Par Adeline Sontot-Buisson et Virginie Mège
Nous le savons depuis la parution du 28 août 2008, les programmes de français collège ont été refondus. Continuité, rénovation, changements… le café essaie de faire le point sur ces nouveaux programmes.
Rien de neuf à noter dans les domaines des Tice et de l’étude d’image. En revanche…
Socle commun
La refonte des programmes de français s’explique, notamment, par la nécessaire prise en compte du socle commun :
« Les programmes de français au collège contribuent à l’acquisition de plusieurs grandes compétences définies par le socle commun de connaissances et de compétences, notamment dans « La maîtrise de la langue française » et « La culture humaniste », mais aussi dans « la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication», « Les compétences sociales et civiques » et « L’autonomie et l’initiative ». (Bulletin officiel spécial n06 du 28 août 2008, p. 2).
Pour être clair, les enseignants de français pourront se positionner sur 5 des 6 piliers du socle commun. La culture du décloisonnement est clairement identifié : interdisciplinarité, histoire des arts, pratique de la langue sont les maîtres-mots des nouveaux programmes. Continuité, donc.
Littérature
En ce qui concerne l’apprentissage purement littéraire, un déroulement chronologique est clairement défini pour les quatre années de collège : L’Antiquité en Sixième ; le Moyen-Age, la Renaissance et le XVIIe siècle en Cinquième ; les XVIIIe et XIXe siècles en Quatrième ; les XXe et XXIe siècles en Troisième.
Cette frise chronologique a pour but d’initier les élèves à l’histoire littéraire, et à poser des jalons de culture humaniste, essentielle au lycée.
Disparition des séquences
Simple changement de nom et non révolution pédagogique : les séquences font place aux périodes. Ces dernières se définissent par un ensemble d’activités regroupées autour d’un ou plusieurs objectifs, étalées sur plusieurs semaines. L’organisation de la période, ainsi que son contenu, doivent s’adapter tant au niveau des élèves qu’à la progression annuelle.
Document d’accompagnement
Aucun document d’accompagnement n’a, à ce jour, été édité par le Ministère de l’Education Nationale. Le B.O. rappelle et insiste sur la liberté pédagogique inhérente au métier d’enseignant :
« La liberté pédagogique du professeur, définie dans la loi d’orientation de 2005 » (ibid., p.2)
En revanche, les enseignants de Lettres de Franche-Comté ont reçu un mail de leur Inspection Pédagogique Régionale :
« Chers collègues,
Au sein des nouveaux programmes de français pour le collège, la place de la littérature de jeunesse, définie par l’âge de son public, reste ménagée.
En effet, elle constitue pour le professeur une précieuse ressource, qu’il s’agisse de titres d’ores et déjà devenus des classiques littéraires d’une indéniable qualité, ou bien encore d’ouvrages agréables et intéressant les élèves, qui faciliteront leur accès ultérieur au patrimoine. Dans leur immense majorité, les notions du programme peuvent être abordées à l’aide de ce fonds, qui soutient de façon indispensable le goût et les progrès des élèves non seulement en lecture, mais aussi en productions orale et écrite.
Les professeurs de Lettres n’étant pas formés à l’université sur la littérature de jeunesse, ils la découvrent généralement durant leurs premières années d’exercice. On ne peut que les encourager d’abord à lire eux-mêmes le fonds, en abandonnant les préjugés et les représentations hâtives. Ce sera, sans nul doute, le gage de découvertes enthousiasmantes.
De nombreuses listes de lecture existent déjà. L’immense mérite de celle que nous vous proposons aujourd’hui, c’est de n’être pas théorique ou commerciale, d’avoir été testée par de vrais enseignants devant de vrais élèves… »
Le courrier électronique contenait en pièce jointe un document intitulé « Sélection de romans issus de la littérature de jeunesse pour les classes de collège » daté de février 2009.
Le retour en force de la grammaire
La grammaire constitue le point d’orgue de cette réforme. Exit les dénominations abscons et inintelligibles pour les élèves. Il faut expliquer les termes afin que l’élève maîtrise le point de langue abordé.
« Enseigner la grammaire au collège, c’est conduire les élèves à comprendre les mécanismes de la langue, à maîtriser la terminologie qui sert à les identifier et à les analyser ».
« Les termes grammaticaux (sujet, verbe, complément, proposition principale, pronom relatif…) constituent en outre des repères communs dans la conscience de la langue. Ils doivent être soigneusement expliqués pour être systématiquement acquis. » (ibid. p.2).
Idéalement, progression littéraire et progression grammaticale s’entrecroisent. Dans les faits, les points de grammaire peuvent être abordés sous forme de leçon, s’appuyant sur un texte qui ne s’inscrirait pas directement dans la période. La progression sur les quatre années de collège est maintenue, ainsi que les prérequis de l’enseignement primaire. Cependant, « cela n’exclut pas les révisions jugées nécessaires par le professeur selon les besoins identifiés chez ses élèves. » (p.2). Les notions de cohérence textuelle et d’énonciation seront abordées dès la Quatrième, dans la mesure où celles-ci seront explicitées par l’enseignement et utiles à la compréhension des textes. Le jargon spécifique de la linguistique sera abandonné au profit d’une meilleure compréhension des faits de langue par les élèves. Aucune progression grammaticale annuelle n’est proposé. Une fois encore, la liberté pédagogique prime.
