La mort par pendaison, voilà ce que risque une femme iranienne menacée de viol et obligée de tuer son agresseur pour y échapper. En 2014 la jeune réalisatrice allemande Steffi Niederzoll découvre, relayée par de nombreux médias, l’histoire tragique de Reyhaneh, 19 ans, accusée de meurtre et condamnée à mort pour avoir poignardé en 2007 l’homme qui s’apprête à commettre ce crime sur sa personne. S’en suivent sept années d’emprisonnement dans des conditions terribles et l’inlassable combat de ses proches pour essayer d’empêcher l’exécution de la sentence. Sept hivers au fil desquels Reyhaneh Jabbari, refuse de revenir sur ses déclarations en échange d’une hypothétique promesse de clémence, développe entraide et solidarité avec ses codétenues, fait preuve d’un courage et d’une dignité exemplaires jusqu’à son dernier souffle de vie. Un concours de circonstances lui permettant d’approcher des membres de la famille de la jeune condamnée, la réalisatrice se lance alors dans la création d’un film hors normes, bouleversant, retraçant intimement ces « Sept hivers à Téhéran ». A voir absolument.
Principes méthodologiques et responsabilité
A partir d’images filmées clandestinement, d’enregistrements de la voix de Reyhaneh (ou dits par l’actrice et réalisatrice iranienne exilée à Paris depuis 2008 Zar Amir Ebrahimi), de vidéos et de photographies intimes, la réalisatrice fonde son travail sur les témoignages uniques, recueillis dans le respect et la confiance, -ceux de la mère, des sœurs, et du père notamment-, et restitue ainsi le quotidien déchirant, plein d’affection et d’obstination, en dépit des pressions et des intimidations, pour sauver celle qu’ils aiment, celle qui est devenue une figure exemplaire de la lutte pour les droits des femmes en Iran.
Pour atteindre pareille exigence, Steffi Niederzoll, consciente de son immense responsabilité, s’appuie sur des principes méthodologiques et moraux afin de ne mettre en danger aucun des participants à l’entreprise. Shole, la mère, ses deux autres filles, Sharare et Shahrzad, sont désormais réunies et vivent en Allemagne. Après plusieurs échanges à distance, le père, Fereydoon, resté seul à Téhéran, privé de passeport, régulièrement interrogé et victime de représailles, a accepté de témoigner et la réalisatrice le filme par Internet. Les auteurs de certaines vues (la maison, lieu de la tentative de viol et du meurtre qui s’en est suivit, l’extérieur et le mur d’enceinte de la prison) prises récemment en Iran pour les besoins du film restent anonymes, d’autres images de l’Iran d’aujourd’hui proviennent d’un collectif d’artistes.
Ouvre instructive et poignante
Ainsi en montant avec finesse les différentes catégories d’images et les voix mêlées, celle tirée d’enregistrements de la condamnée, celle de la comédienne reprenant les écrits sauvegardés de la première, avec les témoignages des protagonistes de la lutte insatiable, la réalisatrice, selon ses vœux, ‘fait entendre [à nouveau] la voix de Reyhaneh, et donne vie à ses pensées et ses sentiments’, avec grâce et profondeur.
« Sept hivers à Téhéran », film poignant, document exceptionnel, nous ouvre aussi les yeux sur le profond mouvement social qui secoue actuellement l’Iran, et l’aspiration, portée par les femmes en premier lieu, et la jeunesse en général, à l’émancipation, dans une société patriarcale, sous un régime religieux dictatorial et une ‘justice’ régie par la loi du Talion.
Samra Bonvoisin
« Sept hivers à Téhéran », film de Steffi Niederzoll – en salle à partir du 29 mars ; sélectionné Festival de Berlin 23, Prix du film de paix & prix perspective, soutenu par Amnesty International