Une majorité d’enseignants du second degré sont insatisfaits de leur travail, selon une enquête dévoilée par le Snes Fsu le 6 novembre. Près de 8 sur 10 estiment qu’ils perdent la main sur leur travail. Trois sur quatre s ‘estiment débordés plusieurs fois par semaine ou tous les jours. Alors qu’un CHSCT ministériel travaillait sur les risques psycho sociaux des enseignants, le Snes Fsu montre que la politique ministérielle y est pour quelque chose. A preuve un mal être plus important en lycée encore qu’au collège.
Deux enquêtes anciennes
Plusieurs enquêtes ont déjà montré l’importance des risques psycho sociaux des enseignants. On retiendra par exemple celle menée par la Depp en 2017. Ce que montre l’enquête c’est d’abord le fait que globalement, tous indices confondus, les enseignants sont plus exposés que les autres salariés aux risques pyschosociaux (RPS) et parmi eux, les enseignants du premier degré. » L’indice global d’exposition aux facteurs de RPS indique que les enseignants, hormis ceux du supérieur, ont une exposition moyenne significativement plus élevée que les autres populations, surtout dans le premier degré ».
Mais la plus forte caractéristique des RPS des enseignants, premier et second degré confondus, c’est le manque de soutien hiérarchique. « Ce sont surtout les enseignants qui déclarent manquer de soutien de leur hiérarchie et de moyens nécessaires pour bien faire leur travail, tant au niveau du matériel que de la formation », note l’étude. « Plus de 30 % des enseignants du premier degré et du second degré ne sont pas ou peu d’accord avec l’item « les personnes qui évaluent mon travail le connaissent bien », alors que les cadres représentent moins de 23 %. L’indice moyen d’exposition au manque de soutien hiérarchique est le plus élevé chez les enseignants, hormis ceux du supérieur, surtout pour le premier degré. Les tensions avec la hiérarchie se font plus ressentir pour eux ».
Un sondage réalisé par le Se-Unsa en 2018 auprès de 7500 enseignants a montré que le mal être a à voir avec l’institution scolaire. 76% des enseignants estiment que leur activité professionnelle a des répercussions sur leur sommeil et 27% jugent leur métier « épuisant ». 51% des enseignants déclarent avoir déjà eu un arrêt de travail lié à leur métier. 46% déclarent des problèmes de voix et 32% d’audition. Le bruit apparait comme le premier facteur de risques psychosociaux. Le second ce sont les relations hiérarchiques, signalées par 48% des enseignants. Ils dénoncent un manque de soutien. 90% évoquent aussi une charge de travail qui augmente d’année en année. 31% envisagent de changer de métier.
Insatisfaction
L’enquête réalisée par le Snes Fsu porte sur un nombre sensiblement identique d’enseignants avec 8668 réponses dont 10% de CPE et PsyEN et une répartition presque moitié moitié entre collège et lycée. 55% des répondants sont des adhérents Snes.
Selon l’enquête 47% des enseignants du second degré éprouvent une insatisfaction quant à la qualité du travail qu’ils fournissent et 54% quant à la quantité du travail fourni. Les taux sont encore plus élevés en lycée. Ils soulignent la hausse du temps de travail due à la réforme en lycée et aux effectifs et l’hétérogénéité des classes en collège. 72% des enseignants en collège signalent être débordés plusieurs fois par semaine voire tous le sjours et 80% des professeurs de lycée.
Perte de sens
91% des enseignants estiment que leur métier change et 83% pensent perdre la main sur leur métier. Ce sentiment est particulièrement fort en collège. La mise en place d ela réforme du lycée se traduit par un emploi du temps dégradé pour la moitié des enseignants et surtout par davantage d’élèves à prendre en charge (2 profs sur trois). L’éclatement des groupes classes et des équipes pédagogiques (devenues pléthoriques) est signalé par 3 enseignants sur quatre.
L’enquête fait apparaitre des faits encore plus inquiétants. Ainsi la moitié des professeurs de lycée et 44% en collège signalent une hausse des conflits entre enseignants. Un nombre à peu près équivalent estime rencontrer moins ses collègues.
Concurrence et conflits
« On a de plus en plus de jeunes collègues qui hésitent à s’engager dans le métier », nous a dit Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes Fsu. Même si ces démissions restent peu nombreuses, le Bilan social du ministère montre qu’elles augmentent nettement.
« Le contraste est fort avec le discours de rentrée du ministre sur le bien être des enseignants », souligne t-elle. « On met en concurrence les enseignants les uns par rapport aux autres pour avoir des classes dédoublées ou une option. A un moment chacun se bat individuellement pour ses conditions de travail et cela crée des tensions ». Si le mal-être enseignant est un fait ancien, le rythme et l’importance des réformes menées depuis deux ans ont aggravé le ressenti des enseignants sur leur métier.
François Jarraud