François Jarraud, Patrick Picard
Cinq jours après le discours de Nicolas Sarkozy Ă PĂ©rigueux, qui annonçait  » la plus importante rĂ©forme de l’Ă©cole primaire depuis des dĂ©cennies », Xavier Darcos a prĂ©sentĂ© le 20 fĂ©vrier Ă la presse les nouveaux programmes du primaire. Pour la première fois la nouvelle majoritĂ© rĂ©forme l’Ecole. Plus qu’une rĂ©forme, une rupture ?
L’analyse
Pour Xavier Darcos, il s’agit « d’une vĂ©ritable rĂ©volution culturelle, qui consiste à « recentrer l’Ă©cole sur les enseignements essentiels », c’est-Ă -dire le français, les maths et l’EPS. Cependant le français est crĂ©ditĂ© de 10 heures au CP et CE1, puis 8 heures, soit sensiblement autant qu’avant. Les maths occuperont 5 heures, soit un peu moins que dans les anciens programmes. Le sport passe Ă 4 heures au lieu de 3.
Le grand changement serait alors plutĂ´t Ă chercher dans la pĂ©dagogie. « L’enseignement de la grammaire, du vocabulaire et de l’orthographe est dĂ©sormais abordĂ© de manière explicite » prĂ©cise le ministre. Ainsi en maths,  » les programmes prĂ©voient le renforcement des techniques opĂ©ratoires. LĂ oĂą l’on se contentait par exemple d’aborder vĂ©ritablement la multiplication Ă partir du CE2, et pas totalement la division, par exemple pour des nombres dĂ©cimaux, les Ă©lèves devront maĂ®triser parfaitement les quatre opĂ©rations avant d’entrer au collège et savoir pratiquer une règle de trois. La pratique quotidienne du calcul mental sera encouragĂ©e pour permettre aux Ă©lèves d’acquĂ©rir très tĂ´t les automatismes nĂ©cessaires pour ne pas se tromper dans leurs calculs ».
Il s’agit bien d’un retour Ă l’instruction traditionnelle. Et c’est confirmĂ© par les programmes des autres enseignements. Ainsi la gĂ©ographie est recentrĂ©e sur le territoire français. L’histoire est elle aussi centrĂ©e sur l’histoire nationale avec des grands hommes parmi lesquels Clovis. « L’histoire fait dĂ©sormais l’objet d’un vĂ©ritable enseignement, introduisant chez l’enfant des repères chronologiques fondĂ©s sur la connaissance des grandes dates de l’histoire de France » prĂ©cise Darcos, comme si la chronologie avait disparu dans les programmes prĂ©cĂ©dents…. Cette histoire est complĂ©tĂ©e par une initiation Ă l’histoire des arts qui devrait occuper 20 heures annuelles, probablement aux dĂ©pens des pratiques artistiques.
Un changement particulièrement remarquĂ© concerne la disparition de l’Ă©ducation civique, remplacĂ©e par une instruction civique et morale. « Cet enseignement permet Ă l’enfant de dĂ©couvrir progressivement les valeurs, les principes et les règles qui rĂ©gissent l’organisation des relations sociales » annonce Darcos. Les programmes sont carrĂ©ment rĂ©tros. « Les Ă©lèves dĂ©couvrent les principes de la morale qui peuvent ĂŞtre prĂ©sentĂ©s sous forme de maximes illustrĂ©es et expliquĂ©es par le maĂ®tre (telles que « ne pas faire Ă autrui… »).
La réforme est placée par le ministre sous les auspices des héros du conservatisme, ceux-là même qui conseillaient Robien : A. Bentolila, Stanislas Dehaene, Marie-Christine Bellosta.
Sur le Café, la présentation des principaux changements
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/90_programm[…]
L’analyse du CafĂ©
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/90_[…]
Le dossier de presse ministériel avec les nouveaux programmes
http://www.education.gouv.fr/cid21007/presentation-des-nouveaux-[…]
L’analyse de Patrick Picard
Soyons clairs : si le discours du ministre a une chance d’être entendu de l’opinion, c’est qu’il s’appuie sur des faits que personne ne peut contester : 15% des Ă©lèves qui sortent de l’Ecole sans maĂ®triser les contenus qui permettent de rĂ©ussir au collège, une Ă©cole qui ne progresse plus dans la rĂ©duction des Ă©carts sociaux. Une impression de sur-place dans une sociĂ©tĂ© qui a besoin de plus de compĂ©tences, de plus de qualification, dans laquelle les places pour les « exclus de l’Ă©cole » deviennent infinitĂ©simales.
