes qui leur ont été nécessaires pour franchir chaque étape de l’apprentissage de la lecture. Agir pour l’école a par ailleurs conduit un stage de trois semaines au profit d’une trentaine d’élèves de grande section sélectionnés sur le seul critère de leur très faible niveau de conscience phonologique en fin d’année scolaire, dans la perspective de leur permettre de rattraper leur retard en phonologie et en connaissance des lettres qui a fourni des données précises. Ils ont bénéficié de séances quotidiennes en petits groupes, dirigées par des enseignants volontaires de grande section. Chaque matin, deux séances de phonologie d’une durée moyenne de 30 minutes et une séance de code alphabétique d’une durée de 40 minutes ont été programmées. Des évaluations hebdomadaires ont été réalisées pour mesurer les trajectoires de progrès des élèves au fur et à mesure de l’entraînement et ont permis de mesurer les volumes nécessaires aux élèves très faibles pour franchir chaque étape de l’apprentissage de la conscience phonologique.
Enfin, dans le cadre de ce même projet, des relevés réguliers des pratiques et des progrès ont été réalisés, entre 2011 et 2014 :
– en phonologie auprès des élèves de trois cohortes successives de grande section de maternelle (plusieurs milliers d’élèves),
– en phonologie, code alphabétique et fluence auprès des élèves de deux cohortes successives de CP (plusieurs milliers d’élèves),
– et en fluence des élèves d’une cohorte d’un millier d’élèves de CE1 en 2013-2014.
La constance des constats sur les trajectoires des élèves faibles, conformes aux enseignements de la recherche, nous semble constituer le gage de l’intérêt des résultats[18].
Pour considérer qu’une compétence est acquise, en l’absence de standards officiels, on se base sur les taux de succès aux évaluations[19] menées à l’issue de chaque période spécifiquement consacrée à l’entraînement d’une compétence donnée. Les volumes présentés correspondent donc aux temps moyens exigés pour des élèves faibles pour parvenir à maîtriser chaque étape. Pour que l’apprentissage du code alphabétique soit possible et efficace, il faut que l’élève soit capable de distinguer les sons. L’acquisition de la conscience phonologique constitue donc la première étape de l’apprentissage de la lecture du protocole étudié.
Les données les plus précises dont on dispose sont issues du stage d’été entre la GS et le CP. Le temps d’engagement sur la tâche des élèves du stage d’été a été calculé sur la base de la durée pendant laquelle l’élève réagissait à une sollicitation individuelle de l’enseignant. Pour cinq élèves, les durées d’engagement dans les tâches ont pu être calculées à la minute près grâce à l’usage de la vidéo. Pour les autres, les durées d’engagement ont été mesurées en observant les séances en temps réel. Sur la totalité du temps disponible pour les apprentissages, soit la durée cumulée des séances, le taux d’engagement varie pour les cinq élèves filmés, selon leur niveau d’attention et la répartition par l’enseignant du temps de la séance entre les élèves, entre 9 et 22%[20]. Au gré des absences des élèves, la durée réelle cumulée d’exposition aux séances de phonologie va de 9 à 15 heures. Le temps d’engagement individuel moyen en phonologie fut de deux heures. Ce volume a permis à l’ensemble des élèves de parvenir à un niveau de conscience phonologique intermédiaire (capacité à fusionner deux phonèmes). Un premier indicateur se dégage donc de l’analyse de ce dispositif : en deux heures d’engagement individuel sur la tâche visée, les élèves très faibles parviennent à acquérir la compétence de segmentation phonémique et à apprendre à fusionner deux sons (ce qui constituera le fondement de la capacité de décodage).
Des données ont également pu être tirées des observations en classe pendant l’année scolaire dans les 11 classes de CP visitées chaque semaine en 2013-2014. Un module d’entraînement phonologique constitue l’introduction du protocole « Lecture » pour la classe de CP et plusieurs semaines ont du y être consacrées du fait du niveau très faible d’un tiers des élèves en phonologie à l’entrée au CP. Notre première estimation fondée sur les données du stage a ainsi pu être complétée par la mesure des progrès des élèves en phonologie entre le début de CP et le mois de novembre, puis entre le mois de novembre et le mois de janvier.
