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Alors que les Etats-Unis ont sensiblement amélioré les résultats de leurs élèves aux tests PISA, la France voit ses résultats baisser. Pour Denis Meuret ce n’est pas sans rapport avec le système d’évaluation mis en place aux Etats-Unis pour suivre le niveau des élèves dans chaque établissement. D Meuret part ainsi du rapport du HCE pour proposer une évaluation suivie d’actions. De quoi chambouler la tradition française…

Le 14 septembre dernier, le Haut Conseil à l’Education a publié, en guise de « Bilan 2011 des résultats de l’école » un rapport sur «Les indicateurs relatifs aux acquis des élèves ». Le bilan 2010 du Haut Conseil, qui portait sur le collège, avait suscité un certain émoi en proposant rien moins qu’une « école de base » à la française, soit un net rapprochement de l’école primaire et du collège. Celui de 2011, qui porte sur l’évaluation des acquis des élèves, devrait avoir aussi un certain retentissement. Il dresse, dans le style direct que le Haut Conseil affectionne, une critique sévère des indicateurs actuellement adressés au Parlement et demande leur remplacement par des indicateurs calculés à partir du dispositif CEDRE de la DEPP. Il demande aussi que la France participe à davantage d’évaluations internationales et qu’on construise un nouveau dispositif mesurant le degré d’acquisition du « socle commun ».

Je voudrais ici présenter brièvement ce rapport, avant de le commenter à travers une comparaison avec les dispositifs d’évaluation des élèves utilisés dans le pays qui y a recours, depuis 2002, de la façon la plus systématique : les Etats-Unis.

Le rapport analyse d’abord les indicateurs adressés au Parlement dans le cadre de la LOLF. Certains d’entre eux mesurent la proportion d’élèves ayant acquis les compétences de base, en français et en maths en fin d’école primaire et en fin de collège. Le rapport les évalue dans la perspective de la maîtrise du socle commun, à raison puisque, si les mots ont un sens, le socle définit les compétences de base puisqu’il définit celles que tous les élèves doivent acquérir. Dans cette perspective, ces indicateurs apparaissent partiels et pas assez exigeants. D’autres mesurent la maîtrise du socle commun fin CE1, fin CM2 et en 3ème. Ceux du CE1 procèdent d’une évaluation de tous les élèves. Le HCE leur reproche d’une part de mêler évaluation-bilan, qui vise les compétences moyennes de la population, et évaluation-diagnostique, par laquelle les enseignants peuvent appréhender les lacunes de leurs élèves. Il leur reproche aussi l’absence de rigueur de leur passation et de porter seulement sur la langue et les mathématiques. Ceux de CM2 et de 3ème sont calculés sur un échantillon national, procèdent d’une évaluation bilan, mais le fait qu’ils soient corrigés par les enseignants des élèves qui les passent génère une variabilité dommageable dans le processus de correction. Par ailleurs, alors que la logique du socle comporte que l’insuffisance dans une compétence ne peut être compensée par le succès dans une autre, on observe que « 11% des élèves se sont vus attribuer le socle sans avoir validé les 7 compétences ».

Au manque de rigueur de ces évaluations, le HCE oppose la rigueur du dispositif CEDRE, mis au point par la DEPP pour évaluer périodiquement, sur échantillon, les compétences des élèves fin CM2 et fin 3ème en maths, sciences , langue vivante, Histoire Géographie ainsi que dans des compétences non disciplinaires (l’attitude des élèves à l’égard de la vie en société) et transdisciplinaires (la maîtrise de la langue). Cette dernière évaluation est très proche de la logique du socle commun. Cependant, souligne le HCE, ce dispositif, bien qu’il donne une image fidèle des acquis des élèves, ne convient pas pour évaluer la maîtrise du socle commun : son ancrage est disciplinaire, et, de plus, il n’évalue pas toutes les disciplines quand toutes sont censées contribuer à l’acquisition des compétences du socle. Il en résulte que certaines compétences du socle sont mal ou peu évaluées, notamment les compétences sociales et civiques ainsi que les capacités d’autonomie et d’initiative. Par ailleurs, le lien n’est pas aisé à établir entre la métrique de CEDRE (cinq niveaux de maîtrise) et la métrique binaire du socle (maîtrise ou non). Le rapport donne ensuite une appréciation positive des enquêtes internationales, qu’elles émanent de l’Union Européenne (en cours d’élaboration, sans la France), de l’IEA (TIMSS, qui porte sur maths et sciences en CM1 et en 4ème, sans la France après la première édition en 1995 ; PIRLS, qui porte sur la compréhension de l’écrit au CM1) ou de l’OCDE (PISA) et déplore que le ministère ne s’y engage pas davantage.