Et sans vouloir défendre absolument des programmes de 2002 qui avaient leurs limites, chacun sait que leur ambition, et celle des documents d’applications qui les complétaient, était de travailler à hausser d’un cran les ambitions de l’ecole, notamment en préparant mieux les élèves à maîtriser les savoirs exigés par le collège, cette capacité à se servir de l’écrit au service des apprentissages disciplinaires et de leurs contraintes, de travailler dans le temps long de la scolarité.
Et il ne suffit pas de dire que le collège a peinĂ© Ă se transformer pour aider les « nouveaux publics » Ă profiter de l’Ă©cole. Sans doute. Mais mĂŞme si les parents continuent Ă massivement faire confiance Ă l’Ă©cole primaire de la RĂ©publique, il est juste de poser la question de la rĂ©ussite de tous.
Mais poser la question n’est pas y rĂ©pondre, et c’est lĂ que le volontarisme mĂ©diatique a ses limites.
M. Darcos et ses amis ont bien sĂ»r un souci : remettre en cause ce qui a Ă©tĂ© fait, de la loi de 89 aux programme de 2002, comme si c’Ă©tait lĂ que se trouvaient la source des difficultĂ©s des Ă©lèves. La polĂ©mique ouverte par M. De Robien a eu beau montrer les limites des approches idĂ©ologiques et revanchardes, il existe toujours un lobby, qui a ses entrĂ©es largement ouvertes au ministère, et qui veut « remettre de l’ordre » dans la brèche ouverte par les programmes de 2002, au nom du « tout fout le camp » et « ils ne savent plus rien ».
Ces programmes Ă©taient-ils trop ambitieux ? On pourrait le croire, si on ne juge que par ce qu’ils ont pu faire changer pour les Ă©lèves en difficultĂ©.
Etaient-ils trop complexes pour ĂŞtre mis en Ĺ“uvre par les enseignants ? Si cette question est difficile, on sait au moins qu’ils ont Ă©tĂ© fort peu accompagnĂ©s : non-parution des documents sur l’ORL, baisse de la formation continue lĂ oĂą il fallait un gigantesque effort d’accompagnement pour gagner le dĂ©fi de la rĂ©ussite de tous. Qui peut oser prĂ©tendre qu’en quelques annĂ©es, sans moyens, les enseignants eussent pu Ă ce point gagner en compĂ©tence pour pouvoir seuls rĂ©pondre Ă un dĂ©fi aussi important ? LĂ oĂą les acteurs du système avaient besoin de temps, de confiance, de soutien, de formation, on a continuĂ© Ă rĂ©pondre par les prioritĂ©s sans cesse changeantes, l’injonction ou la culpabilisation. Le temps politique, comme le temps mĂ©diatique, n’a rien Ă voir avec le temps long de l’Ă©ducation.
Etaient-ils trop jargonnants ? A-t-on négligé un temps les nécessaires apprentissages systématiques ? Sans doute, ici ou là . Lorqu’on consacre son énergie à travailler en profondeur l’entrée dans la résolution de problème ou la littérature, on risque toujours de moins mettre l’accent sur le calcul mental ou la grammaire. Mais qu’on relise les programmes de 2002 : ces exigences y figurent, sans impasse ni démagogie. Et depuis dix ans, les inspecteurs et les formateurs qui travaillent avec les enseignants tentent de concilier les deux approches, la compréhension et l’entraînement, l’individuel et le collectif.
Mais reconnaissons-le : cela exige beaucoup des enseignants, souvent trop seuls, souvent peu accompagnĂ©s, face au quotidien de la classe, aux Ă©lèves de plus en plus difficiles Ă gĂ©rer, Ă la sensation de glisser sur le noeud des difficultĂ©s : des conditions de vie de plus en plus prĂ©caires, des repères Ă©ducatifs fuyants, une opposition de plus en plus lourde entre le « tout, tout de suite » de la sociĂ©tĂ© de consommation et le besoin d’efforts, de mise Ă distance, de cloture de l’univers scolaire.
