Depuis 2003 l’enquête Cedre, réalisée par la Depp, division des études du ministère, suit l’évolution des compétences langagières des élèves à la fin de l’école et en fin de collège. Les premiers résultats de 2015 montrent une réduction des écarts de niveau à l’école et un relèvement global du niveau au collège. Pour autant il reste bien des motifs d’inquiétude, ne serait que la pauvreté des stratégies de lecture des collégiens.
Pouvoir suivre l’évolution des compétences en lecture des écoliers et des collégiens sur 10 ans est un privilège offert par le dispositif Cedre. Tous els 6 ans il interroge collégiens et écoliers sur leur maitrise de la langue française de façon détaillée. Au collège, près de 360 établissements et 9000 élèves de 3ème ont été testés. A l’école c’est 7500 enfants de Cm2 qui ont travaillé sur les évaluations Cèdre. Nouveauté cette année : les enquêteurs se sont intéressés à la lecture numérique et aux stratégies de lecture des collégiens. De nouveaux supports de lecture ont aussi été intégrés dans els tests : bande dessinée, document commercial, manuels scolaire etc.
Réduction des écarts à l’école
Sur les 12 années des évaluations 2003, 2009 et 2015, Cèdre montre une réduction des écarts de niveau de compétences à l’école. Le pourcentage d’élèves en grande difficulté de lecture a baissé en passant de 3 à 1% des élèves et celui des « faibles compreneurs » de 12 à 10%. On passe ainsi de 15 à 11% d’élèves en grande difficulté de compréhension de leur lecture. Au sommet aussi le taux des les lecteurs critiques, capables d’identifier les registres de langue passe de 10 à 7%. ON a donc au final davantage d’élèves moyens qui atteignent une compréhension globale des textes.
Des résultats meilleurs au collège
La dernière évaluation Cèdre, celle de 2009, montrait un net glissement vers le bas des performances des collégiens. Les nouveaux résultats montrent un glissement vers le haut. On passe de 7 à 10% d’élèves capables de synthétiser un texte. Les élèves les plus faibles représentaient 18% des jeunes en 2009 ils ne pèsent plus que 15%.
Mais au collège les écarts se creusent à nouveau
De l’école au collège, les parts des élèves brillants et celle des plus faibles augmentent. On passe de7 à 10% pour les premiers, de 11 à 15% pour les autres. L’éventail s’ouvre à nouveau, comme si les années collège étaient passées sans grand effet sur les élèves du primaire évalués en 2009…
Les filles meilleures que les garçons
Que ce soit à l’école ou au collège, les filles maitrisent mieux les compétences langagières. A l’école l’écart entre les genres s’est nettement accru passant de 6 à 14 points depuis 2003. Au collège l’écart est de 6 points. Mais on va trouver deux fois plus de garçons que de filles chez les élèves les plus faibles.
Les inégalités sociales dominent les inégalités scolaires
Que ce soit à l’école ou au collège, les inégalités sociales entre les élèves s’accompagnent de fortes inégalités de compétences langagières. « Les différences de niveau demeurent très marquées par l’origine sociale des élèves « , remarque Cèdre pour les écoles. « Le score moyen progresse à mesure que le niveau social augmente. L’écart de niveau entre les élèves des écoles les plus favorisées socialement et ceux des écoles les plus défavorisées remonte et avoisine les 30 points ». Au collège les scores les plus élevés sont observés chez les élèves les plus favorisés socialement. Les résultats de Cèdre confirment ce que dit Pisa sur les inégalités sociales de réussite à l’Ecole.
Mais des résultats en hausse en éducation prioritaire
Alors que les résultats de 2009 montraient une aggravation de la situation en éducation prioritaire, ceux de 2015 marquent une nette amélioration. La part des élèves les plus faibles passe de 34% en 2003 à 21% en 2015. Celle des deux catégories les plus fortes de 12 à 13%.
L’effet pervers de la baisse du taux de redoublement
Au collège, un des écarts les plus importants entre els élèves concerne les redoublants. Entre redoublants et non redoublants, l’écart est de 38 points. « Ce fait est à mettre en relation avec la baisse du redoublement », note l’enquête. On a 4 fois plus de chances de faire partie des élèves le splus faibles quand on a redoublé que quand on est « à l’heure ». Concrètement cela illustre le fait qu’il ne suffit pas d’interdire le redoublement, ou de le rendre « exceptionnel » pour régler les difficultés des élèves, contrairement à ce que laissent entendre les déclarations ministérielles.
Un effet numérique positif
Une partie des collégiens a passé une épreuve de compréhension écrite et orale sur support numérique. Les résultats sont globalement meilleurs dans les épreuves sur papier, ce qui peut venir de la difficulté de lire des textes longs sur écran, note la Depp. Mais les écarts de score moyen entre les élèves à l’heure et en retard, ou ceux entre les élèves de l’éducation prioritaire et les autres, diminuent par rapport à la version papier. Ces résultats confirment ceux de Pisa 2012 qui montraient la France mieux classée dans les épreuves informatisées que sur papier.
Métacognition : La bête noire du collège
La plus mauvaise nouvelle des évaluations Cedre concerne les stratégies de lecture au collège. » Les résultats du questionnaire soumis aux élèves indiquent que les stratégies efficaces de lecture globale et de soutien à la lecture sont utilisées par moins d’un tiers des élèves et que, dans le même temps, les stratégies inefficaces (ex : utiliser uniquement les informations du texte ; éviter de se fixer un but ; ne pas avoir recours aux dictionnaires) sont utilisées par plus d’un tiers des élèves », indique la Depp. « En revanche, les stratégies de régulation liées à une diminution de la vitesse de lecture lorsque le texte est difficile sont utilisées par près de 60 % des élèves. Cependant, des stratégies de régulation inefficaces (éviter la lecture à haute voix ; continuer à lire sans résoudre les problèmes de compréhension) sont utilisées par plus d’un tiers des élèves. Cette faible utilisation des stratégies autres que la modulation de la vitesse de lecture, ainsi que l’utilisation répandue de stratégies inefficaces, indiquent clairement un déficit de connaissance des élèves sur les stratégies qui peuvent soutenir la compréhension de l’écrit ».
Ces informations sont cruciales alors que les nouveaux programmes du collège demandent de solliciter les élèves sur leur stratégie de lecture. Cette exigence a aussi été mise en avant lors de la conférence du Cnesco sur la lecture. « Toutefois, l’adoption d’une démarche réflexive par les élèves ne saurait suffire à améliorer leur compréhension si elle ne s’accompagne pas d’un enseignement des stratégies efficaces qu’ils n’utilisent pas », note la Depp.
François Jarraud