Par François Jarraud
Après avoir quitté l’école, en cours de route, des jeunes font le choix d’y revenir. Qui sont ces raccrocheurs ? Comment ont-ils pu trouver l’énergie pour revenir à l’Ecole et y rester ? Ont-ils rencontré des facteurs de protection pendant leur déscolarisation ? Ces mêmes facteurs ou d’autres, ont-ils impulsé leur raccrochage, les ont-ils aidés pendant ce raccrochage ? Que dire de leur degré de motivation ? Ont-ils vécu des expériences de réussite qui les ont stimulés pendant leur parcours ?
La recherche, présentée ici, conjugue une dimension quantitative et une autre qualitative. Elle a été menée au sein d’une structure publique qui accueille des élèves raccrocheurs en France à Grenoble. L’étude des données recueillies montre, entre autres, que les facteurs en jeu en milieu scolaire sont très importants jouant un rôle fondamental avant et pendant le raccrochage. Ces éléments mettent en évidence ce qui peut être du ressort institutionnel dans le raccrochage scolaire. Il ne s’agit pas de culpabiliser ou de responsabiliser de manière excessive l’institution. Il s’agit, plutôt, de prendre en compte l’impact positif ou négatif qu’elle peut avoir sur la scolarité des élèves et leur action dans l’école. Mieux comprendre leur parcours peut nous aider à installer en amont des relais ou des dispositifs, pour venir en aide à ceux qui ont le mal d’école ou nous aider à créer les conditions pour que cela n’arrive pas.
I. Le processus de déscolarisation
Le phénomène de déscolarisation concerne des jeunes âgés de 13 à 18 ans, de milieux sociaux différents, avec une plus forte représentation des milieux défavorisés, qui ont décidé de mettre fin à leur scolarité après une période plus ou moins longue d’échec scolaire. Ils ont pu évoluer dans des situations variées mêlant les facteurs institutionnels, psychologiques et sociaux, sans qu’il puisse être déterminé précisément la co-occurrence des trois facteurs et s’ils sont d’égale importance. On estime que leur nombre serait de 150 à 160 000, en nous appuyant sur les renseignements du Ministère de l’Education Nationale. Ainsi, au-delà des considérations générales sur le groupe concerné, le phénomène de déscolarisation a une nature protéiforme et est un processus complexes. Mais il est aussi la conséquence du choix des acteurs de se retirer du système. Comme tout phénomène, ce choix révèle de causes multiples, se surajoutant, s’aggravant, et rendant donc mal aisée toute forme d’intervention, « le décrochage scolaire est un phénomène qui dépasse le cadre purement scolaire et pour le prévenir et y remédier, cela nécessite des équipes et un travail en partenariat, à l’intérieur de l’institution et à l’extérieur avec le quartier, la famille, les associations. », (Tanon & Cordier, 2000, p13). Lorsque des élèves quittent le système scolaire, ils posent un acte qui est porteur de sens, de signification sociale et personnelle mais c’est aussi le résultat d’un processus social et d’un contexte particuliers. Cet acte de rupture est aussi une action stratégique qui ressemble à la préservation, à l’expression de soi mais aussi à sa propre destruction, socialement parlant. Nous voyons la nécessité de construire des réponses et ce sont toutes ces raisons qui justifient que nous nous intéressions à ceux qui vont décider de renouer quand même avec l’école.
II. Les élèves raccrocheurs.
Ils sont scolarisés dabs deux types d’établissement:
. les classes relais qui sont des dispositifs associés aux collèges et accueillant des élèves en grande difficulté scolaire,ayant déjà été déscolarisés ou en cours de déscolarisation.
. les établissements atypiques, comme les nomme M-C. Viau (2005) qui ont des fonctionnements différents des établissements traditionnels et qui accueillent des élèves déscolarisés ou ayant plusieurs années de retard. Ils sont des établissements publics.
On estime que le nombre des raccrocheurs serait d’environ 5500 en comptabilisant les effectifs des classes relais, recensés par le MEN et ceux des établissements spécifiques recensés par M-L Viau (2005).