En conclusion, le HCE recommande de créer un dispositif nouveau, inspiré de CEDRE, qui évaluerait chaque année, sur échantillon, la maîtrise d’un des trois paliers du socle (CE1, CM2, 3ème). In cauda venenum, il demande que ce dispositif soit confié à une agence d’évaluation indépendante du ministère. Après l’éloge du dispositif CEDRE mis au point par la DEPP, cela peut surprendre. Toutefois le HCE a sans doute tiré de l’histoire récente la conclusion que le point faible d’une direction comme la DEPP résidait moins dans la qualité de son travail que dans le fait qu’on pouvait l’en dessaisir, en l’occurrence au profit de la DEGESCO, sans qu’elle puisse s’y opposer.

Que dit, à propos de l’évaluation des élèves dans la perspective du socle, la comparaison avec les Etats-Unis, un pays qui, selon PISA, a, depuis 2000, amélioré le niveau de ses élèves les plus faibles et diminué l’impact du milieu social su ce niveau (OCDE, PISA 2009 results, vol5, Learning Trends).

Dans ce pays l’équivalent de notre socle commun est que tous les élèves doivent, en principe, avoir atteint d’ici 2014 un certain niveau, fort exigeant d’ailleurs, comme l’est notre socle, dans trois disciplines de base : compréhension de l’écrit, maths et sciences. Notre socle commun, qui porte sur la contribution de toutes les disciplines à sept compétences, est donc à la fois plus complet et d’une conception plus ambitieuse puisqu’il oblige à s’interroger sur le lien disciplines/compétences. De ce fait, l’évaluation de sa maîtrise est sans doute plus difficile. Cela signifie, non pas qu’elle est hors de portée, mais certainement qu’elle exige une mobilisation importante à la fois de l’administration et de la communauté des chercheurs en éducation, plus importante que celle qui est actuellement à l’œuvre.

Par ailleurs, aux Etats-Unis, tous les élèves, du CE1 à la 3ème, sont évalués chaque année dans ces trois disciplines. Et, en effet, pour conduire toute une classe d’âge à la maîtrise du socle, il est certes important d’indiquer aux responsables politiques où elle en est par rapport à ce but, mais il est sans doute plus important encore d’indiquer à l’enseignant ou aux enseignants de chaque classe, où en sont leurs élèves, de façon à leur permettre d’adapter leur enseignement.

Enfin, aux Etats-Unis, se déclenchent une série d’aides et de pressions sur les écoles dont les élèves ne font pas des progrès suffisants pour que les élèves atteignent l’objectif fixé. L’opportunité comme l’efficacité de ce type de régulation sont en débat au sein de la communauté des chercheurs en éducation américain. Il est en outre fort étranger à la tradition de l’école française. Cependant, on peut imaginer d’autres types d’interventions, moins administratives, lorsque, dans une classe, trop d’élèves s’écartent du chemin qui doit les conduire à maîtriser le socle à la fin de la scolarité obligatoire. Elles peuvent être de type professionnel (ex : diagnostic par un enseignant pair) ou participatif (ex : interroger les élèves), leur nature peut varier d’un établissement à l’autre, mais il semble évident que, si l’on prend l’objectif du socle commun au sérieux, et tel est bien l’optique du HCE, une forme ou une autre de ces interventions doit exister.

Denis Meuret

Université de Bourgogne (IREDU), Institut Universitaire de France.

Liens :

Le dossier du Café sur le rapport du HCE

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/sept_rapportHCE.aspx