La dernière note d’information de la DEPP – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, « L’orientation en fin de troisième reste marquée par de fortes disparités scolaires et sociales » confirme le poids du patrimoine social dans les parcours scolaires, notamment l’orientation en fin de troisième vers la voie générale et technologique, vers la voie professionnelle et les CP. Les résultats scolaires à l’entrée en sixième sont aussi prédictifs de l’orientation. Pour autant, le service statistique note tout de même une augmentation de huit points entre les cohortes d’élèves scolarisées en troisième en 2010 ou 2011 et 2019 ou 2020.
Dans sa note d’information « L’orientation en fin de troisième reste marquée par de fortes disparités scolaires et sociales », la DEPP analyse les parcours scolaires – tout particulièrement l’orientation de fin de troisième de deux cohortes d’élèves les panels 2007 et 2011. Les élèves du panel 2011 (en CP en 2011) étaient scolarisés en troisième à la rentrée 2019 ou 2020, tandis que les élèves du panel 2007 (en 6e en 2007) étaient scolarisés en troisième à la rentrée 2010 ou 2011. « Ces dispositifs permettent d’éclairer le système éducatif sur les évolutions des performances scolaires et sur les parcours des élèves, relativement au contexte socio- économique dans lequel évolue l’élève, et en particulier d’étudier le déroulement de la procédure d’orientation en fin de troisième », écrit le service statistique du ministère d’Éducation nationale.
Augmentation de l’orientation en seconde générale et technologique et diminution de celle dans la voie professionnelle
En neuf ans, la part d’élèves qui obtient son vœu d’orientation en seconde générale et technologique (GT) a progressé de huit points, « 69 % des élèves scolarisés en classe de troisième en 2019 ou 2020 connaissent une telle orientation contre 61 % des collégiens qui étaient scolarisés en troisième en 2010 ou 2011 ».
Selon la DEPP, cette progression recouvre plusieurs phénomènes : l’augmentation des demandes d’orientation en filière GT émises par les (71 % contre 64 %) et ces demandes sont aussi plus souvent acceptées par le conseil de classe (96 % sur le panel de 2011 contre 94% sur celui de 2007). Si les auteurs reconnaissent un effet tendanciel de l’augmentation des vœux en GT, ils ne nient pas le l’effet du COVID. « En effet, la majorité des élèves du panel 2011 sont entrés en troisième en 2019 et ont effectué leur orientation de fin de troisième en pleine crise sanitaire. Une partie de la scolarité ayant été perturbée par des périodes de fermeture des établissements scolaires, les élèves ont eu moins d’interactions avec les autres élèves et le corps éducatif. Les apprentissages du second trimestre n’ont pas été évalués, ce qui ne leur a pas permis de situer leur niveau par rapport à leurs pairs ni de bénéficier pleinement d’un accompagnement durant la phase d’orientation. Ce contexte a rendu difficile l’appréciation du niveau scolaire des élèves pour les familles et les enseignants ».
Moins souvent demandée par les familles, l’orientation en seconde professionnelle ou en CAP aussi moins souvent proposées par le conseil de classe. « Les taux de satisfaction étant stables pour la seconde professionnelle (90 % pour le panel 2011 contre 92 % pour le panel 2007), ainsi que pour le CAP (86 % contre 87 %), la baisse des décisions finales d’orientation en filière professionnelle est donc directement imputable à la baisse des souhaits des familles pour cette filière ».
Des demandes d’orientation liées au niveau scolaire
C’est le niveau scolaire en fin de troisième des élèves qui est le facteur le plus corrélé avec les vœux des familles et les décisions des conseils de classe. Et le niveau des acquis en sixième est lui très corrélé aux vœux des familles et prédictif du devenir des élèves, « plus le niveau des acquis en sixième est élevé et plus les élèves souhaitent poursuivre leur scolarité en seconde GT ».
Si la part des très bons élèves demandant une orientation en seconde GT est stable (98 %), celle des élèves moyens a fortement progressé, plus 12 points en moyenne. Pour les élèves en très grande difficulté, la part passe 18% à 25%.
Toutefois, les élèves ayant un niveau des acquis faible à l’entrée en sixième du panel 2011 souhaitent plus souvent s’orienter vers une seconde professionnelle ou un CAP. Et quant au choix entre la voie professionnelle et le CAP, là aussi il est très lié aux résultats scolaires. « En effet, 38 % des élèves en grandes difficultés souhaitent intégrer une seconde professionnelle et presque autant un CAP (37 %), tandis que les élèves ayant un peu moins de difficultés préfèrent la seconde professionnelle au CAP (respectivement 44 % contre 18 % pour le deuxième décile, et 40 % contre 9 % pour le troisième décile) ».