Le premier module consiste, pour les élèves dépourvus de conscience phonémique à l’entrée au CP[21], à apprendre à manipuler les syllabes, puis les phonèmes, jusqu’à être capable de fusionner 2 phonèmes. Ce module précède l’étape suivante consacrée à la découverte du principe du code alphabétique et à l’apprentissage de lettres fréquentes, nécessaires pour approfondir les compétences phonologiques et notamment pour apprendre la fusion de 3 et 4 phonèmes. La progression détaillée, extraite de l’outil fourni aux enseignants, figure en annexe. Au terme de 5 semaines d’entraînement sur ce module, 85% des élèves fragiles maîtrisaient la fusion de deux phonèmes[22].
A raison d’une séance quotidienne d’une durée de 40 minutes pendant cinq semaines, les élèves les plus fragiles ont été en principe exposés à environ 13 heures de séances, en groupes de quatre. Pour mesurer le temps d’engagement individuel qui a été nécessaire, il faut déduire les temps d’absence, et les journées ou demi-journées consacrées à des activités « exceptionnelles ». On retient pour cela les moyennes établies à partir des relevés transmis par les directions d’école et des cahiers de correspondance des élèves et présentées ci-dessus. Les 13 heures de séance correspondent donc à onze heures dans les faits. Pour parvenir au temps d’engagement individuel, il faut diviser ce volume par le nombre d’élèves dans le groupe. Ce sont ainsi là encore environ trois heures d’engagement individuel qui ont été nécessaires et suffisantes pour 85% des élèves fragiles de début de CP pour parvenir à maîtriser la fusion de deux phonèmes. Parmi les 15% résistants, les deux tiers maîtriseront cette compétence au prix de quelques séances supplémentaires[23]. Plus de 90% des élèves ont donc acquis le niveau requis de conscience phonémique pour entrer dans l’apprentissage du code alphabétique au terme de trois à quatre heures d’engagement individuel sur des entraînements phonologiques structurés. Les données issues des mesures réalisées au cours de l’année scolaire en grande section confirment elles aussi cet ordre de grandeur. Les enseignants ayant mis en œuvre le protocole de phonologie entre janvier et juin 2011 à raison de séances quotidiennes en groupes de cinq d’une durée de 20 minutes ont conduit leurs élèves à un niveau satisfaisant de conscience phonologique[24]. Le temps d’enseignement collectif théorique fut d’environ 20 heures ; le temps d’engagement individuel effectif d’un peu moins de quatre heures. Le même protocole a conduit aux mêmes effets l’année suivante.
La deuxième étape du protocole correspond à l’apprentissage de la correspondance entre les lettres et les sons qu’elles produisent et à l’automatisation de la faculté à les combiner, en nombre croissant, jusqu’à l’entraînement à la lecture de mots, puis de phrases courtes et simples essentiellement composées de mots réguliers. Le choix a été fait d’intégrer la dernière phase de l’entraînement de la conscience phonologique (l’aptitude à manipuler plusieurs phonèmes oralement) à cette étape car cette dernière suppose de connaître quelques lettres pour pouvoir être exercée avec un support écrit. Les classes qui ont été suivies ont toutes respecté la progression décrite ci-dessus, en adoptant toutefois des rythmes différents, au gré de paramètres variés tels que le taux d’absentéisme de l’enseignant, le renfort de maîtres supplémentaires, la possibilité de mutualiser les séances entre les classes voisines, etc.
