Les syndicats ont-ils raison d’appeler les enseignants à faire grève le 15 mai avec les autres fonctionnaires pour obtenir une revalorisation salariale ? « Arrêtons de plaindre les profs », explique Slate.fr qui juge les enseignants bien payés par rapport à des journalistes ou des avocats débutants. Mais si l’on comparait des choses comparables ? Enseignants français et enseignants européens, enseignants et autres fonctionnaires. Et si les enseignants avaient des raisons spécifiques d’avoir des exigences salariales ?
Des salaires particulièrement bas en Europe
Globalement les salaires de début des enseignants français sont parmi les plus bas d’Europe de l’ouest. Selon l’OCDE, la rémunération brute d’un enseignant du premier degré en début de carrière est en moyenne de 21 077 € quand elle est de 26 512 dans l’OCDE et de 26 472 en Europe. Les enseignants français touchent 20% de moins que leurs homologues des autres pays développés. Cela n’empêche pas qu’on exige du professeur des écoles français d’effectuer 918 heures de cours par an quand leurs collègues de l’OCDE n’en font que 782 en moyenne… L’écart salarial est encore de 15% avec 15 ans d’ancienneté. Dans le second degré la salaire de début moyen en France est de 23 966 € contre 28 262 € dans l’OCDE soit 15% de moins. L’écart atteint même 18% au lycée.
Mais la principale particularité de la rémunération des enseignants français c’est son évolution. De 2000 à 2010, les enseignants français et japonais sont les seuls de tous les pays de l’OCDE a avoir régressé. Partout ailleurs les enseignants ont gagné en niveau de vie, en général autour de 20% parfois beaucoup plus comme en République tchèque où les salaires ont doublé.
Dans son rapport sur la gestion des enseignants, la Cour des comptes a estimé à 8% la perte de pouvoir d’achat des enseignants français depuis 2000, « alors que le pouvoir d’achat des enseignants des autres pays serait en moyenne en hausse, dans l’OCDE, comme dans les pays européens ».
Les enseignants défavorisés par rapport aux autres fonctionnaires
Ce gel frappe toute la Fonction publique. Mais il n’y a en réalité pas d’égalité de traitement. Car la situation des enseignants est très spécifique. En effet, selon la Cour des comptes, les salaires des enseignants , à catégorie égale, sont inférieurs à ceux des autres fonctionnaires. La rémunération annuelle nette des enseignants est de 30 129 € alors que les cadres non enseignants de la Fonction publique gagnent 46 345 €. Cet écart très importante (-35%) est essentiellement du à l’absence de primes chez les enseignants. En clair, quand le gouvernement gèle le point Fonction publique il bloque le salaire des seuls enseignants. Dans les autres ministères le jeu des primes vient modérer la rigueur…
La question de l’attractivité
Le dernier point remarquable des salaires des enseignants français c’est leur écart avec le salaire moyen d’un diplômé de l’enseignent supérieur. Il y a des pays où être enseignant permet de gagner plus que ce que l’on obtiendrait dans une entreprise. C’est le cas en Espagne, en Allemagne , en Angleterre par exemple. En France, quand on est diplômé du supérieur, on perd en rémunération en devenant enseignant. A diplôme comparable, le master, choisir d’être enseignant est une décision économiquement aberrante. Selon l’OCDE l’écart de rémunération entre le salaire d’un enseignant et celui du titulaire d’un diplôme équivalent est de 20%. Même si « on ne devient pas enseignant pour devenir riche », choisir délibérément ce métier devient chaque année davantage un choix irrationnel qui ne peut se justifier que pour un revenu d ‘appoint.
François Jarraud