Par Françoise Solliec
C’est l’une des affirmations gouvernementales en cette fin d’année scolaire : la France doit devenir une grande nation numérique et l’école se doit de faire apprendre et maîtriser cette culture à ses élèves. Au travers de 4 témoignages, l’atelier « Les TIC : une obligation pour enseigner aujourd’hui » montrait que (presque) toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour que les TIC soient présentes dans toutes les classes
Le ministère de l’éducation nationale ne pouvait pas être absent des Assises du numérique, organisées par Eric Besson, « pour préparer le plan de développement de l’économie numérique ». La sous-direction aux TICE du ministère de l’éducation nationale s’est donc chargée d’organiser le 24 juin un atelier au titre volontariste « Les TIC : une obligation pour enseigner aujourd’hui ».
Jean-Yves Capul, responsable de cette sous-direction et Alain Séré, inspecteur général, ont choisi en introduction à l’atelier de ne pas minimiser le paradoxe de l’utilisation des TIC dans l’éducation. Tous les enseignants sont aujourd’hui équipés et connectés, mais ils restent moins de la moitié à pratiquer les TICE avec leurs élèves. Il faut donc sécuriser les enseignants pour aller vers une culture de l’information et garantir aux élèves qu’ils ne perdront pas pour autant la maîtrise de concepts et de pratiques autres tels des modes d’écriture ou de calcul. « C’est dans le partage des usages qu’on est le plus concaincant » déclare Alain Séré, « et les observations effectuées montrent qu’il n’ya pas d’opposition entre le développement de l’utilisation des TICE et le caractère novateur lié à leur enseignement ».
En présentant un extrait du travail réalisé, grâce à un système d’information géographique, SIG, avec ses élèves de 2nde sur le développement de la commune de Piriac/Mer (44), Jacky Pouzin, professeur d’histoire-géographie dans l’académie de Nantes, met en évidence 3 niveaux d’utilisation :
– une visualisation par photo aérienne permettant d’identifier différents types de quartier et des implantations spécifiques (équipement portuaire par exemple) ;
– la confrontation d’informations de nature différente au travers de superposition d’autres documents (cartes ou autres photos) ;
– un traitement d’information grâce auquel l’élève peut sélectionner des données pertinentes en fonction de différentes interrogations et rajouter lui-même une nouvelle couche d’information.
La dimension historique n’est pas absente de ces travaux : en utilisant des cartes anciennes (cartes de Cassini) ou des implantations d’équipements qui servent de marqueurs temporels (construction d’un canal, par exemple), les élèves peuvent suivre l’évolution des paysages ou des habitats. Cela leur donne une représentation en profondeur d’une région qui n’est pas la leur et leur permet aussi de mieux comprendre comment vivaient les gens qui l’habitaient il ya quelques décennies.
Pour Evelyne Amblès, professeure de SVT dans l’académie de Nancy-Metz, les TICE sont une autre façon d’approcher le réel. Ainsi ses élèves de 6ème préparent différentes coupes (tissu végétal, frottis buccal, etc) et les visualisent à l’ordinateur grâce à une webcam reliée à un microscope ou à une loupe. Un logiciel de dessin permet de repérer et de tracer les éléments signicatifs des différentes images. Ils comprennent ainsi mieux les notions d’images, de dessin, d’éléments significatifs et peuvent en comparant les différents travaux exploiter les similitudes et les différences. « Ainsi, on gagne du temps dans l’exploitation et personne n’est obligé de faire la même chose. Par ailleurs de nombreuses compétences du B2i peuvent être validées ». Le tableau interactif permet de garder trace de tout ce travail, on peut ainsi facilement revenir sur telle ou telle notion et la revisualiser, même si on n’est pas en salle informatique.
