Comment assurer davantage de mixité sociale dans les établissements scolaires tout en respectant la liberté de choix des parents ? Nico Hirtt et Bernard Delvaux publient , dans les Cahiers du Girsef, les résultats d’une tentative d’affectation par logiciel réalisée par l’Aped, un mouvement politique et pédagogique belge. Leur simulation montre qu’on peut nettement améliorer la mixité sociale sans imposer aux parents d’affectation pour peu qu’ils jouent la règle du jeu.
« L’enseignement belge ne se caractérise pas seulement par d’importantes inégalités sociales de performance et d’orientation. Il affiche également un haut degré de ségrégation », remarque le rapport qui précise que la situation est à peine meilleure qu’en France. » Une partie de l’explication réside assurément dans la ségrégation résidentielle. Cependant, de nombreux auteurs ont observé, en Belgique comme ailleurs, que le regroupement des élèves par origine sociale ne peut s’expliquer entièrement par les inégalités entre régions ou quartiers. La ségrégation scolaire est même parfois supérieure à la ségrégation résidentielle ». Ce qui est particulier à la situation belge, et vient rendre les choses plus compliquées, c’est que le privé représente environ la moitié des effectifs élèves et que la constitution garantit le libre choix des parents. Impossible donc d’imposer une carte scolaire rigide.
L’APED a donc choisi de miser sur la garantie de sécurité que peut offrir aux parents une affectation pilotée par un logiciel. » L’idée est de proposer aux parents, dès le début de la scolarité obligatoire de leur enfant, une place garantie dans une entité scolaire. Les parents disposeraient d’un temps de réflexion pour accepter ou refuser l’école proposée. En cas de refus, ils seraient libres de chercher une place disponible dans une autre école de leur choix. L’originalité du projet est de prévoir que les propositions d’écoles seraient faites en tenant compte non seulement de la proximité du domicile mais également en fonction d’une quête pro-active de mixité sociale ». Le pari c’est que la majorité des parents préférera la garantie d’une place offerte à l’aventure de chercher une « meilleure » place dans un univers scolaire saturé.
» Le logiciel d’affectation des élèves aux écoles travaille en deux temps. Durant la phase initiale, chaque élève se voit attribuer une école proche de son domicile. Mais pas forcément la plus proche : cela dépend des places disponibles et d’un paramètre (que nous appellerons le « taux de randomisation » τ) qui introduit une marge aléatoire dans cette affectation initiale. L’ordre de sélection des élèves est, quant à lui, toujours aléatoire. Ensuite commence la « phase itérative », durant laquelle le logiciel cherche à déplacer les élèves ou à les permuter de façon à optimiser un certain équilibre entre la recherche de proximité et la quête de mixité sociale ».
Une simulation réalisée par l’Aped sur les données des établissements montre un net rapprochement des élèves : aucun enfant ne serait à plus de 4 km de son domicile , la distance moyenne passerait de 1 330 m à 910 m. La distance sociale diminuerait également. 94% des élèves seraient dans des écoles relativement mixtes socialement . Il n’y aurait plus d’écoles ghettos pauvres contre 21% des élèves aujourd’hui.
En conclusion, l’Aped vient de démonter qu’il y a des solutions informatiques théoriques à la question de l’affectation. C’est un point important car les effets de l’application Affelnet sont débattus en France. Reste à démontrer le raisonnement de départ : les acteurs sociaux sont ils sensibles aux avantages d’une affectation sure ou sont ils dirigés par la recherche de la sélection et de l’entre soi ?
François Jarraud