Le premier objectif assigné aux enseignants aidés par un support structuré consiste à faire acquérir une certaine aisance dans l’identification et la manipulation de 6 lettres fréquentes. Il s’agit d’une introduction classique à l’apprentissage du code alphabétique. Six semaines en moyenne ont été nécessaires pour que les élèves fragiles acquièrent cette aisance, au prix de trois séances à consacrer à chaque lettre et plusieurs séances de révision. Les tests passés par les élèves en janvier ont permis de s’assurer que tous connaissaient bien les lettres apprises. Sur la base de séances quotidiennes de 40 minutes à 4 élèves, le temps d’engagement individuel nécessaire peut être estimé à 3 heures 30 environ. Le second objectif consiste à familiariser les élèves avec la lecture de mots réguliers composés des lettres connues, en suspendant l’apprentissage de nouvelles lettres. Quatre semaines ont été nécessaires pour que les élèves parviennent à transférer leur conscience phonologique et leur aisance avec quelques lettres vers une capacité à lire rapidement et correctement des mots. Au terme de cet entraînement qui représente près de 2 heures 30 d’engagement individuel, les élèves fragiles en début d’année parvenaient à lire en moyenne 15 mots isolés en une minute début février. 25% d’entre eux obtenaient un score inférieur à 10 mots et eurent besoin de séances supplémentaires.
A ce niveau, les élèves sont prêts pour aborder l’apprentissage de nouveaux graphèmes et digraphes, et pour s’entraîner en même temps en vue d’automatiser leurs capacités de décodage. En respectant le même rythme, 16 semaines ont été nécessaires pour que la plupart des élèves fragiles apprennent les nouveaux éléments et acquièrent un niveau de vitesse de lecture suffisant pour aborder l’étape suivante[25]. 2 à 5 séances ont été exigées par nouveau graphème introduit, auxquelles sont venues s’ajouter des séances de révision. Les autres élèves fragiles ne sont parvenus à ce niveau qu’au prix de plusieurs semaines supplémentaires. Cette étape a donc nécessité autour de 10 heures d’engagement individuel. Pour parvenir au seuil de l’entraînement de la fluence, dernière étape de l’apprentissage de la lecture, la majorité des élèves fragiles ont donc dû s’engager, en plus des trois heures nécessaires pour franchir la première étape phonologique, au moins 16 heures pour franchir la deuxième.
Quelques semaines ont pu être consacrées à l’entraînement de la fluence de lecture auprès des élèves moyens et de certains groupes d’élèves fragiles dans les 11 classes suivies chaque semaine pour lesquelles on dispose de données exhaustives[26]. Ces données ont permis de déterminer le rythme moyen des progrès en fluence. Ces données nous enseignent que les élèves gagnent en moyenne 4 mots lus par minute pour chaque heure d’engagement individuel, à partir du moment où ils sont capables de lire 20 mots isolés en une minute[27]. Cette estimation est corroborée par les analyses des données disponibles sur les progrès des élèves des classes de CE1 du projet « Lecture ». En une année scolaire, les élèves de CE1 d’un niveau moyen de 30 mots lus en une minute en début d’année parviennent à un score moyen de 60 au terme de huit heures d’engagement individuel dans l’année[28]. Le niveau requis pour comprendre le texte décodé est estimé à 60 mots lus en une minute au minimum. C’est en effet à partir de ce seuil qu’on observe que les élèves se corrigent spontanément lorsque ce qu’ils ont cru décoder n’a pas de sens et qu’ils commencent à mettre le ton en lisant. Pour atteindre ce niveau, les élèves qui sont capables de décoder une vingtaine de mots isolés par minute doivent donc bénéficier de 10 heures d’engagement individuel supplémentaires pour parvenir à lire la quarantaine de mots supplémentaires en une minute nécessaires à la compréhension sommaire d’un texte écrit.
