Par Françoise Solliec
Dans un contexte général de réduction de postes et de mécontentement des enseignants, faut-il néanmoins s’emparer de certains aspects de la réforme des lycées et tenter de les promouvoir ? Eric de Saint-Denis, de la fédération des établissements scolaires publics innovants, FESPI- Des alternatives pour l’école, s’exprime à ce sujet.
On est dans une situation paradoxale, déclare Eric de Saint-Denis, l’un des fondateurs du micro-lycée de Sénart, créé pour répondre au problème des lycéens décrocheurs, responsable du tout nouveau micro-lycée de Vitry/Seine et délégué général de la FESPI. Des éléments de la réforme sont intéressants – et auraient pu l’être encore plus – mais le contexte de suppression de postes, de disparition des RASED, de certaines phrases méprisantes pour le corps enseignant et les mouvements syndicaux ne nous incite pas à réfléchir dans la sérénité avec un ministère dont nous ne partageons pas les choix.
Dans nos établissements (école Vitruve, micro-lycées, collège Clisthène, CLEPTde Grenoble, etc.), poursuit-il, le rapport à l’élève est plus proche et celui-ci est considéré comme un interlocuteur à part entière. La réforme offre des possibilités d’amélioration pour les lycéens, mais seront-elles saisies ? La modularisation peut permettre une découverte de différents objets, mais elle peut aussi n’être qu’un simple renforcement disciplinaire. Il est dommage, par exemple, de ne pas avoir prévu un module libre, dont la construction aurait été l’occasion d’une réflexion collective et aurait pu favoriser les actions interdisciplinaires. Dans nos établissements, ou dans d’autres comme au lycée Feyder d’Epinay, on invente des cours à plusieurs profs et mêlant plusieurs disciplines sur une thématique (par exemple lire et écrire en français et en histoire-géographie au micro-lycée de Vitry). Mais, pour certains, la tentation sera sûrement parfois grande d’utiliser les modules pour recréer les filières actuelles. De plus, il est à craindre que cette modularisation n’entraîne une concurrence entre les établissements. Il devrait a minima y avoir une réflexion et une harmonisation au niveau des bassins.
L’accompagnement est une bonne idée, estime Eric de Saint-Denis. Nous le pratiquons déjà avec nos élèves, que ce soit en conseil hebdomadaire ou en suivi de parcours. Mais les autres enseignants y sont-ils prêts ? Ce serait bien que des professeurs volontaires jouent le rôle de tuteurs, mais cette mission sera-t-elle incluse dans leur service ? Il est sans doute difficile à un enseignant qui exerce déjà dans 6 classes, en langues par exemple, d’assumer cette tâche en plus.
Les semaines de bilan devraient permettre de réinventer les conseils de classe, d’organiser un espace d’évaluation , de rencontrer les parents, mais on peut aussi craindre que certains établissements ne les utilisent que comme semaines de bac blanc ! Il faudrait que les enseignants puissent s’emparer de ces espaces de liberté, mais qui va les y aider en termes de formation et d’animation ? Forts de notre expérience, déclare Eric de Saint-Denis, nous sommes prêts, à la FESPI, à jouer un rôle de ressource nationale dans la formation à l’innovation.
Le risque majeur de cette opération, conclut Eric de Saint-Denis, c’est que tout cela ne serve à rien, sauf à récupérer des postes. Avec plusieurs autres organisations, nous avons rejoint l’appel Réforme des lycées : un essai bloqué lancé notamment par la FCPE, le CRAP-Cahiers pédagogiques, la Ligue de l’enseignement. Des propositions du groupe seront rendues publiques début janvier. Mais il n’y aura une réforme réelle du lycée que s’il y a en parallèle réflexion sur le baccalauréat. Pour l’instant, on a entendu beaucoup d’annonces, on attend des changements de fond, mais il est à craindre qu’il n’y en ait finalement pas beaucoup.