« Ce qui me plait c’est que je suis en constante auto-formation sur tout ce qui est transversal en enseignement ». Membre du conseil d’administration d’EMC Partageons, Marie Digneau fait le point sur l’incroyable aventure collective de cette association. Partant d’un sujet pas forcément prioritaire dans les préoccupations des professeurs des écoles, l’enseignement moral et civique, EMC Partageons a construit un vrai dispositif de formation , géré et imaginé entre pairs. Un outil collaboratif qui fait travailler ensemble 700 enseignants et qui met l’accent sur l’inclusion. Qui a dit qu’il fallait faire confiance aux enseignants ?
Quels sont les objectifs d’EMC Partageons ?
C’est faire partager des pratiques en éducation morale et civique (EMC) à des classes et des enseignants en ce qui concerne la création de scénarios de classe et de travail des élèves. C’est fait avec des outils numériques mais aussi avec un souci fort d’inclusion scolaire et une très forte dimension collaborative.
Qui participe à votre projet ?
EMC Partageons est une association d’enseignants qui regroupe aujourd’hui 700 classes inscrites et beaucoup d’autres qui ne sont pas officiellement inscrites mais utilisent nos ressources et participent aux activités pédagogiques.
Parmi ces 700 classes il y a des écoles en France mais aussi à l’étranger. Il y a des maternelles comme des écoles élémentaires. Et il y aussi des Ulis. Un point fort d’EMC Partageons c’est justement cette diversité et de proposer des scénarios pédagogiques différenciés.
Comment se fabrique un scénario pédagogique chez vous ?
Au préalable l’équipe fondatrice de l’association définit un programme annuel avec des thématiques qui se déroulent en fonction des commémorations officielles (journée de la laïcité, des droits des enfants etc.). On utilise des entrées thématiques en fonction des programmes : liberté, émotions, grandes valeurs ou symboles de la République.
Pour chaque thématique on lance un appel à collaboration. On organise des « conseils de création » par visioconférence pour faire travailler ensemble les enseignants intéressés par un thème. Et on se répartit les taches. Il y a ceux qui construisent les supports, les fiches de préparation, la différenciation ASH, cela pour tous les cycles. Il faut au moins une dizaine de collègues. Puis on fabrique les documents.
C’est dans cette phase qu’il y a un extraordinaire partage, un travail collectif où chacun fait des apports didactiques. Ensuite il reste à créer les supports, à les relire et à communiquer dessus.
Pourquoi avoir choisi l’EMC pour créer cet outil collaboratif ?
Cela tient aux nouveaux programmes. Mais aussi au fait que l’éducation morale et civique porte une forte transversalité. Elle nécessite des compétences en lecture et des apports culturels. Elle porte des valeurs communes. Dans les scénarios que nous imaginons il y a toujours une place au débat et au développement de l’esprit critique.
Avec un nombre aussi important d’enseignants vous devez faire avec différents courants pédagogiques. Comment faites vous ?
On n’appartient à aucun courant pédagogique précis. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’a pas de conceptions pédagogiques. On professe une pédagogie constructiviste et active. Ensuite les enseignants peuvent moduler les scénarios en fonction de leur conception personnelle. On prévoit toujours des prolongements qui permettent cette adaptation.
Comment arrivez vous à concilier une organisation aussi serrée, avec un planning annuel, et la liberté que mérite l’EMC ?
La solution c’est que nos scénarios sont modifiables. On donne nous mêmes des pistes pour cela. On suggère d’autres possibles. Par ailleurs le dispositif n’engage pas l’enseignant. Il n’est pas tenu de participer à toutes les activités toute l’année. Il n’a même pas besoin d’être inscrit pour récupérer un scénario.
Vous avez fabriqué un véritable outil d’auto-formation. Etes vous critiqué pour cela ?
On répond à quelque chose qui manque parfois dans l’Education nationale: un espace d’auto-formation entre pairs et sans aucune verticalité. On apprend ensemble en échangeant avec des collègues, sans formateur attitré, et au rythme de chacun. Jusque là nous ne rencontrons pas d’obstacle.
Vos scénarios ont toujours un coté inclusif. Pourquoi cet intérêt ?
C’est lié au fait que la présidente fondatrice est formatrice ASH et travaille en Ulis. Mais c’est lié aussi au fait que ce qu’on propose en différenciation pour les enfants handicapés est utile aussi aux autres. Il y a des élèves à problème ailleurs qu’en Ulis. Nos scénarios différenciés sont utiles aussi aux élèves fragiles, aux non lecteurs par exemple. En s’adaptant aux non lecteurs on s’adapte aussi à la maternelle par exemple. Enfin pour les enseignants, la proposition de différenciation est toujours intéressante.
Vous utilisez Twitter. Quelle est sa place dans vos pratiques ?
Twitter permet la publication finale du scénario. Les élèves publient sur Twitter un texte ou un support où ils disent ce qu’ils ont appris. Cela crée un lien entre les classes qui ont un compte Twitter.
Une particularité de l’EMC c’est de porter des conceptions qui sont purement nationales. Comment faites vous pour travailler l’EMC dans des pays étrangers qui ont d’autres conceptions ?
Ce sont les enseignants qui gèrent ces différences. On les a rencontrées par exemple à propos de la laïcité. Dans la rédaction du scénario on était deux enseignants à travailler à l’étranger. Personnellement j’enseigne en Espagne où il y a une autre conception de la laïcité. On s’est interrogé là dessus et sur les réactions des élèves. Et on a modifié le scénario en fonction des conceptions de plusieurs pays pour que l’approche du concept reste possible quelque soit l’endroit.
Vous participez à l’aventure d’EMC Partageons depuis des années. Comment êtes vous entré dans l’association et qu’y trouvez vous ?
Quand j’ai quitté la France j’ai gardé des liens avec des collègues de France. J’ai reconnu dans l’association des gens que je connaissais. Ce qui me plait c’est que je suis en constante auto-formation sur tout ce qui est transversal en enseignement. J’ai beaucoup appris. C’est ça mon moteur.
Propos recueillis par François Jarraud