Dans les lycées qui ont servi de support d’étude, la moyenne d’âge est de 18,9 ans, (Bloch et Gerde, 2006). Il s’agit d’individus plus âgés que la moyenne d’âge des classes qu’ils intègrent puisqu’ils ont décroché après un ou plusieurs redoublements ou après un passage dans une autre formation, en général l’enseignement professionnel. De fait, ils se trouvent dans une autre période de leur développement et de leur vie qu’au moment de leur déscolarisation, quelque part entre l’âge adulte et l’adolescence.
Les garçons sont plus concernés que les filles. Dans les classes relais, la proportion est de 78 % de garçons et de 32 % de filles. Dans les établissements atypiques, ils sont 53,55% de garçons et 46,45% de filles ; ici, la différence est moins marquée.
La représentation des différents milieux socio professionnels moins favorisés est un peu inférieure à leur proportion dans la population des élèves déscolarisés. Il existe à cela plusieurs explications mais il peut être supposé, entre autres, que les familles plus favorisées savent mieux que d’autres, aller chercher les informations et donc entrer en contact avec d’autres offres éducatives; chose que les familles moins favorisées socialement ignoreraient ou feraient moins aisément. Ensuite, la pression qu’exercent les familles plus aisées sur leurs enfants dans la poursuite ou la reprise des études serait plus manifeste.
En tout état de cause, dans les lieux où le raccrochage est possible, les acteurs, élèves ou/et parents, cherchent une alternative à l’errance et à la relégation.
Il n’existe aps à notre connaissance de recherche effectuée auprès d’élèves raccrocheurs mais un travail de recherche effectué par Francequin et Bergier (2005) autour des élèves multi- redoublants, exclus ou relégués par le système, laisse apparaître un certain nombre de facteurs ayant joué un rôle dans le processus de formation et dans le fait que contre toute attente, ils sont restés dans le système : la bonne note qui change le regard posé sur soi, la rencontre avec une structure d’enseignement différente, une personne qui leur a donné leur chance, l’expérience d’un choc culturel porteur, l’auto pression ou la persévérance, la pression familiale ou l’héritage de l’ambition familiale, une expérience de déclassement ou de relégation vécue comme une humiliation et amenant le désir de revanche, et enfin, le changement d’établissement et donc de statut. Ces éléments pourraient avoir joué le rôle de facteurs de résilience qui seront plutôt nommés facteurs de protection. Ces résultats ont orienté la recherche présentée ici en fournissant des indicateurs d’observation et de prospective.
Nous savons d’autre part, que la motivation joue un rôle essentiel dans la poursuite de l’action (Ryan et Deci, 2000) mais aussi le sentiment d’efficacité éprouvé (Bandura, 1997) qui lui influe sur la perception de soi dans l’action. C’est pourquoi, dans ce travail effectué auprès d’un petit groupe témoin, au cours d’entretiens semi directifs, il s’agissait de rechercher la présence d’appuis, apparentés à des facteurs de protection, qui auraient permis la reprise puis la poursuite des études et d’expériences de réussite qui seraient à même de nourrir une bonne image de soi, un niveau de motivation important et suffisant pour poursuivre.
La structure publique dans laquelle a été menée la recherche est le CLEPT, à Grenoble. Cette structure a été mise en place à la suite d’une recherche action conduite par deux professeurs qui en sont les actuels directeurs, M-C. Gerde et B. Bloch 1998. Le projet a été validé par le ministère de l’Education Nationale. Il accueille des élèves de toute la France. C’est un établissement de type expérimental rattaché à un lycée d’enseignement général. Il accueille des élèves déscolarisés depuis au moins six mois, de 15 à 22 ans. Le jeune passe toujours par un premier contact avec La Bouture, une association de lutte contre l’échec scolaire, située à Grenoble, avec laquelle il participe à un premier entretien de motivation.
Au sein de l’établissement les élèves suivent des cours traditionnels, participent à des « goupes de base : lieux d’exercice de la citoyenneté », et s’inscrivent dans des ateliers de pratique culturelle et/ou artistique.
Les enseignants sont tous des enseignants volontaires de l’Education Nationale et recrutés sur des postes à profil. Ils ont une charge d’enseignement classique, mais aussi exercent une fonction de tuteur auprès de six à sept élèves et de régulation de la vie de l’établissement. En effet, pour mettre en oeuvre le fonctionnement spécifique de la structure, la dotation globale horaire de l’établissement a été convertie en postes enseignants ce qui implique que ceux-ci exercent les rôles que les secrétaires, infirmier, intendant et conseiller principal d’éducation. Ce fonctionnement n’est possible qu’avec la volonté de chacun, associée au financement de la région Rhône Alpes, de la municipalité de Grenoble et du département de l’Isère. Cet établissement fait partie de la FESPI (association Fédérale des Etablissements Secondaires Publics Innovants).
