« Le retour à la semaine de 4 jours serait un mauvais signe », a déclaré Jean-Claude Carle, en présentant le rapport des commissions de l’éducation et des finances du Sénat sur les rythmes scolaires le 8 juin. Il a confirmé les informations que le Café pédagogique a donné dès le 7 juin. Mais si JC Carle et Gérard Longuet se déclarent pour la semaine de 4 jours et demi au primaire, ils défendent aussi longuement le principe d’une révision des rythmes annuels c’est à dire de la réduction des congés d’été. Il y a à cela plusieurs raisons dont l’idée « qu’on est obligé de tenir compte de l’économie », en fait du tourisme.
Le Sénat rapporte quand le ministre agit
« Il faut arrêter de faire et défaire ». Le rapport sur les rythmes scolaires prend acte « du besoin de stabilité ». La commission recommande de ne pas revenir sur le principe de la réforme de 2013.
Mais à quoi peut bien servir la publication de ce rapport sur les rythmes scolaires au primaire au moment même où le ministre de l’éducation nationale fait entériner par le Conseil supérieur de l’éducation un nouveau décret sur les rythmes ? Evidemment les préconisations du rapport du Sénat ne risquent pas d’influencer le décret du ministre de l’Education nationale qui est déjà tout écrit. Par contre elles peuvent avancer des idées pour l’avenir. Et c’est ce à quoi s’emploie aussi la commission du Sénat présidée par Catherine Morin Desailly (UDI) et animée par Jean-Claude Carle et Gérard Longuet (Les républicains).
La réforme est -elle efficace ?
Parce que cette réforme, ni JC Carle, ni G Longuet ne la portent dans leur coeur. « La réforme a été plombée par la méthode Peillon », explique JC Carle. « C’est une réforme improvisée et incomplète car elle ne touche que le calendrier hebdomadaire ». A l’en croire l’improvisation aurait rendu l’application très difficile aux maires et même à l’administration de l’éducation nationale.
Là dessus on ne lui donnera pas raison. La réforme avait été précédée de l »Appel de Bobigny signé par le Réseau des Villes éducatrices, et les associations d’élus comme les syndicats enseignants avaient été longuement associés au débat entre 2010 et 2012. De nombreuses villes s’étaient préparées. La réforme a ensuite été appliquée sur deux années en 2013 et 2014.
Le rapport ne se prononce pas sur l’efficacité de la réforme. La Commission ne se déclare pas à même d’en juger même si JC Carle évoque la fatigue des enfants en maternelle. Aucune évaluation sérieuse n’est disponible et l’évaluation réalisée par la Depp (division des études de l’Education nationale) promise par N Vallaud Belkacem n’a toujours pas été publiée. Le seul élément disponible c’est le nombre d’accidents en fin de semaine : il est resté stable depuis 2012, ce qui semble indiquer que les enfants ne sont pas plus fatigués. Le rapport demande une évaluation sérieuse de la réforme.
La Commission se déclare pour des aménagements. JC Carle juge la demi journée de TAP le vendredi après midi une « aberration ». Elle est pour le retour aux cours du samedi matin ou du moins pour que ce ne soit plus une exception. « On a rencontré la nostalgie du samedi matin travaillé », explique Mirelle Jouve (socialiste). » C’était une demi journée détendue pour les enfants et les parents et aussi une occasion d ‘échanges avec les parents et notamment les papas ».
Maintien des aides publiques
La Commission est aussi pour le maintien des aides publiques aux activités périscolaires et même pour un guichet unique, les aides de la CAF étant difficiles à obtenir comme l’avait déjà remarqué le rapport Cartron. La commission juge que ces aides ne correspondent qu’à la moitié des dépenses réelles des communes. Mais elle reconnait en même temps qu’il n’y a « aucune évaluation du coût de la réforme ». L’Etat verse 373 millions par an aux communes pour ces activités et la CAF 100 millions. Mais l’association des maires de France évalue les dépenses à un milliard, sans qu’on sache comment.
A noter que le programme d’E Macron ne prévoit de maintenir les aides que pour les communes défavorisées à partir de 2018.
Passer aux rythmes annuels
Mais au moment où le ministre de l’éducation nationale annonce un possible retour à la semaine de 4 jours, la commission y met des conditions. « Revenir à la situation d’avant 2013 ce serait un mauvais signe. Cela montrerait que l’on fait prévaloir le monde des adultes sur celui des enfants », explique JC Carle.
Thierry Foucaud , communiste, y voit un autre inconvénient. « On ne peut pas avoir ici 4 jours et ailleurs 4 jours et demi. Il faut un cadrage national pour assurer l’égalité des enfants », explique-t-il. Une opinion qui ne semble pas partagée par les autres membres de la Commission.
Rythmes bio et rythmes éco…
« Dans le cas d’un retour aux 4 jours on mettra des conditions, notamment que la journée ne dépasse pas 5h30 de cours ce qui implique la réduction des vacances scolaires », explique JC Carle. Elu de Haute Savoie, département très touristique, il tient beaucoup à développer cette idée.
« On ne peut pas déconnecter les rythmes biologiques des rythmes climatiques et économiques », explique -t-il. « On ne peut pas ignorer l’économie. Si on ne tient compte que des rythmes biologiques on atteint vite une limite. Les rythmes des enfants se situent dans le contexte des rythmes économiques et sociaux ».
Le retour aux 4 jours donne l’occasion de revenir sur la réduction des congés d’été, un thème aussi avancé par JM Blanquer le 3 juin au congrès de la Fcpe. « Ce qui nous intéresse c’est l’année scolaire », explique G Longuet. « En France elle est réduite à 144 jours de classe contre 187 dans l’Ocde. La charge est lourde ! »
La solution est donnée par JC Carle. « Il faut aller plus loin sur le zonage ». Tout comme on a des zones pour les vacances d’hiver, la Commission préconise d’établir des zones pour celles d’été, au plus grand bénéfice de l’industrie touristique.
Alors que le ministre conclue son texte sur les rythmes en ne tenant aucun compte des recommandations de la Commission, celle ci partage avec JM Blanquer le souci d’une redéfinition des congés d’été.
Annualiser le travail enseignant
Pour G Longuet, leur diminution ne devrait pas poser problème. « Autant dans le secondaire on peut imaginer un écart entre le face à face pédagogique et les heures de travail du fait du temps de préparation , autant on peut estimer au primaire que cet écart est moins important », explique -t-il. « On a une marge de manoeuvre entre les 864 heures effectuées par les professeurs des écoles et les 1607 heures dues ». C’est ce qu’il avait déjà expliqué en décembre 2016 dans un rapport. Les rythmes ça sert aussi à régler les vieux comptes…
François Jarraud