Présentée en CSE le 18 juin, la circulaire d’application de la réforme du collège est publié eau Bulletin officiel du 2 juillet. Par rapport au texte présenté le 18 juin, on observe une modification de taille. Le paragraphe qui invite à prévoir des temps de réunion dans les emplois du temps des professeurs est rédigé de façon moins impérative. La circulaire annonce la nouvelle politique d’évaluation qui devrait être un objectif de la prochaine année.
Une circulaire pour convaincre
La particularité de ce texte c’est qu’il consacre des paragraphes entiers à tenter de convaincre les enseignants des avantages de la réforme alors qu’il est juste censé l’appliquer. Ainsi la circulaire fait le décompte des heures affectées au collège et prend le soin de souligner la différence avec l’ancien collège.
Le rôle des personnels d’encadrement a été réécrit. La formule « L’évolution des pratiques pédagogiques au service de la réussite de tous les élèves s’appuie également sur les compétences des personnels d’encadrement (personnels de direction et d’inspection) » est devenue : « Les personnels d’encadrement (personnels de direction et d’inspection), pleinement investis dans leur rôle d’animation des équipes pédagogiques, sont également des points d’appui essentiels pour une évolution des pratiques pédagogiques au service de la réussite de tous les élèves », ce qui est un peu moins directif.
Un pas en arrière sur les nouvelles réunions d’enseignants
Mais la principale modification c’est la nouvelle rédaction d’une phrase qui a fait du bruit. « Le travail en équipe s’appuie notamment sur les instances collégiales existantes et sur des temps prévus dans l’emploi du temps des enseignants dans le cadre de leurs missions liées au service d’enseignement », disait l’ancienne rédaction du 18 juin. La toute première version qui n’envisageait pas ces réunions. « En fonction des besoins exprimés par les équipes, les chefs d’établissement doivent s’employer à dégager des plages horaires libres communes, qui facilitent le travail collectif, car elles sont anticipées et placées sur des temps compatibles avec l’organisation personnelle de chacun », écrit la circulaire.
Concrètement les principaux ont parfois anticipé sur le texte comme cela nous a été signalé. Pour les enseignants se posera la question de participer à des réunions de travail qui s’ajoutent aux heures d’enseignement et qui ne sont pas rémunérées. On notera que la nouvelle rédaction ne fait plus allusion aux « missions » des enseignants c’est à dire à l’interprétation du nouveau décret sur les obligations de service qui rendrait ces réunions obligatoires.
La finalité du texte reste la même mais la rédaction est nettement moins injonctive. Elle sous entend qu’un besoin ait été exprimé par les équipes pédagogiques.
Le rôle des différents conseils
Les autres paragraphes reprennent le texte présenté le 18 juin. La nouvelle rédaction rappelle l’organisation des enseignements prévue par la réforme entre enseignements communs et complémentaires, et enfin enseignements de complément. La circulaire définit précisément le rôle de chaque conseil : d’enseignement, pédagogique et d’administration. Le conseil pédagogique, qui reste nommé par le chef d’établissement, « formule des propositions quand aux modalités de l’accompagnement personnalisé – soutien, approfondissement, méthodes de travail – et de regroupement des élèves, que le chef d’établissement soumet ensuite au conseil d’administration. Il est saisi pour avis sur l’organisation des enseignements pratiques interdisciplinaires ». Le conseil d’administration (CA) « répartit la dotation horaire supplémentaire mise à la disposition des établissements entre les moyens nécessaires à la constitution de groupes à effectifs réduits, aux interventions conjointes de plusieurs enseignants et aux enseignements de complément ». L’offre d’accompagnement personnalisé (AP) , d’enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) sont présentés au CA.
La circulaire mentionne le fonctionnement différent du privé où le chef d’établissement décide l’organisation « en concertation avec les professeurs ». Le texte mentionne « une instance de concertation ».
