« Il y a encore aujourd’hui un vrai problème sur la confiance et la considération attribuées aux lycéens… Le lycée doit être vu comme un lieu de vie citoyen, républicain et émancipateur ». Elève en terminale ES au lycée Prévert de Boulogne-Billancourt (92), Eliott Nouaille vient d’être élu président du Syndicat Général des Lycéens (SGL), la seconde organisation lycéenne. Il se confie à Gilbert Longhi.
On dit que le bénévolat, l’engagement, le militantisme sont parfois une histoire de famille… Vous êtes tombé dans la marmite comment ? Vous avez eu l’exemple de proches ?
C’est une question posée souvent par mes professeurs ou mes amis ! Ma mère vous répondrait que je suis l’insolite de la famille. J’ai commencé à m’engager dès mon plus jeune âge : ma première expérience remontant au CP en tant que délégué de classe… Je ne sais pas trop comment c’est venu… j’ai toujours voulu défendre mes camarades, peut-être que je me sens aussi concerné !
Pour être président, vous n’êtes pas moins homme… Que faites-vous quand vous ne militez pas au SGL ?
Je suis avant tout élève, avec des activités diverses ! Je me concentre sur mes études, et sur ma vie de lycéen, je sors avec mes amis… J’aime beaucoup le théâtre et la poésie, il m’arrive même quelquefois de prendre la plume… Les dramaturges, poètes et écrivains ont toujours aimé changer le monde, et je me perds dans leurs ouvrages. En tout cas, il est possible de cumuler les deux activités. Même si parfois le SGL peut prendre du temps, voire exaspérer certains professeurs, l’engagement en vaut le coup
Sur le site du SGL on peut lire : « En cas d’urgence, vous pouvez contacter la permanence ». Quelles sont les urgences ?
Nous recevons fréquemment des demandes de contact par mail ou par téléphone, ou même directement dans les lycées. Comme le mot « rentrée » rime avec changements, apportant son lot de nouveautés, ils peuvent parfois générer des difficultés ou de l’angoisse pour les lycéens. Les sollicitations se rejoignent assez souvent lors de cette période scolaire : il peut s’agir d’un problème d’emploi du temps avec des horaires surchargés (pouvant empiéter sur la pause méridienne), d’affectation de classe (avec une non prise en compte des options désirées par l’élève), ou d’un simple manque d’information. Notre rôle est donc de les accompagner au mieux voire de les soutenir dans leurs démarches.
Pourquoi se syndiquer lorsqu’on est lycéen ? Il y a déjà des délégués de classe, un conseil de la vie lycéenne, des représentants des élèves dans les conseils d’administration…
Effectivement, ces représentants constituent la démocratie lycéenne et le SGL y est pleinement impliqué : nous présentons chaque année des listes et nous y voyons une formidable occasion de nous faire entendre en travaillant avec des élus de tous les horizons. Syndicalisme lycéen et instances lycéennes sont des milieux interdépendants et complémentaires. Le syndicalisme lycéen permet justement de centraliser les revendications des élèves, pour les faire parvenir plus facilement aux élus lycéens.
Toutefois, s’il existe effectivement des instances lycéennes censées favoriser la voix de chacun d’entre nous, cela ne signifie pas pour autant que nous sommes écoutés ou pris au sérieux. Il y a encore aujourd’hui un vrai problème sur la confiance et la considération attribuées aux lycéens dans le système éducatif français. Ainsi, le syndicalisme lycéen donne la possibilité de faire valoir ces droits de consultation censés être obligatoires. Le SGL va même plus loin : il en demande de nouveaux, tels que la prise de décisions sur des points précis comme l’Accompagnement Personnalisé ou la dynamisation de la vie de l’établissement.
Les proviseurs sont les patrons. Ils ont déjà les syndicats de prof et les associations de parents face à eux… Comment accueillent-ils le syndicalisme lycéen actif sur le terrain ?
Face au syndicalisme lycéen, il existe deux types de réactions de proviseurs, qui sont aux antipodes l’une de l’autre. La première attitude est celle de la compréhension du rôle et de l’utilité que peuvent jouer et représenter les sections syndicales lycéennes. Dès lors, les débats et négociations seront privilégiés, ce qui facilite pour nous les échanges avec l’administration et l’équipe pédagogique. Tout le monde y gagne ! Le second accueil rencontré est plus rédhibitoire, avec un refus parfois total de recevoir les élèves ou d’entendre leurs avis ! Si l’on peut concevoir que les « proviseurs sont les patrons », ceux-ci ne doivent pas oublier que leurs administrés sont les premiers concernés dans leur machine, qu’ils sont au cœur de son fonctionnement et qu’ils peuvent parfois apporter des solutions pertinentes et insoupçonnées.