Le seul programme de recherche identifié qui chiffre le gain en vitesse de lecture rapporté au temps d’engagement individuel (O’Connor, 2010) établit le temps d’engagement individuel nécessaire pour gagner une trentaine de mots lus en une minute à 15 heures pour des élèves de CE1 et CM1 (grades 2 et 4). D’après ce programme, 20 heures d’engagement individuel seraient exigées pour gagner 40 mots, ce qui correspond au double du temps exigé d’après nos données. La différence avec nos mesures s’explique probablement par le fait établi par la recherche que les élèves de CP progressent plus rapidement en fluence que les élèves plus âgés (Hasbrouck, J. & Tindal, G. A. ; 2006). Ce sont donc, pour les 30% d’élèves les plus fragiles, près de 35 heures d’engagement individuel qui sont requises pour apprendre à lire[29].
Graphique 3 : Temps d’engagement nécessaire à l’acquisition de chaque compétence conduisant à la compréhension écrite
Le niveau observable d’une majorité d’élèves à l’entrée au CP exige de la plupart des enseignants de CP qu’ils consacrent du temps aux apprentissages oraux préparatoires à l’apprentissage de la lecture elle-même, la phonologie. C’est donc l’ensemble des contenus dont la durée a été ici estimée à 30 heures au minimum que l’enseignant de CP devrait assurer pour conduire ses élèves à un niveau de lecture permettant d’accéder à la compréhension basique d’un texte. Au vu des programmes officiels, ce niveau est en effet attendu dès le début de l’année de CE1. Il y est en effet prévu que l’enseignant aborde des enseignements qui supposent un niveau de compréhension écrite avancé[30]. L’élève qui aborde le CE1 sans avoir atteint ce niveau ne comble que rarement cette lacune au cours de sa scolarité ultérieure, du fait de la complexification et de la diversification rapides des enseignements. Il faut alors dégager, par tous les moyens, ce temps supplémentaire, que ce soit en grande section, en CP ou même en CE1.
Au CP
Trouver le temps nécessaire semble difficile au CP. Plusieurs options sont toutefois envisageables, certaines qui optimisent le temps pendant lequel l’élève est engagé à l’école, d’autres qui augmentent le temps global d’enseignement de la lecture auquel il est exposé.
– Permettre à l’élève de s’engager sur une tâche d’apprentissage de la lecture pendant les séances des autres groupes, en recourant par exemple à un support numérique tel que la tablette.
– Consacrer les moyens supplémentaires déployés à la rentrée 2013 au soutien des enseignants de CP. Avec un maître supplémentaire affecté à temps plein à cet objectif pour deux classes, ou avec le dédoublement des classes de CP, il serait possible d’atteindre le volume horaire d’engagement individuel exigé en CP.
– Organiser des stages pendant les congés, du type des « stages de remise à niveau » organisés par l’Education nationale. En deux semaines de stage, il est en effet possible d’atteindre le volume d’heures exigé.
– Recourir aux temps d’activités périscolaires et/ou au temps pris en charge par des associations en dehors du temps de classe. L’articulation avec les pratiques de l’enseignant de CP serait alors indispensable.
En grande section
S’il semble difficile d’aborder utilement l’enseignement de toutes les compétences liées à la lecture avant l’entrée au CP, on sait que le niveau de conscience phonémique peut être amélioré très tôt. Il semble donc particulièrement pertinent d’agir avant l’entrée au CP de manière ciblée sur cette compétence auprès des enfants dotés de compétences orales faibles (Ehri et al. 2001). En assurant ces apprentissages en grande section, on soulagerait utilement l’enseignant de CP qui pourrait aborder le travail de la fluence plus tôt dans l’année et ainsi conduire ses élèves faibles à un niveau de lecture plus avancé.
En CE1
Le temps d’apprentissage faisant défaut est également susceptible d’être mobilisé en CE1, mais serait ainsi prélevé sur le temps disponible pendant l’année au détriment des apprentissages programmés. Encore faut-il que l’enseignant de CE1 fasse ce choix, qui le conduirait à renoncer à respecter le programme imposé pour une proportion importante de ses élèves. A défaut, les élèves ne rattraperont jamais le retard déjà accumulé en fluence, et peineront à atteindre un niveau de compréhension écrite satisfaisant à l’issue de leur scolarité primaire.
