Lancer un projet avec les élèves qui repose sur l’utilisation de Twitter, c’est pour la professeure documentaliste poser de bonnes questions à l’Ecole. Citons en deux. La première c’est déjà celle du filtrage puisque Twitter est souvent bloqué. La seconde c’est une question encore plus générale : quelle place faisons nous aux outils numériques des élèves ? Oriane Marcandella et Laurence Henry, professeures documentalistes, ont relevé ces défis au lycée de Briey (54) en apprenant aux élèves à utiliser Twitter pour la recherche documentaire nécessaire à leurs TPE.
Laurence Henry et Oriane Marcandella sont à la tête du CDI du lycée général et technologique Louis Bertrand de Briey, un établissement d’environ 1000 élèves. Outre les séries générales, le lycée prépare aux bacs technologiques tertiaires (Stmg et St2s). « Nos élèves sont gentils. Mais Briey est loin de tout et l’isolement culturel est un problème », me disent-elles d’emblée. Les élèves utilisent les réseaux sociaux, ont des smartphones, mais les usages sont totalement déconnectés de la scolarité. Les deux professeures documentalistes ne vont pas tarder à découvrir que les deux tiers des lycées de 1ère ont déjà un compte Twitter.
Twitter pour trouver
« Twitter est un bon outil pour faire de la veille », me confie Oriane. Le CDI a d’ailleurs son compte (@cdilouisb) qui est utilisé pour de la veille documentaire et pour faire connaitre les travaux du Conseil de la Vie Lycéenne. Pour les documentalistes, twitter faciliterait les recherches documentaires des lycéens dans le cadre des TPE (travaux personnels encadrés réalisés en 1ère), à condition d’arriver à les convaincre et à les former. L’opportunité ce sont les heures d’accompagnement personnalisé. Par chance, à Briey, les professeures documentalistes y participent fréquemment et les classes sont dédoublées. O Marcandella et L Henry proposent aux lycéens un cycle de 4 séquences de 2 heures pour une formation à Twitter en lien avec leurs sujets de TPE. Une quinzaine de volontaires, venus de ES et L, choisissent cette formation. Pour trouver le courage de se lancer, les deux enseignantes se sont inspirées de ce que fait Laurence Juin avec ses élèves, une professeure de lettres histoire géo, bien connue des usagers de Twitter, qui l’utilise de façon courante et créative dans ses cours.
« On leur a appris à faire des recherches sur Twitter. Ils ont découvert que les médias utilisent cet outil et qu’il est facile de trouver des informations d’actualité et des interlocuteurs », explique Laurence. Les élèves ont suivi une formation sur 4 séances de 2 heures incluant aussi la protection de son compte Twitter et une initiation à Netvibes. « Nos élèves suivent peu l’actualité. Avec Twitter ils sont entrés en contact avec les grands médias pour alimenter leurs TPE comme celui sur Obama », dit Oriane. « Ils l’ont aussi utilisé pour décrypter le marketing d’une grande marque de soda ». Pour un groupe qui travaillait sur le Front Populaire, Twitter a été un appui important car il a permis aux élèves d’échanger avec un professeur d’histoire-géo d’un autre lycée. « Ca a énormément enrichi leur recherche », explique Laurence.
Sortez vos téléphones !
Mais comment utiliser Twitter en classe dans un lycée français ? Certes, les deux enseignantes ont fait débloquer l’accès à Twitter au CDI. Mais très vite le recours aux smartphones s’est imposé comme la solution la plus pratique mais pas la pus réglementaire. Dans un lycée français on n’est pas sensé utiliser des téléphones en cours ! Laurence et Oriane posent de fait la question de la place du numérique personnel dans l’établissement d’enseignement. Pour le moment, l’institution scolaire règle cette question avec la seule interdiction quitte à se sevrer totalement des ressources du numérique. C’est finalement la détermination éducative des enseignantes qui l’a emporté. « Là on était dans un cadre pédagogique », explique Oriane. « Ils ont tous un smartphones. Notre rôle d’enseignantes c’est de leur apprendre à l’utiliser intelligemment, à en tirer le plus de profit ».
L’expérience a gagné le lycée technologique où les élèves de St2S qui ont eux-aussi un gros dossier professionnel et interdisciplinaire à produire ont découvert les apports de Twitter. Twitter leur a permis de récupérer des informations d’actualité des médias et institutions médicales et d’entrer en contact avec des écoles d’infirmières.
Les bonnes questions de Briey
La limite de cette belle expérience, c’est Netvibes. Pour les professeures documentalistes l’outil permettrait de mettre en valeur le travail de recherche des élèves devant le jury et aussi de rendre plus visible le travail collaboratif, Netvibes pouvant être alimenté par plusieurs personnes. On est bien là au coeur de ce que sont les TPE. C’est à dire peut être trop loin des usages scolaires. Les élèves ne s’y sont pas aventurés.
Retenons la réussite. Au lycée Louis Bertrand, les professeures documentalistes ont osé lier les usages scolaires aux pratiques, aux acteurs et aux outils de la vraie vie. Ce n’est pas rien.
François Jarraud
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