Les EPI et l’accompagnement personnalisé davantage ouverts
La circulaire donne comme objectif aux EPI « une réalisation concrète, individuelle ou collective » qui peut être un exposé ou un livret. » Des heures professeurs peuvent être mobilisées notamment pour des interventions conjointes de plusieurs enseignants ». La nouvelle rédaction ouvre davantage les EPI à des non-enseignants, ce qui semble assez contradictoire avce la charge pédagogique forte qui leur est attribué. » La mise en oeuvre des parcours doit favoriser la participation d’autres personnels de l’établissement et les partenariats ». On a là un écho de pratiques qui ont été introduites parfois au lycée.
Le nombre d’EPI est au minimum de 6 pour chaque élève sur le cycle 4. Il y en a donc au minimum 2 par an, l’EPI « monde économique et professionnel » devant avoir lieu en 4ème ou 3ème. « Les enseignements pratiques interdisciplinaires peuvent être de durée variable (trimestrielle, semestrielle, annuelle), sur un horaire hebdomadaire de 1 à 3 heures. Un établissement peut combiner des enseignements pratiques interdisciplinaires de durées différentes. Par exemple : trois enseignements pratiques interdisciplinaires trimestriels de trois heures; deux enseignements pratiques interdisciplinaires semestriels de deux heures, et trois enseignements pratiques interdisciplinaires trimestriels de 1 heure; un enseignement pratique interdisciplinaire semestriel de trois heures, un enseignement pratique interdisciplinaire semestriel d’une heure, un autre de deux heures ».
La circulaire spécifie qu’une « thématique interdisciplinaire peut être suivie par un élève chaque année du cycle 4″ ce qui vise les langues anciennes et régionales. Mais, » les élèves qui bénéficient d’un enseignement de complément doivent être répartis dans plusieurs classes, afin d’éviter la constitution de filières sur la base de ce choix ».
L’accompagnement personnalisé peut être pris en charge dans toutes les disciplines. » Les professeurs documentalistes, ainsi que les conseillers principaux d’éducation, ont naturellement vocation à apporter leur expertise dans sa conception et à participer à sa mise en oeuvre », ajoute la nouvelle rédaction.
D’une façon générale, le texte reprend des idées que l’on retrouve dans la réforme du lycée : donner la possibilité de brasser les élèves en de nouveaux groupes ignorant les classes, de faire intervenir des personnels très variés dans ces enseignements. La réforme applique cela alors qu’on n’a aucune évaluation sérieuse du lycée si ce n’est que cette réforme n’a pas apporté d’améliorations visibles dans les résultats ou l’orientation. Varier les temps et les intervenants a posé pas mal de problèmes dans beaucoup de lycées avec des élèves plus âgés que les collégiens. Comment cela sera -t-il vécu au collège ? Cela devrait par contre simplifier la gestion des personnels.
Les langues étrangères et régionales
La circulaire étend aux langues régionales la possibilité de continuer en 6ème, à coté de l’anglais, cette langue quand elle a été commencée à l’école. Le mécanisme n’est pas automatique mais possible. Dans ce cas l’élève a 4 heures dans la langue continuée et 2,5 h d’anglais. Là aussi les élèves ne doivent pas être regroupés en filière. » L’organisation de l’apprentissage de la deuxième langue vivante en une séquence d’une heure et deux séquences de trois quarts d’heures est à privilégier. »
Les sciences et les arts
La circulaire précise que l’EIST peut être étendu en 5ème ce qui est un net renforcement mais reste une possibilité proposée au choix de l’équipe. De même le regroupement des disciplines artistiques est une possibilité offerte aux enseignants qui doivent manifester un « accord explicite ».
Des séquences de 90 minutes recommandées
La circulaire revient sur les pondérations horaires. » L’établissement peut moduler de manière pondérée la répartition du volume horaire hebdomadaire par discipline, dans le respect à la fois : du volume horaire global dû à chaque discipline d’enseignement obligatoire pour la durée du cycle, du volume horaire global annuel des enseignements obligatoires dû à chaque élève, des obligations réglementaires de service des enseignants. La modulation de la répartition du volume horaire hebdomadaire est fixée pour la durée du cycle. La répartition du volume horaire doit rester identique pour tous les élèves d’un même niveau. Toutes les disciplines d’enseignement obligatoire sont enseignées chaque année du cycle. » Une phrase vante toujours des séquences de 90 minutes. « L’établissement peut réfléchir à la mise en place d’une organisation du temps scolaire visant à réduire dans la journée et la semaine le nombre de séances, afin de limiter le morcellement des temps d’apprentissage. Des séquences d’1h30 peuvent constituer des temps d’apprentissage efficaces ».
