L’Ecole n’a pas à avoir honte d’elle-même. Certes l’Ecole française a ses faiblesses et il y a bien des critiques à lui faire. Le Café pédagogique n’est pas le dernier à relever ce qui ne va pas. Mais l’Ecole a aussi ses réussites. En trois graphiques, en s’appuyant sur la revue Education & Formations, rendons les visibles. En cette période de rentrée, nous les partageons avec vous…
Comment rendre visibles les progrès de la scolarisation ? En regardant où sont les jeunes à trois moments clé de leur vie scolaire : à 11 ans, à 14 ans et à 17 ans. La revue Education & Formations nous offre trois graphiques qui montrent les évolutions sous la Cinquième République. Elle met ainsi en avant les progrès réalisés sur les 50 dernières années.
L’accès des enfants au collège
Observons comment la couleur bleue, qui correspond au collège, a effacé sur un demi siècle le rose de l’école élémentaire. En 1958 les trois quarts des enfants de 11 ans étaient encore à l’école primaire. Le redoublement était la règle. Une partie de ces jeunes enfants était orientée en classe de fin d’études primaires. Ces classes, fermées au début des années 1970, relevaient d’une enseignement pré professionnel (souvent bois ou fer). Etre orienté dans ces classes empêchait tout accès au collège. C’était des classes de fin de parcours.
En 1958, plus de 10% des enfants était mis à l’écart. La moitié était en retard. Seulement 21% était en 6ème. Inutile de préciser de quel milieu social ils provenaient…
La situation s’inverse rapidement dès les années 1970, où la majorité de ces jeunes sont des collégiens. Aujourd’hui seulement 10% des enfants a redoublé au cours de sa scolarité primaire et est encore à l’école. Un pourcentage qui pourrait encore diminuer dans les années à venir. Ce que montre ce graphique c’est la généralisation de l’accès au collège.
La généralisation du collège
De 1958 à 2014 c’est la couleur grise qui disparait, c’est à dire les jeunes qui, à 14 ans, ne sont pas scolarisés. C’était presque un jeune sur trois en 1958. Le pourcentage baisse fortement à partir de 1967, année de la prolongation de la scolarité jusqu’à 16 ans. Les classe pré professionnelles de fin d’études primaires recueillaient plus de 10% des jeunes en 1958. Autrement dit à 14 ans presque un jeune sur deux n’était pas scolarisé dans une filière normale. Pour ces classes le déclin a été moins rapide puisque les CPPN ont pris le relais des classes de fin d’étude jusqu’au milieu des années 1980.
C’est finalement le collège qui l’emporte. Il scolarise 90% des jeunes depuis les années 1990 avec la chute des CAP en 3 ans et la fermeture des CPPN.
Au sein du collège on voit la montée des jeunes scolarisés en 3ème dès 14 ans. La naissance du collège unique s’est faite difficilement. A coté des filières spéciales, comme le CAP où on allait dès la fin de la 5ème et les CPPN, on constate un fort taux de redoublement. En 1975, année de la naissance du collège unique 40% des élèves sont en 4ème ou 5ème, 10% en CPPN et 10% en CAP. Moins d’un tiers est en 3ème.
Cette part va aller croissant.les trois quarts des élèves de 14 ans sont en 3ème. On a assisté à un effondrement des redoublements et à la généralisation du collège.
La démocratisation du lycée
Quand on regarde où sont les jeunes de 17 ans, ce qui frappe c’est la réduction de la couleur grise mais aussi son maintien depuis les années 1990. La couleur grise correspond aux jeunes qui sont en apprentissage, en formation ou sortis du système scolaire , souvent sans formation et emploi.
En 1958, les trois quarts des jeunes de 17 ans sont en emploi ou en apprentissage. En 1990 ce n’est plus le cas que d’un jeune sur quatre, un pourcentage qui n’a pas varié depuis .
On assiste donc à la démocratisation du lycée et là aussi à la baisse des redoublements. L’enseignement professionnel maintient à peu près sa part grace au bac professionnel et à une prolongation des études. Le lycée général et technologique a vécu une explosion dans les années 1980 et depuis se maintient.
Depuis un quart de siècle le système résiste à aller plus loin dans la généralisation du secondaire long. On mesure l’effort que nécessiterait une scolarisation obligatoire jusqu’à 18 ans comme l’a envisagé F Hollande en septembre 2016.
Cette évolution est-elle un progrès ?
Un candidat à la primaire de la droite, et pas des moindres, est allé très loin en envisageant un examen d’entrée en 6ème, situation qui nous ramènerait sous la IVème République (l’examen d’entrée a été supprimé partiellement en 1956 et totalement en 1959). Un autre candidat souhaite nous ramener plus loin encore avec un examen d’entrée en CM1.
Avec les élections aussi est revenue l’idée qu’il faut laisser sortir du système scolaire les jeunes de 14 ans et revenir à une orientation en fin de 5ème supprimée en 1994 mais qu’un décret avait d’ailleurs rétabli très temporairement en 2012. C’est évidemment ne pas connaitre les métiers actuels et mépriser le monde du travail que lui destiner des élèves en échec. Mais c’est surtout un profond mépris pour ces jeunes et ces familles regardés comme indécrottables.
Même si le système scolaire n’a pas réussi une véritable démocratisation du lycée, les graphiques attestent de l’effort des enseignants pour s’adapter à un public de plus en plus hétérogène et le faire réussir et celui de la société pour donner à sa jeunesse une formation adaptée au monde d’aujourd’hui. Ce trois graphiques montrent le travail des enseignants. Ce sont leur trésor.
François Jarraud