Retour aux « fondamentaux » ?
Ce « retour aux fondamentaux » est évidemment dans l’air du temps : retour au sacré, à l’ordre, à la morale, comme un exutoire au désordre, à l’angoisse, aux difficultés, à l’avenir incertain.
Mais quel mépris, au-delà des mots flatteurs, pour les enseignants, qui oeuvrent chaque jour à trouver les équilibres entre les contraintes paradoxales :
– revenir Ă la morale ? Mais qui peut penser qu’en Ă©crivant quelques maximes au tableau noir, on pourrait les aider Ă remettre de la cohĂ©rence dans des groupes-classes dont on sait que beaucoup d’élèves souffrent surtout d’insĂ©curitĂ© familiale, d’inquiĂ©tude devant l’avenir ou de doutes sur l’efficacitĂ© de l’investissement scolaire ?
– revenir aux rĂ©dactions, au plus-que-parfait et Ă la règle de trois ? Mais si les enseignants s’épuisent Ă inventer chaque jour des situations pĂ©dagogiques efficaces, Ă fabriquer des Ă©quilibres complexes entre l’enseignement et les apprentisages, c’est justement parce qu’ils connaissent les limites des postures exlusivement magistrales. Nul ne croit que le maĂ®tre doit s’empĂŞcher d’enseigner, mais bien peu pensent que cela suffise pour que les Ă©lèves apprennent.
Pour les enseignants, ces annonces risquent de renforcer le sentiment qu’ils expriment très fort depuis quelques temps : dĂ©cidĂ©ment, Ă force de rĂ©pondre par des injonctions faussement simplistes Ă des questions complexes, c’est bien leur professionnalitĂ© qui est niĂ©e. Puisqu’on vous dit que c’est simple, pourquoi continuez-vous Ă rĂ©clamer au ministère les moyens de travailler en Ă©quipe, de rĂ©clamer des aides pour mieux comprendre les difficultĂ©s des Ă©lèves… ? De la rigueur, de la morale, de la discipline, et vous verrez les Ă©lèves en difficultĂ© disparaĂ®tre…
Y-a-t-il la moindre chance que M. Darcos œuvre pour la justice sociale, comme il le souhaite dans ses réponses aux journalistes ?
Les plus optimistes diront que toute cette écume ne touchera qu’à la marge la réalité de la classe. Pas plus que les programmes de 2002 ou les cycles n’ont modifié profondément des processus qui ne bougent que sur des temps longs, la sortie d’un nouveau BO ne bouleverse les enseignants, souvent habitués à courber la tête en attendant que le balancier repasse en sens inverse.
Mais les plus inquiets craindront l’effet en retour : la fin de l’évaluation diagnostique, le retour aux pressions plus fortes exercées sur les enfants qui vont mal, le repli sur soi des enseignants : « tout ça pour ça… ».
Parce que l’ambition de faire rĂ©ussir tous les Ă©lèves n’est jamais allĂ©e de soi, parce que notre système d’éducation français qui n’a jamais fait le choix d’abandonner le modèle « descendant » oĂą les contenus enseignĂ©s Ă Normale Sup dĂ©terminaient en cascade les programmes de chaque niveau, parce qu’il continue de donner beaucoup plus d’argent pour la scolarisation des Ă©lèves qui accèdent aux filières « nobles » que pour ceux qui quittent tĂ´t l’école, parce qu’on continue de penser qu’une note est « juste » dès lors qu’un enseignant l’a donnĂ©e, parce qu’il est très difficile de comprendre pourquoi on n’apprend pas forcĂ©ment en empilant des couches de « simple » pour arriver au « complexe », il n’est pas tout Ă fait sĂ»r que la postĂ©ritĂ© retienne que l’action de M. Darcos lui a permis d’ Ĺ“uvrer pour la justice sociale… Malheureusement.
Les réactions
Le dossier spécial du Café
Qu’en pensent les experts ? Le CafĂ© a sollicitĂ© les meilleurs spĂ©cialistes de l’Ecole sur les nouveaux programmes du primaire. DĂ©couvrez les analyses de R. Goigoud, S. Plane, X. Brissiaud, G. de Vecchi, P. Frackowiak, P. Boisseau… Un dossier riche et contrastĂ© pour mieux comprendre les changements en maternelle et Ă l’Ă©cole Ă©lĂ©mentaire.
