Pour Yannick Trigance, la nomination de la ministre est « un non-évènement » : peu importe le nom de la ministre, la politique menée est la même. L’élu se dit « sans illusion face à cette succession de ministres qui, sans état d’âme, portent la conception d’une école soumise aux règles du marché ».
Pour autant, aussi regrettable soit-elle tant elle dévalorise et affaiblit la question de l’éducation, cette instabilité ne change rien à la politique ultra-libérale de démantèlement de l’école publique engagée par Emmanuel Macron depuis maintenant sept longues années, politique qui vise avant tout à développer une école de la compétition, de l’individualisme et du séparatisme mâtinée d’un illusoire « c’était mieux avant ».
L’accumulation frénétique d’annonces, de mesures, de réformes toutes inscrites depuis 2017 dans une méthode injonctive et infantilisante porte lourdement atteinte à l’identité même des enseignants, à leur statut et à leur professionnalisme.
Et tandis que les annonces incessantes déversées dans les médias sur la communauté éducative par les ministres de l’éducation successifs occupent le devant de la scène – « école de la confiance », instauration de l’uniforme, « école du futur », port de l’abaya, « choc des savoirs »…-, les vraies urgences demeurent.
Quid des effectifs des classes parmi les plus élevés des pays de l’OCDE ? Quelles mesures fortes pour endiguer la crise de recrutement ? Quelle revalorisation salariale digne de ce nom pour les personnels ? Quelle formation initiale et continue pour des enseignants français les moins formés en comparaison de nos pays voisins ? A quand une scolarisation des enfants de 2 ans en maternelle quand on sait combien elle permet de lutter contre ces inégalités ? Quel accueil digne de ce nom pour les élèves en situation de handicap ? Qu’en est-il de la mixité sociale, ce levier indispensable pour permettre à tous nos jeunes de grandir dans l’altérité, la coopération et la fraternité ? La révision de la carte de l’éducation prioritaire tant attendue et tant de fois repoussée aura-t-elle finalement lieu ? A quand un lycée professionnel considéré à la juste mesure de ce qu’il représente dans une société où toutes les formes d’intelligences, de capacités et de compétences devraient être reconnues et valorisées ?
Telles sont, parmi d’autres, les grandes questions et les urgences dont devrait s’emparer sans attendre tout ministre de l’éducation, au-delà même des restrictions budgétaires annoncées, symbole d’une déconnexion totale du seul enjeu majeur pour aujourd’hui et pour demain : celui de la réussite de tous nos jeunes, partout sur le territoire de la République.
Sans illusion face à cette succession de ministres qui, sans état d’âme, portent la conception d’une école soumise aux règles du marché, il appartient à toutes les forces citoyennes, associatives, syndicales et politiques de se rassembler pour promouvoir sans relâche la vision d’une autre école : celle héritée des Lumières, porteuse du principe intangible de l’éducabilité de chaque enfant, tout au long de sa vie.
Yannick Trigance
Conseiller régional Ile-de-France