La DEPP note, en revanche, qu’entre les panels de 2007 et 2011, « les élèves de niveau moyen et les bons élèves (déciles 6 à 8) souhaitent encore moins souvent s’orienter vers une seconde professionnelle ou un CAP que les élèves en difficulté ou en grande difficulté ».
Alors que la part des élèves en retard scolairement baisse drastiquement (25% pour le panel 2007 contre 2011 pour celui de 2011), ce retard scolaire est lui aussi prédictif de l’orientation en voie professionnelle ou CAP. « Le retard scolaire reste un facteur fortement discriminant de poursuite en filière GT : seulement 18 % des élèves en retard font le souhait d’une orientation dans cette voie au sein du panel 2011, contre 77 % des élèves « à l’heure ». Neuf ans auparavant, 22 % des élèves en retard faisaient ce souhait contre 78 % des élèves « à l’heure ». L’impact du retard scolaire, « toutes choses égales par ailleurs », sur le souhait d’orientation en seconde GT est le même pour la génération « panel 2007 » que pour la génération « panel 2011 » ». « À ce plus faible taux de demande d’orientation en seconde GT des élèves en retard s’ajoute un taux de satisfaction plus faible en comparaison des élèves « à l’heure » 86 % contre 97 %. Cet écart est principalement dû au niveau des acquis, très fragiles chez les élèves accusant un retard », ajoute les auteurs.
Des disparités collèges publics d’éducation prioritaire (EP), hors EP et privés
Dans le privé, la part des demandes d’orientation en seconde GT est de 87%, contre 54% dans les collèges publics hors EP et 62% en EP. « L’écart de 12 points entre la part des demandes d’orientation en seconde GT des élèves scolarisés en EP et celle des autres élèves scolarisés dans le secteur public hors EP est essentiellement dû à un effet de composition. En tenant compte du niveau scolaire et des autres caractéristiques familiales, un élève scolarisé en EP n’a pas significativement plus de chances de demander une orientation en seconde GT qu’un élève hors EP. En revanche, les écarts entre les établissements publics et les établissements privés restent visibles » précise la DEPP.
« Pour les demandes d’orientation en seconde professionnelle, seulement 11 % des élèves font ce vœu dans les collèges privés, contre respectivement 27 % et 20 % dans les collèges publics en EP et hors EP. 2 % des élèves des collèges privés font un vœu d’orientation en CAP, contre respectivement 11 % et 6 % des élèves des collèges publics en EP et hors EP ». Ces disparités sont stables entre les deux cohortes.
La DEPP souligne qu’à niveau socio-économique de la famille et niveau scolaire équivalents, « les élèves du secteur privé ont moins de chances d’obtenir une décision finale d’orientation en seconde GT que ceux du secteur public hors EP. Les élèves scolarisés dans le secteur public hors EP obtiennent moins souvent une décision finale d’orientation pour cette voie que ceux scolarisés en EP ».
Le service statistique note aussi des disparités en fonction des territoires. « Les trois quarts des élèves résidant dans des zones urbaines très denses demandent une seconde GT contre seulement les deux tiers des élèves résidant dans les zones rurales ». Des disparités qu’il explique en partie par « des aspirations des familles et d’offres de formation différentes selon le territoire ».
Les écarts entre milieux sociaux se maintiennent
La DEPP confirme le rôle prépondérant dans le déroulement de l’orientation de l’origine sociale et l’environnement familial (notamment l’origine sociale et le revenu des parents) même si la voie GT attire de plus en plus toutes CSP confondues. « Au sein du panel 2011, plus de neuf enfants de cadres, chefs d’entreprise ou enseignants sur dix demandent une orientation en seconde GT, contre à peine la moitié des enfants d’ouvriers non qualifiés. Toutefois, l’attrait pour la voie GT a progressé pour la plupart des catégories socioprofessionnelles, notamment chez les enfants d’ouvriers non qualifiés (+ 11 points) et d’employés de services (+ 14 points) ».
Seuls les enfants d’agriculteurs demandent moins souvent une seconde GT, au profit d’une hausse des demandes d’orientation en seconde professionnelle de 7 points.
Lilia Ben Hamouda