Par François Jarraud
Le Conseil supérieur de l’éducation, réuni le 30 septembre 2010, a rejeté les projets de décret présentés par Luc Chatel sur les sanctions disciplinaires. Plusieurs organisations dénoncent la campagne sécuritaire.
Peut-on empêcher le gouvernement d’utiliser l’Ecole dans sa campagne sécuritaire ? Le Se-Unsa et le Sgen Cfdt posent la question à l’occasion de la présentation au CSE de deux décrets sur les sanctions disciplinaires. Malgré les amendements apportés par le ministère, les décrets ont été rejetés par le CSE. Cet avis consultatif n’empêche pas Luc Chatel de publier les décrets.
Les nouveaux textes instaurent des procédures automatiques en matière disciplinaire : en cas de violence verbale envers un membre du personnel « lz chef d’établissement sera tenu d’engager une procédure disciplinaire », en cas de violence physique « il sera tenu de saisir le conseil de discipline ». Un décret crée une « commission éducative » chargée d’examiner la situation des élèves perturbateurs et d’assurer le suivi de l’application des mesures de prévention et d’alternative aux sanctions. A la différence du conseil de discipline, cette commission ne comporte pas de représentant des lycéens et un seul représentant des parents. Voilà pour le coté durcissement. Par contre elle pourra proposer des mesures alternatives à une sanction. L’exclusion temporaire de la classe, une soupape de sécurité souvent employée dans les établissements, deviendra une sanction inscrite au règlement intérieur, ce qui devrait en diminuer l’usage. L’exclusion temporaire de plus de 8 jours sera interdite. Voilà pour l’autre coté.
Des textes qui ne satisfont personne. Malgré la promesse que les circulaires d’application seraient négociées avec les représentants des parents, des personnels et des lycéens, la communauté éducative a massivement considéré ce s textes comme inutiles ou nuisibles. Les décrets ont été rejetés par 4 voix pour, 16 contre et 25 abstentions ou refus de vote. Le Se-Unsa a estimé que « les établissements disposent déjà d’un arsenal important de sanctions… Ils n’ont pas besoin de nouveaux textes qui ne constituent qu’un exercice de communication supplémentaire dans la séquence sécuritaire gouvernementale ». Le Sgen « refuse que la politique sécuritaire du gouvernement envahisse l’école ». Après la loi sur l’absentéisme, la création des ERS le sgen trouve que « trop c’est trop ». Il dénonce ‘obsession sécuritaire et demande « un peu plus d’humanité dans l’approche des élèves qui ne doivent pas être traités comme des délinquants en puissance ».
L’obsession sécuritaire. Le sgen fait allusion au fait que le ministre ait ramené récemment la formation professionnelle des nouveaux enseignants à une formation contre la violence scolaire ». Ou encore au fait que l’institution promeuve la « tenue de classe » et élève au rang de démarche pédagogique quelques pauvres trucs et astuces de vieux pion. Le récent livre de Sébastien Clerc et Yves Michaud (Face à la classe, Folio), des auteurs on ne peut plus officiels, résume cette vision sarkoziste sur l’école. Le discours le plus conservateur sur l’autorité et la sanction y justifie cette vision de l’école où le maintien de l’ordre obsède l’enseignant. Il met au même niveau les petites astuces répressives et une tradition philosophique poussiéreuse qui préfère l’injustice au désordre et repousse la modernité (les pages sur le portable, les tice ou la transdisciplinarité deviendront des morceaux d’anthologie). Inquisiteur du 21ème siècle, l’enseignant est présenté comme devant traquer en permanence la communication, le plaisir d’enseigner, l’épanouissement de l’élève. Un peu plus adroits, les décrets de Luc Chatel tentent de conforter l’électeur dans son appétit d’ordre tout en ne dégoutant pas les parents qui veulent que leur enfant soit éduqué. Au final et les tenants de l’ordre et les pédagogues ont refusé le texte.
Sanctions disciplinaires : éclairages sur un vote négatif
Rejeté par le CSE le 30 septembre,le décret sur les sanctions disciplinaires sera appliqué par le ministère. Ce rejet cache des positions différentes. Le Snes se félicite d’avoir voté contre le décret sur les sanctions disciplinaires présenté au CSE du 30 septembre. « Le projet de décret soumis au CSE (conseil supérieur de l’éducation) du 30 septembre était inacceptable, tant il posait mal la question des sanctions disciplinaires à l’école… Ainsi… l’automaticité de l’engagement d’une procédure disciplinaire en cas de violences verbales à l’égard d’un personnel de l’établissement est étendue au cas où un élève commet un acte grave à l’égard d’un agent ou d’un élève », écrit le Snes. Il se félicite aussi que « la composition de la « commission éducative », soit arrêtée par le conseil d’administration pour mieux tenir compte de la réalité locale, et qu’elle puisse associer toute personne susceptible d’apporter un éclairage sur la situation de l’élève concerné ».
Interrogé par le Café, Jean-Jacques Hazan, président de la Fcpe, justifie le vote négatif de son organisation par l’automaticité de la sanction disciplinaire. « Dans le projet de décret, la « violence verbale » n’est pas définie « , explique JJ Hazan. « Pas plus que l’idée de « sanctions disciplinaires », qui évoquent plutôt le conseil de discipline et donc l’expulsion de l’élève, ce qui va contre ce que le ministre dit vouloir ». La FCpe juge que le texte a un coté éducatif et un coté disciplinaire, sans qu’un choix clair apparaisse. « Chacun pourra l’interpréter comme il le souhaite ! » Elle se félicite d’avoir obtenu un groupe de travail pour préparer la circulaire d’application de ce décret. « On va continuer à faire valoir quele slycéens ont leur place dans la « commission éducative » et qu’il faut définir « violences verbales » et « procédure disciplinaire ».
Snes
http://www.snes.edu/Sanctions-a-l-ecole-politique.html
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