Le plan de formation dans le public et le privé
La circulaire donne des détails sur la formation des équipes. » Dès le début de l’année scolaire 2015-2016, les personnels de direction et les inspecteurs territoriaux bénéficieront d’un plan d’accompagnement spécifique dans chaque académie ». Viendront ensuite en janvier la formation des membres du conseil pédagogique . Et seulement plus tard celle des autres professeurs. La formation durerait 4 ou 5 jours, chaque établissement établissant des emplois du temps pour que chaque enseignant puisse en bénéficier par roulement sans interrompre les cours. » La formation des enseignants et conseillers principaux d’éducation se déploie en plusieurs vagues, afin de ne pas mobiliser tous les enseignants d’un collège en même temps ».
Sur ces 5 jours , la formation devra aborder pas moins que » l’appropriation des nouveaux programmes de cycle ; la mise en place des nouveaux temps d’enseignement : enseignements pratiques interdisciplinaires, accompagnement personnalisé, groupes à effectifs réduits ; la différenciation pédagogique ; la pédagogie de projet ; les usages pédagogiques du numérique, en lien avec la mise en œuvre des programmes ; les pratiques d’évaluation des acquis des élèves ».
» Dans l’enseignement privé sous contrat », ajoute la nouvelle rédaction, « un abondement des moyens de formation à hauteur de celui de l’enseignement public sera réalisé. L’abondement de ces moyens spécifiques sera fléché vers des actions de formation dédiée à la réforme du collège. Les chefs d’établissement seront invités à participer aux journées de formation destinées aux personnels de direction en début d’année scolaire 2015-2016. »
L’évaluation le prochain défi
Un peu plus prudente dans sa rédaction que la mouture précédente, la nouvelle circulaire doit permettre aux directions et aux enseignants d’anticiper la mise en place de la réforme. C’est justement ce que veut éviter l’intersyndicale. La circulaire annonce aussi la « nouvelle politique de l’évaluation des élèves présentée prochainement ». Voilà pour l’intersyndicale un autre défi.
François Jarraud
La circulaire
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=90913
Le texte précédent
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/06/19062015Article6357[…]
Réforme du collège : Le DOSSIER
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2015ReformeCollege.aspx
C’est sur les professeurs principaux et les chefs d’établissement que reposera la réalité des actions engagées pour le « parcours d’avenir » qui devient obligatoire à la rentrée 2015 au collège et au lycée. De nouvelles réunions seront obligatoires. C’est ce qu’annonce le référentiel publié au Bulletin officiel du 9 juillet.
Préparer l’orientation
Selon le référentiel » ce parcours se fonde sur l’acquisition de compétences et de connaissances relatives au monde économique, social et professionnel, dans le cadre des enseignements disciplinaires et des formes spécifiques d’enseignements diversifiés, tels l’accompagnement personnalisé au collège et au lycée, ou les enseignements pratiques interdisciplinaires au collège ou encore les périodes de formation en milieu professionnel dans la voie professionnelle. L’ancrage dans les enseignements doit permettre à l’élève, d’acquérir les compétences et connaissances suffisantes pour se projeter dans l’avenir et faire des choix d’orientation raisonnés et éclairés ».
Le parcours vise donc à avoir une bonne compréhension du monde économique et des métiers, à accompagner les élèves dans leur orientation et à assurer » une plus grande ambition professionnelle et sociale ». » Le parcours est un processus guidé et progressif qui offre à chacun la possibilité, par la découverte et l’expérimentation, de mobiliser, développer et renforcer ses compétences ». Il aura aussi le souci de lutter contre les stéréotypes de genre (le texte parle de stéréotypes « sexués et sociaux ») dans l’orientation. Il s’ancre dans les disciplines. Il s’adresse à tous les élèves de la 6ème à la terminale.