Il faudrait donc envisager un allègement très significatif du programme et des exigences du CE1, ou au moins une différenciation marquée des objectifs selon le niveau des élèves. Le programme de CE1 prévoit un volume hebdomadaire consacré au français de 10 heures, y compris l’écriture, l’orthographe, la grammaire et le vocabulaire. Avec ces multiples exigences, l’enseignant de CE1 a le plus grand mal à dégager plus de 5 heures hebdomadaires au travail du décodage et de la fluence, ce qui reviendrait à 20 minutes d’engagement individuel pour les élèves faibles dans le meilleur des cas, soit une douzaine d’heures dans l’année. Cela pourrait suffire si on retardait d’une année les exigences aujourd’hui posées à l’élève à l’entrée du CE1 et consacrait ces 12 heures à l’entraînement de la lecture.
Bruno Suchaut et Alice Bougnères
Unité de recherche pour le pilotage des systèmes pédagogiques (URSP) et Université de Lausanne
Suchaut : 7 minutes pour apprendre à lire
Annexes
Annexe 1 – Détail du calcul du temps disponible
Annexe 2 – Détail du calcul du temps nécessaire
Annexe 3- Progression proposée pour l’entraînement phonologique en début de CP
Annexe 4 – Progression proposée pour l’apprentissage du code alphabétique
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[1] Ce taux correspond à l’ordre de grandeur indiqué par les travaux pionniers de Fisher et ses collègues (Fisher et al., 1980). Il est moindre que celui qui est présenté dans certaines recherches, du fait de la divergence entre les méthodes employées. Dans une étude datant de 2000, il avait été estimé, pour les élèves fragiles, à 66% du temps « au maximum », seuls ayant été décomptés les temps « manifestement sans rapport avec l’activité proposée par l’enseignant », et les « comportements inattentifs ayant les apparences d’un comportement attentif » ayant été intégrés au temps d’engagement. (Bressoux, 2000) A l’inverse, nous n’avons inclus dans le temps d’engagement que les moments pendant lesquels l’élève était manifestement engagé dans la tâche.
[2] L’approche adoptée ici est principalement quantitative, même si elle tient compte de dimensions qualitatives, notamment l’adéquation des entraînements proposés au niveau de l’élève. Elle ne saurait en soi inspirer de conclusion sur l’efficacité comparée des pratiques enseignantes selon que les séances interviennent en classe entière ou en petits groupes. Si le temps d’engagement est une variable déterminante des progrès des élèves, sa capacité à les expliquer dépend en effet du contenu et des modalités des enseignements. En tenant compte de l’ensemble de ces facteurs, quantitatifs et qualitatifs, la recherche a identifié le travail en petits groupes homogènes comme le plus favorable à la mise en place d’un enseignement direct et structuré et donc à des progrès plus importants des élèves faibles (National Reading Panel, 2000).
[3] La quantité annuelle d’instruction officielle s’élève à 864 heures (36 semaines x 24 heures hebdomadaires), auxquelles on ajoute 36 heures d’activités pédagogiques complémentaires et dont on retranche 30 heures au titre des cinq jours fériés annuels.
[4] Soit la somme pondérée des taux de couverture de 18% pour les congés de courte durée qui représentent environ 20% des heures d’absence des enseignants dans le premier degré, et de 96% pour les congés de longue durée
[5] Ce qui concerne 17 élèves sur 186 pour lesquels les données sont disponibles (vitesse de lecture inférieure à 25 mots par minute)
[6] Compte-tenu du fait que les heures perdues du fait de l’absence de l’élève ne se cumulent pas avec les heures de sorties et activités exceptionnelles.
[7] Qui s’élevait à 27 heures au moment de l’enquête
[8] Elles sont utilisées à moitié pour un renforcement en français dans la plupart des classes.