Orthographe
L’acquisition et la solidification de la compétence orthographique passeront par des exercices variés et réguliers, notamment d’autocorrection et de réécriture :
« Les réécritures constituent une forme d’évaluation de la compétence orthographique intéressante » (p.3).
Dictionnaire, manuel de grammaire, guide de conjugaison sont une fois encore préconisés.
Quant aux dictées, guère de changement. Parmi le panel varié de dictées qui ont vu le jour ces dix dernières années (dictée-copie, auto-dictée, dictée dialoguée…), la « diçtée de contrôle » – en d’autres termes, la sacro-sainte dictée traditionnelle – garde les honneurs. L’enseignant en précisera les critères d’évaluation et établira une progression adaptée au niveau de la classe.
A noter : Les enseignants vont désormais devoir tenir compte officiellement des rectifications de l’orthographe proposées par le Rapport de l’Académie française
Pour lire le rapport intégral, voir ci-contre :
http://www.academie-francaise.fr/langue/rectifications_1990.pdf
Pour en obtenir la substantifique moelle, lire l’abrégé suivant :
« – le trait d’union : un certain nombre de mots remplaceront le trait d’union par la soudure (exemple :portemonnaie comme portefeuille) – le pluriel des mots composés : les mots composés du type pèse-lettre suivront au pluriel la règle des mots simples (des pèse-lettres)
– l’accent circonflexe : il ne sera plus obligatoire sur les lettres i et u, sauf dans les terminaisons verbales et dans quelques mots (exemples : qu’il fût, mûr) ;
– le participe passé : il sera invariable dans le cas de laisser suivi d’un infinitif (exemple : elle s’est laissé mourir) ;
– les anomalies :
– mots empruntés : pour l’accentuation et le pluriel, les mots empruntés suivront les règles des mots français (exemple : un imprésario, des imprésarios) ;
– séries désaccordées : des graphies seront rendues conformes aux règles de l’écriture du français (exemple :douçâtre), ou à la cohérence d’une série précise (exemples : boursouffler comme souffler, charriot comme charrette). »
Lexique
L’apprentissage et l’approfondissement du lexique occupent désormais une place de choix : « le lexique doit lui-même faire l’objet d’un apprentissage régulier et approfondi » (p.3). Le programme fixe avec précision les contenus lexicaux année après année. Le vocabulaire abstrait, le maniement des idées tiendront une place de choix en Quatrième et en Troisième. Le recours au dictionnaire doit devenir une habitude, voire une manie de la précision, chez l’élève.
Lecture
Point d’orgue des programmes de français, le chapitre de la lecture suscite quelques débats parmi les enseignants, notamment en ce qui concerne la littérature jeunesse.
Point de rupture, guère de changement, en matière de contenu littéraire. Des extraits de la Bible, de l’Iliade, de l’Odyssée continueront d’initier, par exemple, les élèves de Sixième aux textes fondateurs. L’accent est mis sur l’approche humaniste de la littérature. Conformément au socle commun, l’enseignement de la littérature s’inscrira dans un cercle plus large de l’apprentissage des arts.
Pas de changement du côté de la quantité des œuvres, ni de l’équilibre entre les œuvres intégrales et les extraits. Le BO précise, page 4 : « L’étude de l’œuvre intégrale s’appuie sur une lecture complète préalablement effectuée par l’élève. » Précision importante : la lecture préalable de l’œuvre intégrale est à nuancer ; elle ne peut évidemment avoir lieu que dans le cas d’œuvres simples. Yvain le chevalier au lion ne pourra évidemment pas être lue de façon autonome et préalable par les élèves de Cinquième.
Certaines rumeurs ont déclaré la disparition de la littérature jeunesse des nouveaux programmes. Loin s’en faut. Les textes sont clairs : « La littérature de jeunesse occupe une place naturelle dans ce choix d’œuvres. Qu’elle revienne sur le passé ou qu’elle ouvre sur le monde d’aujourd’hui, elle contribue à l’acquisition d’une culture personnelle. Elle permet d’instaurer un dialogue avec les œuvres patrimoniales et elle facilite parfois l’accès à la lecture des œuvres classiques. Le professeur choisit des textes de qualité adaptés à ses élèves et à son projet pédagogique. » (p.4) La littérature jeunesse a connu de formidables heures de gloire, laissant la porte ouverte à tout (et n’importe quoi). Charge à l’enseignant de français de trier les œuvres de qualités des autres… En cela, rien de novateur dans ces nouveaux programmes !