Le parcours utilise les temps d’enseignement
Au collège, » l’élève s’informe des possibilités de formation et des voies d’accès aux divers champs professionnels qui s’offrent à lui après le collège ». Au lycée, » si les enseignements disciplinaires y concourent, le parcours Avenir trouve naturellement sa place dans l’accompagnement personnalisé, dont l’un des objectifs est de favoriser la maîtrise par l’élève de son parcours d’orientation et dans les enseignements d’exploration en classe de seconde générale et technologique. Le conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL) peut être consulté quant à l’application du parcours Avenir ».
Le référentiel précise que » Les enseignants utiliseront les contenus d’enseignement de leurs disciplines et/ou des travaux transdisciplinaires pour développer cette culture commune ». Le parcours devra aussi développer le sens de l’engagement et de l’initiative. Le parcours s’appuiera sur » la mise en place de temps forts, au collège comme au lycée, pour valoriser l’acquisition de ces registres de connaissances et permettre à l’élève de rendre explicites les éléments de réflexion sur ses choix d’orientation. Dans le prolongement de la journée de découverte du monde professionnel mise en place par chaque établissement ».
Des réunions ponctuelles prévues dans l’organisation de l’établissement
Les acteurs sont nombreux mais le référentiel met l’accent sur deux d’entre eux. » Le chef d’établissement joue un rôle essentiel. Il impulse et veille à la mise en œuvre du parcours en déclinant de façon opérationnelle les différentes étapes et actions à chaque niveau scolaire ; le professeur principal assure le suivi du parcours de l’élève en lien étroit avec les familles, l’équipe pédagogique, le conseiller d’orientation-psychologue (COP) et le service médico-social. Chargé d’animer l’équipe pédagogique de la classe, il organise des échanges avec la famille et l’équipe éducative, il favorise le concours des différentes disciplines au projet ». Les professeurs sont tous invités à y participer dans leur enseignement.
Et pour que ça marche, le référentiel précise que » l’ensemble des acteurs cités ci-dessus se réunit ponctuellement au sein d’une équipe pluriprofessionnelle, animée par le chef d’établissement ». Pour cela il faut » une prise en compte dans l’organisation de l’établissement ».
Le référentiel donne des exemples de « démarche positive » dans la mise en oeuvre dans le nouveau socle. Ainsi, au lycée, » encourager et généraliser la découverte des organisations (entreprises, collectivités locales, associations) grâce à des périodes d’observation (article L. 332-3-1 du code de l’éducation) des visites, des interventions de professionnels ou des stages réalisés pendant les vacances scolaires, en particulier pour les élèves de seconde. »
Le référentiel
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=91137
Moins précis, moins contraignant que le parcours Avenir, le référentiel du parcours d’éducation artistique et culturelle est publié au B.O. du 9 juillet. Applicable dès la rentrée 2015, il exige, de l’école au lycée, une coordination entre tous les acteurs internes ou externes à l’Ecole qui semble bien difficile…
« Le parcours d’éducation artistique et culturelle est l’ensemble des connaissances acquises par l’élève, des pratiques expérimentées et des rencontres faites dans les domaines des arts et du patrimoine, que ce soit dans le cadre des enseignements suivis, de projets spécifiques, d’actions éducatives. Son organisation et sa structuration permettent d’assembler et d’harmoniser ces différentes expériences et d’assurer la continuité et la cohérence de l’éducation artistique et culturelle à l’École », explique le référentiel publié au BO du 9 juillet.
Il s’organise donc autour de rencontres, de pratiques et de connaissances. « À l’école primaire et au collège, l’éducation artistique et culturelle se fonde sur les enseignements obligatoires auxquels elle ne peut pourtant se limiter… Le parcours est construit conjointement par l’ensemble des acteurs impliqués dans l’éducation artistique et culturelle et par l’élève lui-même ». Il comprend des enseignements et des « projets » « points forts marquants et mobilisateurs ».