[9] Dans le cadre du projet « Lecture », les enseignants étaient encouragés à relever quotidiennement la durée chaque séance, le nom et le nombre d’élèves présents, les activités effectuées, et parfois même le nombre de sollicitations par élève.
[10] Ces volumes concernent des classes inscrites dans un programme de renforcement du travail du code alphabétique; on formule l’hypothèse qu’un temps supérieur à la moyenne y a été consacré à l’apprentissage du code.
[11] Les activités pédagogiques complémentaires (APC) remplacent l’aide personnalisée, elles sont organisées en petits groupes et ont pour objectif d’aider les élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages (Décret N° 2013-77 du 24-1-2013 – J.O. du 26-1-2013). Les APC ne relèvent pas du temps d’enseignement obligatoire pour les élèves mais s’ajoutent aux 24 heures hebdomadaires d’enseignement dues à tous et nécessitent l’accord des parents concernés.
[12] Ces hypothèses sont issues des situations les moins favorables décrites par le rapport de l’Inspection.
[13] Cette hypothèse est issue des relevés d’informations des cahiers de correspondance dans une dizaine de classe du projet « Lecture » dans lesquelles le décompte des demi-journées consacrées à des activités externes aux apprentissages a pu être effectué. On retient ici le chiffre qui concerne les classes qui y consacrent plus de temps que la moyenne, mais pas le chiffre maximum (qui atteint 22% du temps de classe dans une des classes suivies).
[14] On retient l’hypothèse la moins favorable identifiée dans l’étude de 1996 selon laquelle certains enseignants consacrent moins de 30% du temps à l’enseignement du français (7 heures sur 27 soit 27% seulement), et l’hypothèse la moins favorable également selon laquelle 40% seulement du temps d’enseignement du français serait consacré au code alphabétique, au profit d’autres activités.
[15] Le volume obtenu est donc un minimum puisque devront s’y ajouter des heures d’apprentissage du vocabulaire et de stratégies de compréhension.
[16] Le suivi des classes de CP l’année scolaire précédente avait en effet conduit à conclure que les enseignants consacraient un temps très variable à l’enseignement de la lecture. Le tutorat rapproché mis en place à la rentrée 2013 avait donc notamment pour objectif de contrôler le temps consacré à l’enseignement de la lecture, dans la perspective de démontrer que lorsqu’un certain volume d’enseignement est fourni, tous les élèves peuvent apprendre à lire. Le temps n’est pas la seule variable contrôlée. Le suivi rapproché des classes a permis un encadrement précis des séances, et notamment de leur contenu, de leur durée, de leur rythme, et de leur ordre.
[17] Dépourvus de conscience phonémique et maîtrisant très peu de lettres
[18] Tous ces dispositifs s’inscrivent dans un programme ambitieux concernant un vaste échantillon de plusieurs milliers d’élèves suivi sur trois années (de la grande section de maternelle au CE1) qui bénéficient d’un enseignement spécifique de la lecture. Ce projet « Lecture » fait, par ailleurs, l’objet d’une évaluation scientifique afin d’en mesurer les effets sur les progressions scolaires. Cette évaluation a fourni des résultats encourageants en fin de grande section de maternelle (D.E.P.P., 2013). Ainsi, les élèves du groupe expérimental progressent davantage que le groupe témoin dans les items de reconnaissance de lettres (+17% écart-type), d’habiletés phonologiques (+22% écart-type), et de lecture par voie non lexicale (+41% écart-type). On relève également que ce sont les élèves les plus faibles qui réalisent les progressions les plus élevées en phonologie. L’effet global du dispositif sur deux années serait caractérisé par une progression significative en phonologie (+ 51 %), en lecture voie non lexicale (+ 48 %) avec des effets importants pour les élèves les plus faibles, et une absence d’effet sur les dimensions compréhension et lecture voie lexicale. (Rapport d’évaluation pour le fonds d’expérimentation pour la jeunesse, DEPP, EMC, IREDU, février 2014)
[19] Les évaluations utilisées l’ont été sur plusieurs milliers d’élèves suivis plusieurs années, ce qui permet d’apparier les scores obtenus à des seuils fiables de risque et de maîtrise de la compétence.