Le dossier spécial
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/[…]
« Le projet que vous nous prĂ©sentez est marquĂ© par un alourdissement des contenus, par une conception mĂ©caniste des apprentissages et un affaiblissement de leur dimension culturelle. Il est loin de pouvoir contribuer Ă la rĂ©ussite de tous les Ă©lèves qui par ailleurs nĂ©cessite les moyens adĂ©quats. En fait il pĂ©nalisera ceux qui ont le plus besoin d’Ă©cole et ne favorisera pas la maĂ®trise de l’ensemble commun des connaissances et des compĂ©tences que l’Ă©cole doit faire acquĂ©rir Ă tous les Ă©lèves. Il tourne le dos Ă l’ambition des programmes de 2002 qui Ă©tait de doter tous les Ă©lèves des outils nĂ©cessaires pour rĂ©ussir au collège ». Dix neuf organisations syndicales (Se-Unsa, Sgen, Snuipp, Sien, Snpi), parentales (Fcpe), pĂ©dagogiques (Afef, Airdf, Crap, Cemea, Gfen, Icem), Ă©ducatives (Ligue de l’enseignement, Foeven, JPA, Occe etc.), regroupant une large majoritĂ© des acteurs de l’Ă©cole, demandent au ministre « une consultation approfondie » sur les projets de programme du primaire.
Elles relèvent notamment que  » les apprentissages fondamentaux que vise l’Ă©cole primaire s’appuient sur un travail de l’Ă©lève dans lequel la recherche, la dĂ©couverte et l’expĂ©rimentation s’allient nĂ©cessairement Ă la rigueur, Ă la structuration des connaissances et Ă la mĂ©morisation ». On est loin des maximes de « l’instruction civique et morale » des nouveaux programmes…
Communiqué
http://www.snuipp.fr/spip.php?article5379
Sur le Café, le dossier nouveaux programmes
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Programmesduprim[…]
Les 19 organisations proposent un argumentaire sur les nouveaux programmes
Le document est destinĂ© aux enseignants qui doivent, d’ici la fin du mois, rĂ©pondre Ă la consultation ministĂ©rielle sur les nouveaux programmes. Les 19 organisations comprennent des mouvements pĂ©dagogiques ou Ă©ducatifs (Cemea, Crap, Gfen, Icem, Usep, Foeven, Occe, Jpa, Ligue de l’enseignement), des associations de parents (Fcpe), des chercheurs (Airdf), des associations professionnelles (Afef, Ageem), et des syndicats (Se-Unsa, Sgen Cfdt, Si.En Unsa, Snuipp, Snpi), bref pratiquement tout l’univers de l’Ă©cole primaire. Ensemble ils proposent une lecture attentive des nouveaux programmes du primaire.
A commencer par leur caractère rĂ©ductif. « On alourdit les programmes », dĂ©plorent-ils, « on relève le niveau d’exigences et on diminue le temps d’enseignement, telle semble ĂŞtre la philosophie de ce projet de programmes ». Ils relèvent « qu’en français et en maths, les connaissances visĂ©es en fin de cycle 3 sont semblables Ă celle attendues en fin de classe de 5ème ». « On garde tout, on compartimente, on morcelle en disciplines et sous-disciplines et on diminue le temps pour faire ce travail » dĂ©plorent-ils. RĂ©sultat . « entre les dix heures de français, les cinq heures de mathĂ©matiques, les quatre heures de sport et l’heure et demie de langue vivante, que restera-t-il Ă la « culture humaniste » ? Aux sciences ? A l’éducation artistique ? 3h30 en cycle 2 (contre 6 heures auparavant) et 5h30 au cycle 3 (contre 9h30 auparavant) ».
Réductifs ils le sont aussi dans leurs objectifs.« La centration sur le français, les maths et l’EPS en élémentaire, le vocabulaire et l’étude des sons en maternelle, réduit les apprentissages à des visées étroitement utilitaires sans permettre l’ouverture culturelle sur d’autres horizons ».