» Au côté des enseignants et en étroite collaboration avec eux, les partenaires apportent leurs compétences propres et leur expérience. L’enjeu du partenariat est d’aboutir à un projet éducatif partagé et construit ensemble, au centre duquel se trouve l’enfant », affirme le référentiel. Ce sont bien les partenaires qui devront financer les projets évoqués dans le référentiel.
» Il est important de prévoir un outil de suivi régulièrement renseigné qui garde trace des rencontres faites, des pratiques expérimentées et des références acquises », note le référentiel. « Cet outil n’est pas un outil d’évaluation des acquis des élèves, mais de valorisation du parcours accompli ».
Le parcours
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=91164
Adoptée le 10 avril en Conseil supérieur de l’éducation à une large majorité (51 voix pour, 25 contre), la réforme du collège divise les syndicats enseignants. Une intersyndicale hostile à la réforme regroupe le Snes, le Snalc, la Cgt et FO. Elle évoque dès maintenant l’hypothèse d’une grève à la rentrée des vacances de printemps. Quelle lecture de cette réforme font ses partisans et ses adversaires ? Frédéric Sève, secrétaire général du Sgen Cfdt et Roland Hubert, co-secrétaire général du Snes Fsu, répondent aux questions du Café pédagogique.
Le problème de l’Ecole française c’est l’échec massif des enfants des catégories populaires. La réforme du collège apporte-elle une réponse à cette situation ? Si oui , par quels moyens ?
F. Sève : Tout d’abord, une réforme n’est jamais qu’un cadre juridique. Ce qui fait réussir les élèves, ce sont les politiques éducatives que l’on mène sur le terrain. Ensuite, cette réforme du cadre de fonctionnement du collège n’est qu’un élément parmi d’autres. la mise en oeuvre du socle commun, l’élaboration de nouveaux programmes, la réforme de l’évaluation sont autant d’outils pouvant aider à la réussite éducative. L’un des avantages de la réforme actuelle c’est d’ailleurs que tous ces éléments soient transformés en même temps, ce qui permet une mise en cohérence qui a jusqu’à maintenant fait défaut. Cette réforme nous semble pouvoir être utile parce qu’elle fournit des libertés pédagogiques nouvelles pour les équipes éducatives, donc plus de possibilité de construire les dispositifs de nature à faire réussir leurs élèves, tels qu’ils sont.
Plus spécifiquement, l’échec des enfants de catégories populaires est notamment dû à l’incapacité du collège de prioriser dans les objectifs ceux qui sont fondamentaux pour tous. Les élèves les plus fragiles se perdent dans l’ensemble des connaissances et n’arrivent pas seuls à hiérarchiser, trier, classer et à mobiliser des ressources diverses. Ils n’acquièrent pas assez au sein de la classe les outils pour apprendre. D’autre part, ce sont ces jeunes qui ont des rythmes d’apprentissages différents, qui ont du mal à donner un sens aux travaux et aux apprentissages scolaires ou à anticiper les attendus des évaluations. Il ont besoin d’un accompagnement plus fort pour se repérer dans leur parcours scolaire.
La possibilité des moduler les apprentissages sur l’ensemble d’un cycle, d’adapter plus largement les moments ou l’on travaillera en petit groupe ou en animation, de prévoir des temps de mobilisation des compétences dans des enseignements pratiques interdisciplinaires, les temps spécifiques dévolus à l’accompagnement personnalisé sont des moyens mis à la disposition des équipes éducatives pour adapter le cursus scolaire au collège. Et dans la définition du socle commun, l’existence du domaine » des outils pour apprendre » est aussi un élément fort : la nation demande à la scolarité obligatoire de garantir ces acquis aux élèves.
La réforme développe l’accompagnement personnalisé. Au lycée il ne semble pas faire ses preuves. A quelles conditions permettrait il d’adapter vraiment le collège aux besoins des élèves ?
