La multiplication des ordinateurs, et plus récemment de leurs descendants, les tablettes et autres smartphones suppose, du point de vue des responsables informatiques, une gestion dite de « flotte », ou de « parc ». Ces logiciels de gestion de grand nombre d’ordinateurs se couplent, en milieu scolaire ou universitaires, d’environnements numériques de travail accessibles à partir d’un navigateur web et d’un accès à Internet. Le développement des tablettes a vu se démocratiser les acronymes MDM (mobile device management), MAM (mobile app management), MCM (mobile content management) qui font leur entrée dans les établissements scolaires.
Une approche pragmatique de l’arrivée des tablettes dans les établissements scolaires a révélé aux enseignants l’importance de la gestion d’un parc, et plus généralement de la maîtrise de ce que les élèves font pendant le cours s’ils disposent d’un appareil numérique individuel connecté de surcroit. On connaissait déjà des salles informatiques dans lesquelles le poste maître avait un ensemble de fonctionnalités qui permettait à l’enseignant de « contrôler le travail des élèves » sans bouger de sa place, à l’instar de certains laboratoires de langue. Toutefois, dans une salle classique les enseignants utilisaient peu ces systèmes parfois bien lourds à gérer et apportant peu de valeur ajoutée. Pourtant dès les premiers instants du nanoréseau, en 1985, étaient implémentées des fonctionnalités de partage d’écrans, d’envoi d’écran etc. On le voit, ce souhait de pilotage à distance n’est pas nouveau mais il n’avait jamais émergé comme un besoin essentiel pour l’introduction de l’informatique dans la classe.
Avec le développement des outils mobiles et personnels, connectés à Internet, l’enseignant risque davantage de perdre le contrôle de ce qui se passe dans sa classe. C’est là que les logiciels types MDM, MAM et MCM deviennent, semble-t-il, intéressants. Il s’agit de s’assurer que les élèves sont bien dans la tâche assignée. Car les écrans font écran au regard du professeur. Entre le contrôle de ce que fait l’élève sur le terminal, le contrôle des applications du terminal, le contrôle des contenus disponibles sur le terminal ou encore le contrôle d’Internet et de son usage, la palette est assez large. Mais ces outils sont issus du monde du travail et de ses méthodes de suivi de l’activité des salariés. En classe on est dans un autre paradigme, du moins le pense-t-on. Comme dans le monde professionnel, le souci du supérieur hiérarchique est de savoir ce que l’employé réalise comme activité. Dans le monde scolaire, l’enseignant a aussi ce souci, vis-à-vis de l’élève, mais pour d’autres raisons. Le premier réflexe est donc de transposer les outils du monde professionnel dans le monde éducatif. Mais toutefois, il y a un contexte bien particulier, celui des usagers qui sont dans des rapports de dépendance bien différents, on peut le penser.
Mettre en place un système de global de gestion de tablettes ou de terminaux mobiles peut certes se limiter aux outils existants, mais on s’aperçoit que dans de nombreux établissements les enseignants demandent à pouvoir disposer de moyens plus adaptés à l’enseignement. Appelons cela MPM pour Mobile Pedagogical Management, ou plus simplement « gestionnaire pédagogique d’appareils mobiles connectés » (GPAMC). Il s’agit donc d’essayer de définir ce qui pourrait être utile à un enseignant (et un établissement) pour pouvoir tirer le meilleur parti des nouveaux terminaux numériques. En l’état actuel de nos observations dans les différentes expérimentations de tablettes nous pouvons commencer à indiquer quelques éléments de cette « surcouche pédagogique » :
1 – La gestion des applications/logiciels mis à disposition par les enseignants pour le travail des élèves
2 – La gestion des ressources mises à disposition dans et par l’établissement ou l’institution pour les activités des élèves (en ligne ou non)
3 – La possibilité d’envoyer des documents choisis sur les terminaux des élèves
4 – La possibilité de récupérer des documents/productions/exercices réalisés par les élèves
5 – La possibilité d’organiser des tâches coopératives et collaboratives de groupes d’élèves basés sur leurs terminaux
6 – La possibilité de préparer des séances ou des séquences d’enseignement pouvant être proposées aux élèves dans et hors les cours
7 – La possibilité de gérer des échanges au sein d’un groupe classe, de plusieurs groupes dans une classe, voire un établissement
8 – La possibilité d’être dans la continuité de travail dans et hors l’établissement, sur le terminal ou sur un terminal externe (si je suis en voyage par exemple)
9 – La gestion en temps réel des terminaux des élèves pour accompagner leur travail, le visualiser, l’afficher pour tous, le partager….
Il est probable que cette liste n’est pas exhaustive, qu’elle peut être, pour certaines fonctions, un simple habillage de possibilités existantes, ou encore un développement à envisager. En tout cas, on ne peut qu’avance l’idée que la couche pédagogique qui peut s’imaginer sur un parc choisi pourrait aussi s’imaginer pour des terminaux amenés par les élèves eux-mêmes (BYOD). La couche pédagogique que nous appelons de nos voeux ne doit pas être uniquement un outil de coercition, de contrôle, d’encadrement. On a trop connu cette volonté de tout vérifier, de tout voir, de tout savoir sur ce que font les élèves. Au contraire, pour que cette couche pédagogique soit véritablement éducatrice, il faudrait envisager les possibilités de paramétrage, de réglage, bref les possibilités de l’utiliser pour en faire un vecteur de construction progressive de l’autonomie et de la responsabilisation de l’élève. Nous refusons ici l’idée d’une non confiance a priori et préférons envisager cette surcouche pédagogique comme un ensemble de possibilités à mettre au service du projet éducatif de l’établissement.
Bruno Devauchelle
Les chroniques de B Devauchelle
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2012_BDevauchelle.aspx
Dossier : L’éducation mobile
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2014/educationmobile2014.aspx
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