L’Etat n’aime pas les fake news mais parfois il en fabrique… Dénoncé comme outil de sélection, Parcoursup aura entretenu l’ambiguïté jusqu’au bout. Le Journal officiel du 10 mars a d’abord publié une version erronée, identique à celle proposée au Conseil supérieur de l’éducation, avant de proposer la version définitive. Cette publication a immédiatement réveillé le conflit entre les syndicats opposés à la réforme et ceux qui ont finalement voté au Cneser pour elle. Le texte final instaure de toutes façons la sélection à l’entrée dans le premier cycle du supérieur dans toutes les filières. Et les opposants donnent des consignes aux enseignants du secondaire pour ne pas entrer dans la logique de sélection.
Ultime bug…
« A défaut d’avoir confirmé ses voeux dans les délais figurant dans le calendrier prévu à l’article D 612-1-2 les voeux d’inscription formulés par le candidat sont annulés ». Simple erreur ou ultime provocation ? Toujours est -il que cette rédaction, signalée le 10 mars au matin par le Café pédagogique, a immédiatement réveillé les oppositions syndicales. En effet elle aurait permis d’exclure du supérieur tout jeune qui aurait oublié la validation d’un de ses voeux. Pour les opposants à la loi ORE cette rédaction marquait la volonté gouvernementale de réduire à tout prix, et de façon particulièrement perfide, le nombre d’étudiants.
C’est exactement cette rédaction du décret créant Parcoursup qui avait entrainé un vote unanime contre le texte lors du CSE du 5 mars. Le lendemain, devant le Cneser, la ministre s’était engagée à déposer une version moins contraignante. Le Sgen Cfdt avait revendiqué cette modification, saluée aussi par le Snes comme le résultat du rapport de force.
Le Journal officiel a immédiatement modifié le texte du décret qui a été remplacé par la formule suivante : » Lorsqu’un candidat reçoit une proposition d’admission… il indique, via la plateforme Parcoursup, s’il l’accepte ou la refuse, dans un délai précisé dans le calendrier prévu à l’article D. 612-1-2. A défaut de réponse dans ce délai, le candidat perd le bénéfice de la proposition d’admission qui lui a été faite. Si, à l’issue d’un nouveau délai précisé par le même calendrier, le candidat n’a pas confirmé, via la plateforme, le maintien des autres vœux d’inscription qu’il a formulés dans le cadre de la procédure nationale de préinscription et des placements sur liste d’attente dont il bénéficie en application du II, il est réputé y avoir renoncé ». C’ets cette rédaction qui est réglementaire.
Au final les candidats ont 6 jours pour indiquer s’ils acceptent ou refusent une proposition et en cas d’oubli ils disposent d’un délai supplémentaire de 5 jours selon l’arrêté publié le même 10 mars au J.O.
Pour C Nave Bekhti, secrétaire générale du Sgen Cfdt, interrogée par le Café pédagogique, « cette nouvelle version intègre bien ce qui a été négocié par le Sgen Cfdt » avec D Vidal. Cette disposition serait nécessaire pour dégager de la procédure d’affectation des jeunes qui ont obtenu une place dans des structures qui ne suivent pas Parcoursup et libérer ainsi des places.
Une réforme qui généralise la sélection
Si la démission d’office ultra rapide en cas de non réponse est évitée, il reste que la procédure garde sa finalité et aura des conséquences. Pour le Snes de Versailles, « il faut lire cette disposition comme la dernière trouvaille du gouvernement pour gérer la pénurie de places à laquelle il a refusé de s’attaquer… Les conséquences sont prévisibles : des milliers d’élèves vont être radiés de ParcourSup, faute de temps pour se positionner, pour répondre en toute connaissance de cause aux propositions qui arriveront au fil de l’eau pendant toute la période de réponse. La procédure de réponse, extrêmement complexe, va pénaliser les élèves les moins au fait des subtilités du système scolaire ».
Reste aussi l’étrangeté d’un texte signé le 9 mars, publié le 10, légalisant à postériori une plateforme d’orientation déjà ouverte depuis plusieurs semaines et une procédure mise en place avant même le vote de la loi ORE. A quelque s jours des manifestations lycéennes du 15 mars le gouvernement ne voulait pas perdre de temps pour poser el fait accompli.
Car au final, la plateforme est bien un instrument de sélection dont la mission est d’adapter le nombre d’étudiants au nombre de places et d’écarter un nombre important de jeunes, notamment ceux des lycées professionnels et technologiques. Plutôt que créer les places nécessaires en université, le gouvernement a généralisé les filières sélectives et demande aux enseignants du secondaire du supérieur de faire le tri.
» Dans Parcours Sup 900 000 candidats vont entrer 10 voeux. Comment seront gérés en un temps court ce s9 millions de voeux ? En fait chaque université va faire son petit algorithme pour trier les candidats. Elles utiliseront les notes et les moyennes car c’est la seule donnée chiffrable. On doute fort que les dossiers soient réellement regardés. Toute cette histoire de motivation des candidats c’est sympathique. Mais la réalité c’est que les universités n’ont pas les moyens de traiter les dossiers et de faire face à l’afflux des candidats. Il y aura donc la sélection des attendus et en plus celle des universités dans la façon de traiter les dossiers », nous avait dit Ugo Thomas, président de l’organisation lycéenne SGL.
Des syndicats préparent la résistance
Du coté des enseignants du secodnaire, le Snes organise la résistance. » Le conseil de classe peut très bien se dérouler comme les années précédentes sans entrer dans le jeu pervers de ParcourSup. Le SNES-FSU appelle à se positionner favorablement sur les vœux universitaires, afin de ne pas barrer la route à l’enseignement supérieur aux élèves… En mettant un avis favorable aux vœux universitaire, on se retrouve dans la même configuration que l’an dernier, sans travail supplémentaire et prolongation nocturne des conseils de classe », écrit le Snes. Le syndicat invite aussi à ne pas remplir la rubrique « engagement » de la fiche avenir et à recopier les appréciations du 2d trimestre.
Cette position n’est pas à même de mettre en danger la nouvelle procédure. Ele a en fait rendez vous avec els lycéens le 15 mars. En se rappelant que, jusque là , les organisations lycéennes et étudiantes n’ont pas été capables de mobiliser les jeunes contre la réforme du supérieur.
François Jarraud