F Sève : Tout d’abord l’accompagnement personnalisé, ce n’est ni du soutien, ni de la remédiation. C’est permettre à l’élève de se repérer dans son parcours scolaire. Quand il ne fonctionne pas ou mal, c’est souvent parce qu’on n’a pas su lui donner son sens réel, ou parce qu’on lui a compté trop chichement ses moyens pour sauver les enseignements jugés plus « prioritaires ».
L’accompagnement personnalisé doit se faire dans le cadre de groupes limités en nombre, mais de groupes qui perdurent sur le cycle (en particulier sur le cycle 4) . Le professeur « référent » du groupe peut ainsi suivre les élèves pendant plusieurs années. il devient aussi le référent pour les familles. En 6eme les heures d’accompagnement personnalisées doivent permettre de travailler sur l’adaptation au rythmes et au méthodes du collège.
En tout cas il est essentiel d’aider les équipes qui ont en éprouveront le besoin à se saisir de ce type d’activité éducative. Il est essentiel pour la réussite des élèves.
R. Hubert : La difficulté scolaire est présente tout au long du système éducatif. Ainsi 20% des élèves qui arrivent en 6ème sont en état de difficulté scolaire, et ce sont majoritairement des enfants issus des milieux populaires. La loi de refondation l’a reconnu par la priorité au premier degré. La problématique au collège est différente parce que le temps presse beaucoup plus et que les écarts de réussite se creusent. Pour le SNES-FSU, le projet de réforme n’apporte aucune réponse aux élèves qui arrivent en grande difficulté au collège car il ne traite pas vraiment des conditions d’étude et ce n’est pas parce que l’on va « globaliser » des horaires de disciplines différentes que l’on leur permettra de trouver du sens.
L‘accompagnement « personnalisé », ponctuel, ne traite pas de ce qui se passe en cours, avec le reste du groupe. La où il faudrait du temps dans la relation pédagogique quotidienne, pour traiter de la question de l’estime de soi, pour redonner confiance et espoir, le projet, d’une certaine façon, sépare du cours le traitement de la difficulté ou des signes avant coureurs du décrochage sans vraiment « personnaliser » l’aide ou le soutien. L’accompagnement devrait être permanent dans la classe, mais cela supposerait de se donner les moyens de pratiques pédagogiques diversifiées dans la classe, d’une formation des enseignants qui intègre les dimensions épistémologiques des disciplines au lieu de tenter de les fondre dans des magmas que personne ne maîtrisera.
Une critique souvent faite sur le collège c’est l’explosion disciplinaire que subit l’enfant de l’école à la 6ème. La réforme introduit des pôles disciplinaires et les EPI. Les enseignants s’inquiètent eux du maintien de leur discipline par exemple en sciences ou en arts. Le bon équilibre vous semble t il atteint ?
R. Hubert : Cette critique est récurrente, sans qu’aucune étude n’en ait démontré la validité. La majorité des entrants en 6ème, en particulier ceux qui n’éprouvaient pas de difficultés particulières en CM2 s’y adaptent assez rapidement. La question centrale est celle de ce que l’on peut imaginer pour permettre aux collégiens de trouver une cohérence à tout ce qu’ils doivent apprendre. Tout fondre en un pôle regroupant plusieurs disciplines n’est pas la bonne piste, parce que trouver sens suppose aussi de comprendre les différentes approches disciplinaires. Les enseignants sont, à juste titre inquiets parce qu’ils voient bien que le projet remet en cause ces approches qui se complètent et, en conséquence, dénie la spécificité de la discipline qu’ils enseignent. Ce n’est pas une crainte d’origine corporatiste, mais profondément pédagogique.