[20] On précisera que le temps pendant lequel chaque élève est attentif, et bénéficie vraisemblablement des interactions entre l’enseignant et les autres élèves (voire des interactions entre élèves), quoi que n’étant pas directement sollicité, n’étant pas mesurable avec suffisamment de rigueur, a été exclu du décompte. Les séquences filmées laissent percevoir un manque d’attention net pour la plupart des élèves quand ils ne font pas l’objet de sollicitations directes donc la méthode retenue nous semble celle qui est la plus à-même de refléter la réalité de l’activité de l’élève.
[21] Score inférieur à 2 sur 3 à l’épreuve de segmentation de syllabes en phonèmes passée en septembre ; 97 élèves concernés sur les 11 classes.
[22] Les 15 autres ont obtenu en octobre moins de 7 sur 10 à l’exercice de segmentation phonémique et moins de 2 sur 2 à l’exercice de fusion de deux phonèmes.
[23] Ils obtiennent en novembre un score de 9/9 à l’épreuve de décodage ou de 4/4 à l’épreuve de fusion orale, qui traduisent leur niveau satisfaisant de conscience phonémique.
[24] Les évaluateurs du projet ont rapporté un résultat de 40% d’écart-type en phonologie en faveur du groupe expérimental par rapport au groupe témoin dans les classes ayant strictement respecté les volumes d’enseignement prescrits. Ce résultat très positif est amplifié chez les élèves fragiles. (Source : DEPP – Note synthétique sur les résultats du projet « Lecture » en grande section de maternelle)
[25] Ce niveau est estimé à 20 mots correctement lus en une minute. En deçà, la vitesse de lecture n’est pas suffisante pour permettre un entraînement de la fluence. A défaut de capacités de décodage suffisamment automatisées, les élèves ne peuvent pas s’entraîner à la fluence (Ehri, 1995, 1998 ; Palumbo & Willcutt, 2006). Par ailleurs, la recherche a montré que des capacités de décodage faibles ne s’amélioraient guère avec l’entraînement de la fluence (O’Connor, 2010).
[26] Relevés quotidiens de séance effectués par les enseignants indiquant les scores des élèves et le nombre de lectures par séance.
[27] Les 50 élèves de CP fragiles ou moyens en début d’année ayant atteint le seuil de 20 mots lus en une minute au mois d’avril ont progressé de 4 mots par minute pour chaque heure d’engagement individuel consacrée à l’entraînement de la fluence entre avril et la fin de l’année scolaire.
[29] Nous ne tenons volontairement pas compte de l’éventuel bénéfice des enseignements extérieurs à la lecture sur les progrès en lecture, considérant que seul l’enseignement structuré des compétences nécessaires à la lecture a un impact sur son apprentissage.
[30] Le programme actuel prévoit en effet que les élèves de CE1 sachent notamment :
« – Lire silencieusement un texte en déchiffrant les mots inconnus et manifester sa compréhension dans un résumé, une reformulation, des réponses à des questions.
– Lire silencieusement un énoncé, une consigne, et comprendre ce qui est attendu.
– marquer l’accord entre le sujet et le verbe dans les phrases où l’ordre sujet-verbe est respecté,
– dans le groupe nominal simple, marquer l’accord de l’adjectif qualificatif avec le nom qu’il qualifie,
– orthographier sans erreur les formes conjuguées apprises,
– identifier le présent, l’imparfait, le futur et le passé composé de l’indicatif des verbes étudiés ;
– conjuguer les verbes du 1er groupe, être et avoir, au présent, au futur, au passé composé de l’indicatif ;
– conjuguer les verbes faire, aller, dire, venir, au présent de l’indicatif. »
Autant de compétences rigoureusement inaccessibles aux élèves encore incapables d’accéder au sens d’un court texte lu seul.
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