III. Quelques éléments de réflexion
Les jeunes que nous avons rencontrés ont, au travers de leur discours, revisité un passé qui a constitué une période marquante de leur vie. Le processus de raccrochage s’inscrit dans le processus plus long qui est celui de la relation que vivent l’Ecole et l’élève. La déscolarisation n’est que le paroxysme d’une crise de cette relation. Le raccrochage sera, pour certains, le retour possible, dans une relation négociée entre les deux partenaires. Cela signifie que des interventions sont possibles. Les jeunes ont semblé être victimes d’une sorte de stigmatisation scolaire. La durée de cette stigmatisation les a marqués et fait partie intégrante de leur histoire voire de leur personnalité. C’est l’inscription des mêmes jugements, dans la durée, qui agit particulièrement dans le processus de déscolarisation par l’internalisation des verdicts scolaires (Perrenoud, 1995 ; Monteil 1997, Bressoux et Pansu, 2003).
L’aspect temporel de ce processus recèle aussi des risques importants, du point de vue des aléas auxquels les jeunes vont avoir à faire face, tant d’un point de vue social, qu’affectif ou personnel. En effet, leurs discours sont émaillés de récits d’expériences difficiles. C’est un temps long qui permet le raccrochage pour certains mais qui, peut être aussi, l’empêche pour d’autres qui décident de se lancer dans la vie active ou la vie familiale. D’autre part, la fragilité de ce raccrochage est telle qu’ils sont soumis à la bienveillance et au dévouement des adultes entre les mains desquels ils vont se remettre, avec tous les risques que cela comporte.
Certains des jeunes que nous avons rencontrés ont clairement identifié un élément déclencheur ou organisateur de leur raccrochage. Ce peut être une personne de la famille (père, frère…) ou des relations privilégiées avec des personnes extérieures à la famille (pairs ou autres), un groupe social de référence (groupe de militants du monde associatif), l’expression de soi au travers de l’art (danse, graff, écriture, dessin…). Ces éléments soient de nature différente ont pu contribuer soit à la restauration d’une autre image de soi, soit à la décentration en s’appropriant un autre regard posé sur soi, soit à l’ouverture vers d’autres possibles. Les rencontres ou le contact avec des personnes qui les ont soutenus, leur ont donné, peut être, l’énergie nécessaire pour repartir. De ce point de vue, il peut s’agir, ici, de points d’appui de résilience ou encore des facteurs de protection.
Les jeunes raccrocheurs témoignent, dans leurs réponses aux tests, que l’Ecole est incontournable. Elle recèle à la fois des facteurs de risque puisqu’elle est le lieu des échecs et de la difficulté, de la souffrance. Elle est autant un lieu synonyme d’externalisation que d’internalisation, dans un double mouvement de rejet et d’incorporation des verdicts qu’elle professe. Nous comprenons alors le rôle dramatique que peut jouer l’évaluation. En effet, c’est au travers des résultats des évaluations que ces jeunes ont vu s’inscrire de manière de plus en plus vive leur propre échec. Les résultats des évaluations sont incorporés comme valeur de l’individu lui-même dans la discipline évaluée (Perrenoud, 1995 , Monteil, 1997 et Crahay, 2000). En même temps, elles sont aussi pointées comme responsables de leur échec en tant qu’objet extérieur plaqué sur eux (Bonnery & Martin, 2002). L’évaluation est perçue comme un instrument trop souvent sommatif allant jusqu’à assigner le redoublement et, ou la relégation (Francequin & Bergier, 2005). C’est pourquoi, en début de raccrochage, un travail doit être fait pour mettre à distance l’évaluation et la resituer dans ce qu’elle est c’est-à-dire un indicateur du niveau de compréhension et de performance dans la réalisation d’un objectif et la construction d’un apprentissage.