Les 19 dĂ©noncent aussi « une conception rĂ©ductrice de l’enfant / Ă©lève ». « Le choix d’une terminologie Ă l’ancienne : l’instruction avec la rĂ©daction, la mĂ©morisation, les règles, la morale… n’est pas anodin. Il enterre les visĂ©es d’une Ă©mancipation de l’enfant et d’une comprĂ©hension du monde que l’éducation porte… La modification significative de la posture d’enfant/ Ă©lève entraĂ®ne au passage le renoncement au concept d’éducation globale, elle attribue aux enseignants les savoirs « acadĂ©miques », aux animateurs/Ă©ducateurs les savoir-faire et aux parents les savoir-ĂŞtre! C’est penser les lieux d’éducation que sont l’école, les loisirs et la famille, Ă©tanches les uns aux autres ».
En conclusion de cet argumentaire, les 19 dĂ©noncent l’Ă©cole de l’obĂ©issance passive. « Des compĂ©tences visĂ©es plus limitĂ©es. De la maternelle au CM2, les programmes mettent l’accent sur la rĂ©ception passive de la parole, sur la reproduction de routines et non sur les capacitĂ©s de comprĂ©hension et d’expression orales et Ă©crites qu’il faudrait pourtant dĂ©velopper ».
Le document (format doc)
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Documents/Argumentai[…]
Le réquisitoire de Lang et Ferry
 » Nous en appelons donc Ă l’honnĂŞtetĂ© de Xavier Darcos et Ă son sens des responsabilitĂ©s : il faut cesser de bouleverser sans cesse Ă©lèves, parents et professeurs Ă chaque changement de gouvernement ! Il faut au contraire prĂ©server ce qui a Ă©tĂ© fait de bon par le passĂ©, quelle qu’ait Ă©tĂ© la majoritĂ© de l’Ă©poque. Les professeurs ont plus qu’assez de ces changements aussi incessants qu’inutiles. S’il y a quelques points Ă modifier, qu’on les modifie en conservant l’essentiel, mais qu’on ne sacrifie pas l’intĂ©rĂŞt des enfants et des professeurs Ă des motifs de pure tactique politicienne ». Pères des programmes de l’Ă©cole primaire publiĂ©s en 2002, Jack Lang et Luc Ferry signent une tribune dans le numĂ©ro du 13 mars du Nouvel Observateur.
Avec beaucoup de force ils dĂ©noncent dans les nouveaux programmes une entreprise politicienne qui sacrifie l’intĂ©rĂŞt des enfants Ă ceux du gouvernement. « Comment croire » Ă©crivent les deux anciens ministres, « comme le prĂ©tend sans rire le dossier de presse prĂ©sentant les nouveaux textes, qu’une rĂ©forme des programmes et des horaires, quelle qu’elle soit, puisse, Ă elle seule, permettre de «diviser par trois en cinq ans le nombre d’Ă©lèves qui sortent de l’Ă©cole primaire avec de graves difficultĂ©s» ? MĂŞme s’ils Ă©taient sublimes, infiniment supĂ©rieurs Ă ceux de 2002 – ce qui est tout l’inverse -, une telle affirmation relèverait de l’illusionnisme. Il n’est pas un spĂ©cialiste du système scolaire pour y croire une seconde tant il est Ă©vident que l’Ă©chec scolaire relève de bien d’autres paramètres… En revanche, l’opĂ©ration politicienne est transparente : elle consiste Ă faire croire Ă un public ignorant des textes en vigueur, mais qu’une sourde angoisse associĂ©e au sentiment diffus que «tout fout le camp» prĂ©dispose Ă avaler la couleuvre, que les programmes Ă©laborĂ©s en 2002 Ă©taient «modernistes», Ă©crits dans un jargon incomprĂ©hensible, bref, «soixante-huitards» (ce qui pour l’un d’entre nous au moins est un comble !), et qu’il est temps de restaurer les bonnes vieilles recettes du temps de nos aĂŻeux. Succès garanti dans les chaumières. Si c’Ă©tait vrai, nous signerions peut-ĂŞtre des deux mains mais c’est en l’occurrence une imposture ».