Votre syndicat s’intéresse particulièrement à la place du lycéen dans le système éducatif … En ce domaine quelle est votre revendication principale ?
Aujourd’hui, il est fou encore que l’école soit perçue uniquement comme un lieu de « travail », où l’élève ne viendrait au lycée que pour assister aux cours, faire ses devoirs en classe, puis repartir à la maison terminer ses exercices. On passe les trois quarts de notre temps au lycée, 5 jours sur 7, voire 6 pour certains ! Demandez à un élève, voire même un professeur, à quoi sert l’école… Trois fois sur quatre, vous obtiendrez la réponse suivante : « à se former, pour trouver par la suite un emploi » Cette réponse est absurde : on a pu connaître un taux de chômage chez les jeunes qui a dépassé les 25% il y a 2 ans ! C’est effrayant, cela veut dire que dans une classe de 40 élèves, 10 finiront au chômage si ce taux venait à stagner dans la décennie à suivre ! Il faut rééquilibrer notre conception de l’éducation…
C’est quoi un lycée… ?
Le lycée doit être vu comme un lieu de vie citoyen, républicain et émancipateur. Remettre l’élève au cœur du système éducatif c’est avant tout comprendre ses besoins, en lui faisant confiance, voilà notre principale conclusion. Parce qu’un lycée qui réussit, c’est un lycée où l’on se sent bien. Le lycée que nous défendons sera démocratique, avec de vrais droits pour des lycéens libres de prendre des initiatives, ou libres de choisir légalement leur orientation. Et, plus que des perspectives de carrière, il offrira une réelle éducation citoyenne à travers des cours d’ECJS qui aujourd’hui, malgré leur caractère essentiel pour aborder la société, sont trop souvent oubliés.
Avez-vous des relations avec les deux grandes fédérations de parents d’élèves (FCPE, PEEP) ?
Nos comités locaux travaillent énormément avec les autres forces en présence et ce depuis notre création. Au national, nous sommes encore un peu jeunes (5 ans) mais notre représentativité de seconde organisation lycéenne accroît notre audience et nos possibilités de partenariats ! On remarque que dans les instances, parents et élèves partagent souvent les mêmes positions. Nous espérons donc accentuer nos relations avec les relations de parents d’élèves, mais aussi de syndicats de l’éducation nationale.
Votre syndicat se sent-il des affinités avec un syndicat d’enseignant, un parti, un courant de pensée la droite, le centre, la gauche… ?
Le Syndicat Général des Lycéens s’est créé dans un souci d’indépendance. L’objectif était d’offrir une structure gérée par les lycéens et pour les lycéens, sans aliénation à quelconque autre organisation, qu’il s’agisse d’un syndicat étudiant, d’une association ou d’un parti. Nos idées ne nous sont pas suggérées par des organisations amies, c’est pour cela qu’il est difficile d’associer entièrement le SGL aux idées d’une autre structure ! Nous sommes au contraire intéressés par une frange très large de syndicats, et nous tombons d’accord ou non avec eux selon les sujets, sans réelle récurrence. Par contre, nous ne nous reconnaissons généralement pas dans les communiqués du SNALC ou de l’UNI.
En ce qui concerne la droite/gauche… ?
Un très grand nombre de nos militants, pour ne pas dire une partie de la jeunesse, ne se repèrent pas dans ce clivage. Aussi, nous basons nos idées avant tout sur notre réflexion avant de savoir si elles sont « de gauche » ou « de droite ». Il faut savoir que le SGL construit son programme sur une ligne progressiste, partant du principe que l’éducation doit faire l’objet d’investissements massifs. Mais ses prises de position sont variées et il serait trop réducteur de les classer quelque part dans ces notions. Disons qu’en termes de courant de pensée, le SGL est progressiste et réformiste, et se concentre essentiellement sur l’éducation et les politiques de jeunesse, mais va rarement plus loin.
Propos recueillis par Gilbert Longhi
Sur le site du Café
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