Si les documents d’accompagnement sont en voie de disparition, quelques titres d’œuvres figurent dans le B.O. Les formulations varient selon les classes et les œuvres :
Pour la classe de Sixième, les « Textes de l’Antiquité », la formule se veut directive: « Le professeur fait lire des extraits choisis parmi les œuvres suivantes… » (p.6). Il en va de même pour les contes, la poésie et le théâtre du même niveau.
Pour la classe de Cinquième et de Quatrième, le choix reste ouvert : « Le professeur fait lire, intégralement ou par extraits, une œuvre choisie par exemple parmi les œuvres suivantes… » (p.9). Les propositions sont parfois variées. Il en va ainsi des poètes lyriques à aborder en Quatrième :
« – Moyen Age : Rutebeuf, François Villon ;
– XVIe°siècle : Louise Labé, Joachim du Bellay, Pierre de Ronsard ;
– XIX° siècle : Marceline Desbordes-Valmore, Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Gérard de Nerval, Alfred de Musset, Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Jules Laforgue ;
– XXe et XXIe siècles : Charles Péguy, Anna de Noailles, Guillaume Apollinaire, Marie Noël, Jules Supervielle, Paul Eluard, Louis Aragon, Georges Schéhadé, François Cheng. » (p.11)
Ou encore pour l’autobiographie en Troisième :
« L’élève étudie par exemple l’une des oeuvres suivantes : Colette,Sido, La Maison de Claudine, Albert Cohen, Le Livre de ma mère, Nathalie Sarraute, Enfance, Fred Uhlman, L’Ami retrouvé, Hervé Bazin, Vipère au poing, Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, Romain Gary, La Promesse de l’aube, Italo Calvino, Le Baron perché, Driss Chraïbi, La Civilisation, ma mère ! Camara Laye, L’Enfant noir, Amos Oz, Soudain dans la forêt profonde, Annie Ernaux, La Place, Tahar Ben Jelloun, L’Enfant de sable, Andreï Makine, Le Testament français. » (p.13).
La tragédie fait une entrée remarquée en classe de Troisième. De la tragédie antique au tragique contemporain, une pièce doit être lue, intégralement ou par extraits, parmi plusieurs auteurs (Shakespeare, Sophocle, Ionesco, Anouilh, Camus…). Les élèves seront initiés au théâtre contemporain, en particulier par le prisme de la collaboration entre metteurs en scène et auteurs dramatiques.
Expression écrite
Les textes spécifient que l’expression écrite devra être évaluée « au moins toutes les trois semaines » (p. 4). Nulle question ici d’exiger une rédaction complète toutes les trois semaines, mais un texte abouti qui peut prendre différentes formes : réécriture, exercice, correction de dictée…
Histoire des arts
Nouveauté de ces programmes : l’inscription de l’histoire des arts à chaque niveau. Là encore, la liberté pédagogique est mise en avant : « Le professeur de français collabore à l’enseignement de l’histoire des arts avec sa compétence propre. Il n’a pas besoin pour cela d’une formation spécifique. Il suivra ses goûts, se fondera sur sa culture personnelle, avec le souci constant d’enrichir celle de ses élèves. » (p.5). Autrement dit, si vous mettiez en vis-à-vis quelques œuvres picturales du Déluge face aux textes biblique et coranique, vous étiez novateur en matière d’histoire des arts ! Les enseignants de lettres se concentreront, par essence, sur les « arts du langage » et les « arts du spectacle vivant ». Si vous n’étiez pas étudiant au cours Florent, pas de panique, la mise en relation d’un texte théâtral et de sa représentation combleront les attentes des textes. L’étude d’une mise en scène, du schéma scénique, s’inscriront dans les « arts de l’espace ».
A propos de l’enseignement de l’histoire des arts
Les Dossiers de l’ingénierie éducative lancent un appel à contribution pour le n° 66 à publier en juin 2009 sur le thème : Des outils pour l’histoire des arts.
« Déjà en vigueur dans le premier degré cette année, le programme d’histoire des arts entre en application à la rentrée prochaine dans les collèges et les lycées. Cette « approche pluridisciplinaire et transversale des œuvres d’art » et son évaluation suscitent des interrogations auxquelles Les Dossiers de l’ingénierie éducative s’efforceront de répondre dans leur prochain numéro. D’autant que cet enseignement met en œuvre des compétences dans le domaine des TICE et qu’il s’enrichit déjà des technologies numériques et des nombreux sites web disponibles pour doter les élèves d’une culture artistique.
Comment organiser la pluridisciplinarité, notamment avec l’histoire, les lettres et les sciences ? Qu’en sera-t-il du « cahier personnel » ? La revue proposera aux enseignants un cadre de réflexion, des témoignages sur les expériences en cours et des pistes concrètes d’application en matière de théâtre, de danse, d’arts visuels, de musique… »
Réception des articles le 27 avril 2009 ; les propositions de contributions sont à envoyer à l’adresse michel.bezard@cndp.fr.