Françoise Grassias, professeur d’arts plastiques en collège dans l’académie de Versailles, note la forte incitation institutionnelle à l’usage des TIC en arts platiques, incitation qui sera encore plus forte avec les nouveaux programmes. Deux facteurs lui semblent faciliter les pratiques TICE : la banalisation des appareils photo numériques et des notions de retouche simple d’images qui vont avec et l’existence de logiciels plus ou moins sophistiqués qui permettent des créations ou des utilisations très intéressantes. Ainsi Photofiltre (logiciel gratuit) permet-il un bon apprentissage de la notion de couleur tandis que Google SketchUp (également gratuit) permet de s’initier à la création 3D. C’est ce dernier logiciel qu’elle a utilisé avec ses élèves de 3ème pour un projet architectural qui s’est déroulé sur 4 séances où il s’agissait de reconstruire à partir d’un cylindre un plan de bâtiment à la Le Corbusier. « La virtualité offre bien des avantages » affirme-t-elle, « car on peut faire passer des notions très complexes avec ce tyoe de logiciels. On n’est pas limité dans l’utilisation de matériaux pour les maquettes, on peut recommencer si on a fait une erreur, on peut réaliser une animation montrant sous divers angles l’extérieur et l’intérieur du bâtiment. Avec les TIC, on augmente le potentiel créatif des élèves et on obtient des réalisations de qualité. La seule chose qui peut freiner les enseignants ce sont les problèmes de maintenance, car il faut être sûr de pouvoir toujours disposer d’un matériel performant ».
Monika Rémon-Brunner et Françoise Couëdelo, professeurs de langues dans l’académie de Rennes se sont attachées à favoriser la compréhension orale des élèves avec une utilisation fréquente de fichiers sons. Ces fichiers, recopiés sur des baladeurs en format MP3 servent d’abord à identifier à la maison les éléments essentiels de vocabulaire d’une prochaine leçon. Une fiche permet d’y associer des images et les mots écrits. Les élèves arrivent ainsi mieux préparés à la leçon et ils peuvent commencer à assembler des phrases. Au fur et à mesure que le vacabulaire est acquis, les fichiers son à écouter se font plus longs et lors des leçons, avec un tableau interactif qui permet d’associer sons, textes et images, l’élève est appelé à parler de plus en plus longtemps pour arriver à une expression en continu, en jouant le rôle d’un présentateur météo à la radio par exemple. Ce thème du temps est ensuite décliné avec des ressources réelles plus complexes à comprendre (sites internet, bulletins radios et TV). Au final, un fichier son de plusieurs phrases sera constitué par l’élève et corrigé par l’enseignant. De petites séquences video peuvent également être réalisées. Tous ces travaux conduisent naturellement à des validations de compétences B2i.
« Avec cet entrraînement, les élèves ont une bien meilleure prononciation » affirment les enseignantes, « ils continuent certes à faire des fautes, mais n’ont pas de réticences à s’exprimer et à prendre la parole en public. Même s’ils ne sont pas « branchés », les professeurs de langues vivantes doivent aujourd’hui se lancer dans l’utilisation des TIC. Les outils sont devenus vraiment simples (baladeurs, tableau interactif qui se prend en main en une journée) et le problème des droits a beaucoup évolué de manière très positive (accord avec les télévisions étrangères, fichiers sons disponibles sur divers sites, enregistrements de locuteurs natifs de connaissance) et on a beaucoup à gagner à mutualiser nos documents sonores comme nous l’avons fait sur l’espace langues de Rennes ».
Si ces différents témoignages montrent bien que l’utilisation des TICE est fréquente et réelle chez un certain nombre d’enseignants, avec des apports incontestables pour les élèves en termes d’activité, de travail collectif et de meilleure maîtrise de leur sujet, il n’en reste pas moins que le ministère devra s’attacher à faire disparaître les fortes inégalités entre établissements, notées par la mission e-educ. Il lui faudra aussi arriver à faire formuler aux enseignants une réponse convaincante à la question d’Alain-Marie Bassy, un autre inspecteur général « Si les apports immédiats pour les élèves sont réels et bien mis en valeur dans ces présentations, qu’en est-il des résultats de ces élèves à moyen terme, dans les classes ultérieures ? Ont-ils des compétences différentes des autres ? Sont-elles reconnues par les autres enseignants ? ».