Né des « Nuits de l’école », le Collectif des parents et citoyens de Seine Saint-Denis a présenté le 27 février ses « Cahiers d’espérance pour une école de la réussite pour tous dans le 93 ». Les parents ont des exigences précises pour l’école dans un département où elle est très abimée. Ils veulent rester optimistes mais attendent des changements avec impatience. Leur démarche devrait se traduire par une proposition de loi sur le droit opposable à l’éducation.
« On ne va pas tenir un discours pleurnichard ». Ces mots de la sénatrice Aline Archimbaud, qui accueillait au Sénat le 27 février le Collectif des parents et citoyens de Seine Saint-Denis, présente la démarche du collectif. Il y a plein de raisons de pleurer sur l’école en Seine Saint-Denis. Il manque tellement d’enseignants que les élèves perdent en moyenne une année de cours sur une scolarité. Un tiers des élèves a déjà fui dans le privé. Les trois quarts des enseignants sont renouvelés sur 5 ans. Le département a des résultats scolaires nettement inférieurs à ceux des autres départements franciliens et à ce qui est attendu. Mais les Nuits des écoles ont réuni des milliers de parents qui ont analysé ce qui ne va pas et fixé leurs exigences. Ils ont rencontré les élus locaux. Ils dépassent les clivages politiques et associatifs pour proposer des « cahiers d’espérance » qui fixent 10 points.
Ils demandent un plan d’urgence pour le département, avec le souvenir de celui de 1998. « Les enfants de Seine Saint-Denis n’ont pas le droit au même service public d’éducation », disent -ils. Le département manque d’enseignants et de médecins scolaires. L’Etat y dépense 47% de moins par élève qu’à Paris. Ils demandent une allocation de moyens qui tienne compte de la réalité du département. Pour le sociologue Jean-Yves Rochex, il faut assurer une « égalité réelle » au lieu de la simple égalité républicaine. Il faut donc des enseignants en nombre suffisant pour accueillir les enfants et pour cela mettre en place « un plan de recrutement exceptionnel » et donner aux enseignants du 93 des avantages particuliers sur le terrain matériel comme pédagogique. Il faut notamment des Rased et des AVS.
La formation des enseignants doit aussi être améliorée. Le sociologue Fabien Truong notera que si 56% des élèves sont de PCS défavorisée, la masterisation fait que 51% des enseignants du département sont de PCS favorisée. Cela ne facilite pas la communication. Benjamin Moignard (Observatoire universitaire international de la violence et de la prévention) parlera de « nomination criminogène » dans la procédure d’affectation des enseignants dans le 93 qui empêche toute stabilité des équipes.
La question du projet éducatif est aussi posée. Là visiblement les points de vue divergent. La sénatrice MC Blandin plaide pour une école de la coopération. Françoise Cartron met en évidence les inégalités scolaires et montre comment sous Chatel l’Education nationale a porté le discours de l’inégalité d’accès à l’éducation en cassant la carte scolaire. Pour Jean-Yves Rochex il faut une pédagogie explicite des règles de l’école, se méfier des innovations qui creusent les inégalités et mettre le paquet sur les fondamentaux au lieu de travailler l’informatique ou les langues. Il critique aussi les emplois avenir professeur , nombreux dans le département, qui aboutiront à recruter dans le 93 des enseignants moins bien formés que les autres.
Le Collectif peut-il échapper à la politique et aux enseignants ? Car ces derniers sont bien nichés dans le collectif et ont des compétences oratoires qui détourne souvent le débat vers les seuls problèmes des enseignants. Mais c’est surtout la perspective des municipales qui menace la démarche du collectif. Ainsi la question des équipements et locaux scolaires est utilisée pour critiquer le conseil général. Stéphane Troussel, président du Conseil général, a rappelé que dans son département endetté c’est le partenariat privé public qui lui permet de construire 15 collèges pour donner des conditions de travail décentes aux élèves. Une démarche qui est critiquée par l’opposition locale très présente dans le collectif.
Une loi en perspective. Ce qui rend le collectif optimiste c’est la perspective d’une proposition de loi créant un droit opposable à l’éducation en Seine Saint-Denis. Cela permettrait des recours contre l’Etat et le mettrait au pied du mur pour assurer l’égalité devant l’Ecole. C’est aussi le moyen pour que le changement arrive rapidement. Car il y a une grande impatience chez les parents. « Mes enfants sont en maternelle. Il ne faut pas que ça tarde maintenant », explique une mère de famille. Le changement ? Maintenant ?
François Jarraud