Comment concilier peur de l’ouverture d’écoles islamistes et volonté de maintenir la liberté de l’enseignement ? Un vrai débat a eu lieu à l’Assemblée les 28 et 29 mars , aboutissant à adopter la proposition de loi Gatel. Il n’y aura toujours pas d’autorisation préalable pour ouvrir une école mais le controle sera renforcé tout en restant assez flou.
Le débat a été long mais finalement l’Assemblée nationale a adopté le 29 mars la loi Gatel sur la procédure d’ouverture des écoles privées hors contrat. Alors que le hors contrat se développe rapidement (800 établissements en 2010, 1300 en 2017), même s’il ne concerne que 0.5% des élèves, la publication par le Café pédagogique d’un rapport de l’Académie de Versailles a montré l’importance de ses défaillances et la légèreté des contrôles. Aucune des écoles inspectées ne respectait le socle commun, un tiers pratiquait des déviations graves comme le non enseignement de certaines disciplines.
Mais ce qui mobilise et réunit les députés c’est la peur de voir s’installer des écoles tenues par des islamistes. Le député F Pupponi évoque dans son intervention le 28 mars le racolage réalisé à la sortie des écoles publiques et ces enfants qui officiellement suivent l’instruction à domicile mais en fait sont scolarisés dans des écoles clandestines.
Patrick Hetzel, LR, résume bien la position de la majorité LREM et de son groupe : » Nous avons la conviction que, pour défendre la liberté d’enseignement, il faut évidemment la protéger contre ses dévoiements et lutter notamment contre toute instrumentalisation radicale de l’école. .. Or nous reconnaissons que le droit existant est perfectible : le code de l’éducation ne donne pas à la puissance publique assez de moyens pour faire obstacle à l’instrumentalisation de l’école par des officines de radicalisation, notamment salafistes, il faut bien le dire. Pour autant, la recherche d’un meilleur équilibre entre défense de la liberté d’enseignement et sécurité publique ne doit en aucun cas remettre en cause le régime déclaratif. Un régime d’autorisation serait contraire à la liberté d’enseignement et donc, à notre sens, anticonstitutionnel ».
Un autre facteur va peser sur le débat c’est l’engagement du gouvernement en faveur des écoles privées. Alexis Corbière (LFI) va mettre en cause JM Blanquer personnellement. « Le problème que pose le privé hors contrat est d’abord l’abandon de l’école publique », explique le député en donnant des exemples dans le 93. « Vous vous réjouissez de l’ouverture d’établissements privés hors contrat. Il y a deux ans, avant de devenir ministre, vous avez souhaité enregistrer une vidéo pour apporter votre soutien au réseau d’écoles privées hors contrat Espérance Banlieue ». Depuis le ministre n’a pas ménagé son soutien à ce réseau d’écoles alors même que certaines de ses écoles connaissent des dysfonctionnements graves.
Dernier facteur de l’équation, sur quel critère fixer une éventuelle interdiction de l’école ? Le fichier S, évoqué, est tout sauf une base fiable. Le remplacer par un critère reposant sur une condamnation en justice c’est s’empêcher de fermer une école radicalisée avant des années.
Finalement le texte adopté reste sur des critères flous que le préfet « peut » utiliser , ou pas. « Grâce à ce texte, les autorités administratives disposeront de motifs d’opposition puissants, notamment la protection de la jeunesse et l’ordre public. … Le motif d’opposition relatif à l’ordre public peut paraître vague, mais il est en réalité puissant et vaste. Aujourd’hui, les administrations ne peuvent pas s’appuyer sur ce motif pour fermer un établissement ou l’empêcher d’ouvrir ; or il est évident que l’hygiène ou les bonnes mœurs ne suffisent pas. L’ordre public et la protection de la jeunesse leur permettront de le faire. Ce texte de loi donnera ainsi une véritable arme juridique aux administrations compétentes », déclare JM Blanquer.
Pour le député socialiste F Pupponi, par contre, « alors que vous êtes censés apporter une réponse efficace pour mobiliser l’école pour les valeurs de la République, vous faites le choix du statu quo en procédant à quelques ajustements des dispositions aujourd’hui applicables à l’ouverture des établissements privés hors contrat ».
Fait rare, l’enseignement catholique a immédiatement réagi à l’adoption de la loi. « L’Enseignement catholique salue la sagesse du Parlement qui aura su défendre la liberté d’enseignement en la protégeant des dévoiements qui la fragiliseraient, et en particulier de toute instrumentalisation radicale de l’École. Cette loi confirme le régime déclaratif en vigueur depuis plus d’un siècle, tout en répondant aux objectifs de simplification, d’harmonisation et de modernisation qui tiennent compte de la réalité d’aujourd’hui ».
F Jarraud
Les débats à l’Assemblée