Ils dĂ©noncent Ă©galement des programmes Ă©laborĂ©s dans le plus grand secret.  » S’agissant des nouveaux programmes, nul ne parvient Ă savoir, pas mĂŞme les anciens ministres de l’Education que nous sommes, comment et par qui ils ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ©s ! Et pour cause. Les groupes d’experts, prĂ©sidĂ©s et composĂ©s par des personnalitĂ©s identifiables et reconnues, ont disparu. Le Conseil national des Programmes a Ă©tĂ© supprimĂ©, et l’Inspection gĂ©nĂ©rale elle-mĂŞme n’a pas Ă©tĂ© saisie du dossier ! Est-il raisonnable de laisser de simples conseillers du ministère ou de l’ElysĂ©e Ă©laborer dans l’opacitĂ© la plus totale des textes vouĂ©s Ă rĂ©gir l’Ă©cole de la nation pour dix ans au moins et qui concernent des millions de familles et de citoyens ? Prenons un exemple tout Ă fait concret : dans les nouveaux programmes, dĂ©cision a Ă©tĂ© prise sans aucune concertation de diminuer environ par trois le temps consacrĂ© Ă l’enseignement de l’histoire et de la gĂ©ographie afin de faire plus de place au sport et aux mathĂ©matiques : ce choix lourd de menaces ne peut-il ĂŞtre discutĂ© publiquement ? Tous les dĂ©mocrates ne peuvent que rejeter cette mĂ©thode aberrante ».
Cette forte attaque tombe au pire moment pour Xavier Darcos. Celui-ci a rĂ©pondu en affirmant le caractère traditionaliste de ses programmes. « Il s’agit d’en finir avec 30 ans de pĂ©dagogisme qui a laissĂ© croire qu’on pouvait apprendre en s’amusant.. On peut s’obstiner Ă penser que l’observation rĂ©flĂ©chie de la langue vaut mieux que l’apprentissage de la grammaire, mais on a la preuve que ce n’est pas ce qui permet aux Ă©lèves d’apprendre Ă lire, Ă©crire et compter correctement ».
Article du Nouvel Observateur
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2262/articles/a369288-.html
DĂ©pĂŞche AFP
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour[…]
Sur le Café, le dossier sur les programmes du primaire
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Programmesdupri[…]
Sylvie Plane : « Un programme qui inculque la docilitĂ© passive «Â
« Le projet de programme soumis Ă consultation, s’il a le mĂ©rite d’être aisĂ©ment lisible, est en revanche, de façon dĂ©magogique, d’un niveau de gĂ©nĂ©ralitĂ© qui le prive des prĂ©cisions que les professionnels attendent de ce type de document, prĂ©cisions qui sont nĂ©cessaires pour choisir, comme le demande de façon paradoxale le projet de programme, un « manuel de qualitĂ© » ». Professeure de Sciences du Langage Ă l’IUFM de Paris, Sylvie Plane dĂ©crypte pour nous les nouveaux programmes de français du primaire et nous donne la position de l’Association Internationale pour la Recherche en Didactique du Français.
Lire l’article sur le CafĂ©
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/programmes_P[…]
Des programmes déraisonnables pour P. Joutard
« Regardons les évaluations internationales. Quelles sont les faiblesses des élèves français ? Le manque de confiance en eux, la non prise de risques, la résolution des problèmes, la rédaction libre, l’expression de l’imagination… Et quelles sont les réponses ? Le développement des techniques, et pas du tout le développement de la créativité et de l’imagination ». Dans Fenêtres sur cours, Philippe Joutard juge les nouveaux programmes déraisonnables, infaisables et en même temps « peu exigeants ».
FSC n°311
http://www.snuipp.fr/IMG/pdf/FSC_311_light.pdf
Les nouveaux programmes et le salaire au mérite
« Que va gagner la maĂ®trise du langage et de la langue Ă cet appauvrissement des perspectives ? » sur le site de l’Afef, Philippe Devaux (Iufm de la Vienne), analyse les nouveaux programmes du primaire. Il dĂ©nonce « le discrĂ©dit jetĂ© par l’institution sur ses propres productions » , en l’occurrence les documents Ă©laborĂ©s Ă l’occasion des programmes de 2002, modifiĂ©s en 2007 et dĂ©jĂ pĂ©rimĂ©s car trop « complexes ». Il conclue en estimant que  » la posture adoptĂ©e et les moyens retenus pour servir des finalitĂ©s et des exigences sur lesquelles tout le monde peut s’accorder (celles de la justice sociale par exemple, celles qui visent Ă diminuer drastiquement l’échec scolaire), par leurs concessions appuyĂ©es Ă un air du temps rĂ©trograde, par le brouillage et la dĂ©stabilisation des repères institutionnels qu’ils suscitent, par leur refus de s’inscrire dans un mouvement de capitalisation progressive des acquis, des recherches et des expĂ©riences – l’heure Ă©tant Ă la « rupture », au « renversement copernicien » –, ne contribuent pas Ă lĂ©gitimer le discours institutionnel et Ă lui faire servir en la circonstance les ambitions du socle commun ».
