Sacrifiés ou maltraités ? Résignation ou colère ? Deux ergonomes , Cécile Brunon et Dominique Cau-Bareille analysent, le 25 novembre, lors des Universités virtuelles du Snuipp Fsu, la façon dont les enseignants ont vécu le confinement puis le déconfinement. Stéphane Bonnéry montre les effets de la crise sanitaire sur le système éducatif et le métier enseignant. Pour lui, la crise sanitaire est l’occasion « d’un grand virage à droite ».
Une période déstabilisante
Quel impact la crise sanitaire a t-elle sur les enseignants ? La question est soulevée par Cécile Brunon pour la période du confinement. Basée sur des entretiens avec une trentaine d’enseignants du premier degré suivis tout au long de l’année, elle aborde leur vécu avec le regard de l’ergonome.
Le confinement a ouvert une période inédite. Les écoles étaient rarement informatisées et les enseignants ont du inventer une autre façon de faire la classe et en même temps chercher à construire le contact avec les parents. Tout cela sans savoir si cela allait durer et sans soutien institutionnel. Les questions sont arrivés : comment structurer les cours ? Faut-il poursuivre les apprentissages ou réviser ? Quand les enseignants ont commencé à se projeter dans le temps le déconfinement est arrivé.
« Cela a été une période très déstabilisante et éprouvante », estime C Brunon. « Il a fallu prendre de nouvelles habitudes de travail et souvent seul. Quand les enseignants ont eu un sentiment de réussite, le déconfinement est arrivé. Il a fallu réorganiser avec des prescriptions strictes.
L’équilibre vie personnelle / professionnelle rompu
C Brunon note en positif les nouveaux liens qui se sont installés avec les familles et un certain sentiment de réussite. Enfin le soulagement de revenir à l’école. Le succès ou l’échec ont souvent dépendu des ressources personnelles : bagage informatique, capacité à trouver de l’aide… La période a rompu l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle. Parmi les facteurs négatifs : des prescriptions tardives, les propos ministériels inadaptés (la récolte des fraises).
Dominique Cau Bareille travaille sur la période suivante. A la rentrée de septembre les enseignants ont du faire face à des classes qui avaient perdu le savoir être scolaire et qui étaient très hétérogènes. Il était difficile d’organiser des projets pour l’année dont le déroulement reste inconnu. Enfin le port du masque , nécessaire, est un problème pour enseigner particulièrement en maternelle ou CP.
La crise utilisée pour une politique éducative rétrograde
« La pandémie a amplifié les problèmes de l’Ecole », explique Stéphane Bonnéry. Mais il met surtout l’accent sur le poids des décisions ministérielles. « Le gouvernement utilise le complotisme pour évacuer les questions sur sa politique. Il a évacué la question de la continuité scolaire ». pour lui, la continuité aurait nécessité des demi groupes donc l’embauche d’enseignants et la réservation de locaux. Ce que le ministre a refusé.
La pandémie a rendu les difficultés des élèves plus visibles. Elle a rapproché les enseignants des familles, jusqu’à ce que le ministre casse ce rapprochement avec le thème des professeurs décrocheurs. « En agissant ainsi il divise pour empêcher la démocratisation ».
Le résultat final pour S Bonnéry c’est une rupture dans l’histoire de l’Ecole. Jusque là il y avait un compromis entre démocratisation scolaire et sélection. « On a maintenant un grand tournant à droite avec une logique d’école publique minimale, réduite aux fondamentaux ».
F Jarraud