Enfin, ils mettent aussi en avant leur difficulté à être autonomes et à rester concentrés. Cela pourrait s’expliquer par un manque important dans la formation des élèves : l’explicitation des caractéristiques de la posture d’élève et des tâches réelles à accomplir pour construire telle ou telle compétence. Qu’est ce qu’apprendre ? Quels moyens ai-je à ma disposition pour y parvenir ? Qu’est ce qu’on attend de moi ? Quels ont les éléments saillants que je pense avoir compris ? Le manque de travail sur ces différents paramètres, peut conduire certains élèves à adopter des conduites de surface qui, sont des leurres pour les enseignants et ne permettent pas de réussir, ni de comprendre vraiment (Bonnery, 2004).
Enfin, pour achever le tour d’horizon des facteurs de risque que recèle l’Ecole, tous les éléments que nous venons de citer sont intrinsèquement liés aux compétences qu’ont les enseignants à mettre en place les conditions d‘apprentissage et la différenciation dans la progression des apprentissages ; aux possibilités qu’ont les enseignants de créer les conditions relationnelles favorables aux apprentissages. Nous voyons bien l’ampleur de la tâche de l’enseignant qui doit individualiser son action, différencier les apprentissages et leur progression et enfin créer les conditions relationnelles à l’acquisition et au développement de comportements scolaires de bon niveau. Alors, nous nous trouvons dans le domaine des compétences professionnelles et donc questionnons la nature de la formation des enseignants.
Comment construisent-ils les compétences nécessaires pour accompagner tous les élèves ? Quelle formation ont-ils reçue pour cela ? C’est sans contexte dans une réflexion sur l’action d’enseigner d’un point de vue éthique que se fondent les principes élémentaires de l’action éducative : passer de la mise en place de l’égalité des chances à l’égalité des acquis (Crahay, 2000). Cette question est d’autant plus brûlante dans un contexte de mutation de la formation des enseignants. Celle-ci ne doit pas être traitée à la légère, loin s’en faut, mais faire l’objet d’une réflexion pesée et organisée par des formateurs efficaces et exigeants, connaissant bien le terrain et les réponses adéquates ainsi que les résultats de la recherche en éducation , en psychologie cognitive…
L’école recèle, génère, construit des facteurs de protection : Les expériences de réussite dans les disciplines scolaires et surtout dans celles qui leur semblaient inaccessibles, sont indéniablement l’attribut de tous les raccrocheurs. Cette réussite, comme le fut par le passé leur échec, les renseigne sur leurs compétences et leurs capacités à réussir dans les études de manière générale. Elles jouent incontestablement un rôle très important dans la nature et la réussite du processus. Cela les rend compétents à leurs propres yeux (Bandura, 1997) et semble être un élément incontournable de la poursuite et de la réussite du raccrochage. Cela montre aussi l’importance qu’ils accordent aux savoirs qui leur sont rendus accessibles, dans un contexte social qui réclame toujours plus de connaissances et de savoir faire, ce qui constitue assurément une forme de pression et de modelage sociaux (Bandura, 1997). On peut supposer que la réussite, alors, agit comme un facteur de protection dans la mesure où ils peuvent comprendre que leur capacité à travailler, à persévérer les aidera aussi dans d’autres domaines. Les jeunes se perçoivent en réussite, sont perçus en réussite par les autres, pour certains voient les autres réussir, sont épaulés par les enseignants. Nous retrouvons ici cette triple causalité réciproque évoquée par Bandura (1997). De plus, les relations avec les enseignants paraissent revêtir une importance primordiale dans la mesure où ils sont ceux qui les ont aidés à renouer avec l’école, leur ont permis d’expérimenter la réussite et d’accéder aux savoirs dont ils se croyaient exclus.
Les pairs sont aussi des éléments importants. Les relations ainsi définies semblent être des vecteurs de persuasion et de modelage sociaux (Bandura, 1997). Le sentiment d’auto efficacité joue un rôle indéniable dans le raccrochage et dans sa réussite. D’autre part, ce plaisir re-trouvé dans les apprentissages est, peut-être, à mettre en parallèle avec l’appétit de connaissances, ressenti dès le plus jeune âge, que certains ont évoqué.
