Toute l’organisation du système éducatif du premier degré vient d’être dynamitée par la loi Blanquer. L’assemble nationale a adopté en quelques minutes par 35 voix contre 7 l’établissement public des savoirs fondamentaux, autrement dit l’école du socle. Là où les collectivités locales et le recteur le coudra, les collèges et les écoles seront regroupées. Ce regroupement devrait libérer des milliers de postes et faire sauter la plupart des directeurs.
Peut-on transformer profondément l’éducation nationale sans consulter les organisations professionnelles, sans même prendre l’avis du Conseil d’Etat et sans aucune étude d’impact ? C’est ce que JM BLanquer vient de faire . L’adoption de l’école du socle s’est faite en quelques minutes. Il aura fallu plus de temps le 15 février pour voter le rectorat de Mayotte.
Ce qui a été décidé
Les établissements publics des savoirs fondamentaux sont constitués de classes du premier degré et du premier cycle du second degré. Ils regroupent les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles situés dans le même bassin de vie.
« Ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l’État dans le département sur proposition conjointe du département et des communes ou établissements publics de coopération intercommunale de rattachement du collège et des écoles concernés, après conclusion d’une convention entre ces collectivités.
Les établissements publics des savoirs fondamentaux sont dirigés par un chef d’établissement qui exerce les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421-3. Un directeur-adjoint exerce, sous l’autorité du chef d’établissement
L’établissement est administré par un conseil d’administration qui exerce les compétences définies à l’article L. 421-4. La composition de ce conseil d’administration est fixée par décret et permet notamment la représentation des personnels du premier degré et des communes ou établissements publics de coopération intercommunale parties à la convention.
L’amendement 904 adopté le 15 février organise le transfert des biens entre les collectivités locales. Les amendements 993 et 1173 de la majorité précisent la gestion de la nouvelle structure.
« Le présent amendement prévoit que le directeur-adjoint travaille aux côtés du chef d’établissement. Il est nommé par le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) comme faisant fonction de directeur-adjoint. Cependant, il n’y a bien qu’un seul chef d’établissement qui est l’unique ordonnateur et responsable de l’exécution du budget de l’établissement. Cet amendement prévoit la possibilité de nommer plusieurs directeurs-adjoints si l’établissement rassemble un grand nombre de classes du premier degré – ce qui pourra être le cas si plusieurs écoles primaires de grande taille s’associent avec un collège, notamment dans un réseau d’éducation prioritaire ». L’amendement suivant impose que le directeur adjoint soit issu du premier degré.
Ce que ça change
Partout où les collectivités locales voudront faire des économies de locaux et où le recteur voudra récupérer des postes, et pas seulement en zone rurale même si celles ci sont celles où la nouvelle gestion est la plus juteuse, on pourra imposer ces regroupements.
Il ne sera nul besoin de ‘lavis du conseil d’école ou du CDEN (qui sera modifié aussi par la loi Blanquer).
L’intéret de cette formule, comme le signale très bien Sylvie Plane dans cet article , c’est celui du regroupement. En regroupant administrativement les classes on économise beaucoup de postes. F Reiss (LR), favorable a ces écoles l’explique très bien à l’Assemblée le 15 février : « là où j’ai 7 professeurs avec le regroupement je n’an ai plus que 6 ».
Sylvie Plane donne une idée des économies. « En effet, si une entité accueille 105 élèves et que le ratio fixé est d’un poste d’enseignant pour 25 élèves, l’entité dispose de bons arguments pour obtenir non pas quatre mais cinq postes d’enseignants. Cet ajustement permet que le nombre moyen d’élèves par classe dans le primaire public soit actuellement de 23,6 élèves. Mais si on change d’échelle, et que l’entité prise en compte est plus importante, on élève les seuils d’attribution de postes. Au niveau national, le profit escompté n’est pas mince puisque 46,6% des écoles primaires publiques comportent actuellement de deux à quatre classes, et les regrouper dans de grands établissements est donc bien tentant pour l’administration centrale. »
Qu’en est il des directeurs. « Une première lecture a pu donner à penser aux directeurs d’école qu’ils allaient enfin être reconnus et que serait créé, en quelque sorte, un corps de « personnel de direction » de l’enseignement primaire, à l’instar de l’enseignement secondaire : les principaux de collège, les proviseurs de lycée et leurs adjoints sont des « perdirs », écrit S Plane. « Mais ce n’est pas ce que dit le texte de l’amendement. On peut en effet y lire « L’établissement public des savoirs fondamentaux est dirigé par un chef d’établissement […]. Un directeur-adjoint exerce, sous son autorité, les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411-1 » Cet article L 411-1 du code de l’éducation est tout simplement celui qui définit actuellement les tâches du directeur d’école. Autrement dit, le dispositif défini par l’amendement ne définit toujours pas de statut pour les directeurs. En revanche, il en fait des subalternes des principaux de collège. »
Les amendements adoptés le 15 février montrent qu’iln’y aura plus qu’un directeur adjoint sauf regroupement de grosses écoles. C’est d’ailleurs dans la logique administrative puisqu’il n’y a plus qu’un établissement.
Il y a bien eu des interventions à l’Assemblée pour défendre le maintien des directeurs.L’UDI a proposé un conseil de directeurs adjoints du principal. Le gouvernement a fait écarter cette proposition.
Le gouvernement a par contré prévu ce qui se passe en cas de grève. » Les élèves des classes maternelles et élémentaires bénéficient du service d’accueil prévu aux articles L. 133-1 à L. 133-10. Pour l’application de l’article L. 133-4, le taux de personnes ayant déclaré leur intention de participer à la grève s’apprécie au regard de l’ensemble des enseignants qui interviennent dans les classes du premier degré. »
Un procédé d’une rare violence
Le procédé utilisé par le gouvernement pour faire passer ce texte est ingénieux mais d’une rare violence.
En faisant passer cette réforme fondamentale par le biais d’un amendement, le gouvernement évite l’avis du Conseil d’Etat et l’étude d’impact.
Il s’est affranchi aussi de toute consultation des organisations professionnelles ou des élus locaux. L’adoption du texte s’est faite en quelques minutes (moins d’une demi heure) . L’assemblée a mis plus de temps pour étudier la passage de Mayotte d »un vice rectorat a un rectorat.
Au final cet article a été adopté par 35 voix contre 7, c’est à dire par une assemblée vide, un jour où les députés sont dans leur circonscription.
Et maintenant
Le dynamitage est-il définitif ? Le texte doit maintenant être adopté par le Sénat. LREM n’y est pas majoritaire. Mais l’adhésion des Républicains au texte donne à penser que cet article passera sans problème.
L’avenir de l’école est maintenant dans les mains de ses acteurs. Combien de maires s’opposeront à cette réforme ? Combien d’enseignants ? Combien de démocrates tant l’adoption de ce texte respecte la forme de la loi mais viole l’esprit de dialogue et de consensus qui sous tend la démocratie.
François Jarraud