Critique aussi la Ligue de l’enseignement qui affirme sa « dĂ©ception » devant  » un petit goĂ»t de fondamentalisme archaĂŻque qui fleure bon la blouse grise, la bonne odeur de craie, la « leçon de morale » du bon vieux temps ». La Ligue dĂ©nonce « la mĂ©thode choisie par ministre qui fait l’impasse sur une rĂ©elle concertation de tous les acteurs… Elle a sans doute permis Ă toutes les pressions opaques de s’exercer, Ă toutes les idĂ©es moisies et restauratrices de faire leur trou : associations disciplinaires les plus corporatistes, « dĂ©clinologues » nostalgiques d’une Ă©poque qui n’a jamais servi que les hĂ©ritiers et quelques Ă©lĂ©ments rĂ©chappĂ©s de la mĂ©ritocratie… »
Sur le Café, Roland Goigoux marque une certaine colère devant ce texte.  » En guise de retour à l’école d’antan, le texte présenté par Xavier Darcos est surtout la consécration du cahier de brouillon ! Ce texte, rédigé sous la pression temporelle de la communication politique sarkozienne, cache mal les traces des « copier-coller » issus des médiocres rapports publiés depuis quelques mois dans le sillage de Gilles de Robien et caractérisés surtout par leur mépris à l’égard du travail enseignant… Ces programmes concoctés dans le plus grand secret constituent une importante régression par rapport à ceux de 2002 qui avaient été le fruit d’une concertation poussée et qui constituaient une ressource pour le travail enseignant ».
R. Goigoux estime que le programme se situe « dans un complexe de dĂ©placement des problèmes scolaires vers la seule Ă©cole primaire » et est la base d’un pilotage du système par l’Ă©valuation.  » Le prĂ©ambule des programmes indique que libertĂ© pĂ©dagogique des enseignants implique une responsabilitĂ© : « s’assurer et rendre compte des acquis des Ă©lèves ». Cette Ă©valuation rĂ©gulière sera un « instrument de comparaison des effets des pratiques pĂ©dagogiques » donc de l’efficacitĂ© du travail enseignant. Elle ouvre la porte au salaire au mĂ©rite dont rĂŞve la droite dans le cadre de la modernisation de l’administration publique ».
A noter également, dans La Croix, les interventions sur le retour de la morale.  » Qui peut croire que le retour aux maximes moralistes peut permettre de construire des règles de vie collective dans la classe ? » y affirme le Snuipp. Bernard Gorce interroge également Marc Le Bris, ravi, et Luc Bérille (Se-Unsa) pour qui « c’est un retour en arrière qui conçoit l’enfant comme un objet et jamais un acteur. Enfermé dans son statut d’élève, il est là pour se taire, apprendre et réciter ».
Le dossier du Café
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Programmesdupri[…]
Communiqué Afef
http://www.afef.org/blog/index.php?2008/02/2[…]
Communiqué Afef
http://www.afef.org/blog/index.php?2008/02/27/24[…]
Article La Croix
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2330033&rubId=788
Le nouveau programme de maths est inadapté selon R. Brissiaud
SpĂ©cialiste de la didactique des mathĂ©matiques, RĂ©mi Brissiaud analyse en finesse les nouveaux programmes du primaire. Il y dĂ©couvre un esprit Ă©troit (avec la remise en question de la libertĂ© pĂ©dagogique des enseignants) et une conception traditionnelle et peu exigeante des mathĂ©matiques. Dans l’ignorance des apports rĂ©cents de la recherche, ou mĂŞme des pratiques de l’enseignement des maths chez nos voisins, les rĂ©dacteurs des nouveaux programmes risquent de retarder l’apprentissage du calcul.  » Lorsqu’on l’examine Ă l’aune des connaissances scientifiques disponibles et des pratiques effectives dans les classes, on a envie de dire que le projet de programmes Darcos incite Ă une prĂ©cocitĂ© dangereuse dans certains cas et qu’il incite Ă un manque d’ambition dangereux dans d’autres ».