La compréhension de leur propre fonctionnement, des conditions favorables à la construction des connaissances les a renforcés dans leur nouveau statut d’élève qui réussit au prix, il est vrai, de nombreux efforts. Cette démarche réflexive est construite avec les enseignants à l’intérieur de la structure du CLEPT et dans les cours. La connaissance de son propre fonctionnement et des conditions nécessaires à une bonne posture d’élève sont l’exact contraire de ce que nous avons évoqué plus haut, dans les facteurs de risque, concernant la compréhension des tâches à réaliser, des conduites à tenir. Nous pouvons rapprocher cela des travaux sur la posture métacognitive au coeur des apprentissages évoquée par Grangeat et Meirieu (1997). Mieux l’individu comprend ce qu’il doit effectivement faire et comment il doit le faire, plus il réussit, plus les savoirs élaborés sont de haut niveau et plus il est autonome. Cela est rendu possible dans des conditions d’apprentissage qui aident l’individu à comprendre clairement et nommément ce que recouvre la tâche et ce qui est attendu de lui. C’est cette autonomie, cette constance dans l’effort que les jeunes interrogés revendiquent, après l’avoir découverte au CLEPT et c’est bien au coeur de la structure scolaire que les jeunes développent ces compétences.
La relation enseignant-enseigné est aussi valorisée lors des entretiens, les jeunes disent pouvoir compter sur ces adultes qui les accompagnent, les rassurent, leur montrent comment apprendre, travailler, s’organiser et donc les aident à progresser.
Les compétences et les savoirs travaillés dans les classes sont évoqués en termes de sens. Cette question du sens de l’école et des savoirs scolaires est récurrente dans de nombreux travaux (Develay, 1996, Bruner, 1996, Perrenoud 1995…). Elle semble être, elle aussi, une des clés du retour à l’école. Les discours des jeunes vont au-delà d’une perception utilitariste de la connaissance, ils se situent plutôt dans une perspective épistémologique, constructiviste et socio-constructiviste. Tous les éléments que les jeunes repèrent sont des facteurs de protection à l’intérieur de l’école. Pourtant, le travail de recherche doit être poursuivi pour nous aider à mieux comprendre quelles sont les caractéristiques réelles des conditions d’apprentissage au CLEPT, nous avons seulement pu entrevoir les conséquences générées par ces dispositifs. Bien que certains des jeunes identifient clairement ce qui dans la nature de la structure, favorise la réussite de leur raccrochage (du point de vue de l’organisation matérielle, des dispositifs d’accompagnement, des relations avec les enseignants…), il faut aller plus loin pour comprendre tous les paramètres en jeu dans leur réussite.
Des facteurs de protection sont bien en jeu à l’intérieur de l’Institution et c’est le point remarquable que met en évidence cette recherche. Les jeunes vivent des expériences de réussite qui leur permettent de changer le regard qu’ils portent sur eux-mêmes et les engagent, de fait, vers d’autres perspectives. Leur motivation à apprendre pour savoir et pour orienter leur vie de manière autonome est perceptible. Les relations qu’ils vivent avec les enseignants fondent un autre départ et un accompagnement de qualité pour construire leur devenir. Si l’Ecole ne peut pas tout, elle peut beaucoup dans la mesure où les moyens d’agir lui sont donnés et où l’information sur les dispositifs et les stratégies effectives est diffusée. Il s’agit alors de réfléchir aux conditions d’accompagnement de ceux qui sont en délicatesse avec l’école et de tout faire pour que cela n’arrive pas. Il s’agit de réfléchir aussi à l’aménagement de conditions optimales de fonctionnement à l’intérieur des établissements d’enseignement. C’est donc entre autres, de prévention qu’il s’agit, car la rémédiation est très coûteuse en terme de dispositif, de souffrances vécues par les élèves et souvent par les enseignants eux-mêmes. Enfin, nous dirons aussi combien le phénomène de déscolarisation se révèle être l’échec d’un processus de scolarisation qui se veut démocratique, renvoyant au système tout entier et à la société par extension, ses insuffisances et la nécessité de trouver des améliorations pour passer d’un système de ’’démographication’’ de l’enseignement secondaire à sa réelle démocratisation. Il est plutôt bon signe que ce phénomène inquiète et dérange tant, car il interroge notre société sur sa nature démocratique. Ce souci de proposer une école qui offre les possibilités de la réussite pour tous, anime le débat et fonde un positionnement toujours plus exigeant réclamant la place pour tous et pour chacun. Réfléchir aux conditions de la réussite de tous c’est donc, oeuvrer dans ce sens.
Sylvie Bianco
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