Sur le CafĂ©, lire l’article de R. Brissiaud
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/programmes_Briss[…]
Sur le site du Snuipp, article de Roland Charnay
« On peut prédire que le résultat, pour les élèves, sera inverse de celui affiché : plus de difficultés, moins de compréhension, une capacité d’initiative encore amoindrie et moins de goût pour l’étude des mathématiques… »
http://www.snuipp.fr/spip.php?article5349
La consultation
Le ministère a transmis aux inspecteurs d’acadĂ©mie les modalitĂ©s de la consultation organisĂ©e dans les Ă©coles pour permettre l’expression des avis des enseignants sur le projet de programme communiquĂ© Ă la presse le 20 fĂ©vrier.
D’ici Ă fin mars, une demi-journĂ©e sera libĂ©rĂ©e pour des conseils de maĂ®tres extraordinaires qui disposeront d’un document type Ă retourner Ă leur IEN qui devra faire remonter. Reste Ă savoir quels commentaires seront faits par les enseignants, et le niveau d’engagement que les enseignants y investiront…
Par ailleurs, sur le site du ministère, les parents sont invitĂ©s Ă donner leur avis sur les programmes en remplissant un formulaire traitĂ© par l’entreprise OpinionWay. Trois questions sont posĂ©es, dont une essentielle : « L’axe majeur de la rĂ©forme des programmes proposĂ©e par le Ministre de l’Education Nationale, Xavier Darcos, consiste Ă recentrer les apprentissages de l’Ă©cole primaire sur les savoirs essentiels (lire, Ă©crire, compter). Selon vous cette rĂ©forme va plutĂ´t dans… le bon sens; le mauvais sens; Ni l’un ni l’autre ». Une bonne question ?
La consultation grand public : 3 questions
http://survey.newpanel.com/gkws/cgi-bin/newforpar/cgi.pl?XX_NXT[…]
La consultation commence
La consultation des enseignants sur les nouveaux programmes du primaire a dĂ©butĂ© dans les Ă©coles. Selon les circonscriptions elle s’Ă©tale jusqu’Ă la fin du mois. Le questionnaire type demande si « le programme est suffisamment clair », en rĂ©fĂ©rence Ă un des objectifs revendiquĂ©s par cette rĂ©forme, quels en sont les points forts et les points Ă amĂ©liorer.
Le questionnaire
http://www2.ac-lyon.fr/etab/ien/rhone/venissieux-nord/spip.php?ar[…]
Vu de loin : Les Etats-Unis découvrent que les fondamentaux ne sont pas primordiaux…
Les fondamentaux sont-ils primordiaux ? C’est la question posĂ©e par l’association amĂ©ricaine Common Core. Après 20 ans de politique scolaire axĂ©e sur les fondamentaux (maths, anglais) elle a relevĂ© les Ă©normes lacunes des jeunes AmĂ©ricains dans le domaine de la littĂ©rature, de l’histoire, de la citoyennetĂ©. Ainsi un quart d’entre eux ignore qui est Hitler. Un jeune sur trois ne connaĂ®t pas les bases de la dĂ©mocratie amĂ©ricaine. Or pour Common Core l’Ă©cole doit aussi former des citoyens.
L’Ă©tude fait le lien entre la mise en place du système de tests (l’accountability) systĂ©matiques, renforcĂ©s par la loi No Child Left Behind, et cette situation. Les enseignants ont en effet Ă©tĂ© contraints de se focaliser sur les tests, liĂ©s au financement des Ă©coles , aux dĂ©pens des matières « inutiles ». Ainsi de 1998 Ă 2004, l’horaire d’histoire et d’Ă©ducation civique a baissĂ© en moyenne de 22% au bĂ©nĂ©fice del’anglais. Une Ă©tude assez intĂ©ressante au moment oĂą le système amĂ©ricain fascine.
L’Ă©tude