F. Sève : Les EPI ne concernent pas la 6ème. Par contre, effectivement, les souplesses laissées au niveau local permettent d’envisager plus facilement des mises en oeuvre qui réduisent le nombre d’intervenants par semaines : en particulier la semestrialisation (qui peut être mise en oeuvre en arts plastique et education musicale par exemple, ou en SVT et Techno). Nous militons aussi pour le développement du travail en séquences longues qui donnent la possibilité de diminuer le « saucissonnage horaire ». Mais lutter contre « l’éclatement disciplinaire », cela peut se faire aussi en mettant en avant les objectifs éducatifs communs aux disciplines. C’est le sens du socle commun. « L’équilibre global » que vous évoquez est donc autant une question de pratique pédagogique que de comptabilité des heures disciplinaires.
Pour la ministre, les EPI devraient amener les enseignants à travailler en équipe et la pédagogie de projet faciliter les apprentissages. Les conditions sont-elles vraiment remplies pour un travail en équipe en dehors des REP+ ? La pédagogie de projet convient elle aux élèves en difficulté ?
R. Hubert : Les enseignants travaillent déjà en équipe dès lors qu’on leur en laisse la possibilité : temps de concertation, absence de prescriptions. Or le projet ne donne pas ce temps et impose une pédagogie particulière. Les EPI ne seront pas plus interdisciplinaires que ne l’étaient les IDD. Les enseignants n’ont pas attendu les prescriptions du projet de réforme pour mener dans leur classe des projets, pour varier les approches pédagogiques en fonction du niveau de classe, des contenus et du temps dont ils disposent. Bien sûr qu’il est indispensable de « mettre les élèves en activité », mais ce qui est dramatique dans le projet ministériel, c’est qu’il oppose théorique et pratique.
F. Sève : La pédagogie de projet convient particulièrement à des élèves qui ont des difficultés à comprendre le sens d’un travail scolaire car le projet permet de construire un sens. D’autre part, c’est une manière d’aborder la complexité. On a toujours tendance à penser qu’il faut segmenter et simplifier : c’est un tort qui empêche les élèves de s’emparer des processus complexes d’apprentissage.
Les EPI peuvent effectivement être un des outils du travail en équipe, mais la réflexion autour du socle et des programmes, la mise en oeuvre du parcours artistiques ou du parcours d’information et d’orientation sont autant de sujets qui obligent à travailler ensemble. Les conditions de ce travail d’équipe sont-elles réunies ? Il faut distinguer deux niveaux. Pour la préparation et la mise en oeuvre de la réforme – c’est-à-dire la préparation de la rentrée 2016 et l’année scolaire 2016-2017 – nous avons demandé à la ministre qu’elles soient facilitées par la mise à disposition de ressources de formation et en dégageant du temps de réflexion et de concertation. Mais le travail en équipe est de toute façon en train de devenir une dimension fondamental du métier. Il doit donc être un objet de la formation initiale des personnels, notamment des cadres. Et si c’est une dimension pérenne du métier, alors il doit pleinement reconnu et valorisé.
La réforme introduit de la marge dans les enveloppes horaires annuelles en permettant de renforcer une discipline sur une année. Cela inquiète des enseignants. Qu’en pensez vous ?
F. Sève : Les collègues s’inquiètent surtout parce que certains développent des discours passablement alarmistes voire mensongers. Ce qui important pour la stabilisation des équipes éducatives, c’est l’horaire global disciplinaire sur l’ensemble du collège et celui-ci n’est pas remis en cause. De même, l’important est que l’éventuelle modulation soit la même pour tous les élèves du collège, ce qui est également prévu. Mais il faut surtout arrêter de croire ou de faire croire que des équipes vont faire de la modulation pour le plaisir et sans le moindre discernement : c’est vraiment prendre nos collègues pour des irresponsables. Si certaines équipes se lancent dans des modulations, c’est qu’elles estiment y trouver un avantage compte tenu de leur environnement, de leurs élèves, de leur projet. Dans ce cas, je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de choquant de leur faire confiance et de leur donner la possibilité de s’organiser autrement. Au bout du bout, ce qui compte c’est l’acquisition des connaissances et des compétences du socle !
La réforme donne plus d’autonomie aux établissements. Mais finalement c’est l’autonomie de qui ? Ne risque-t-elle pas d’augmenter l’autorité des chefs d’établissement au détriment des enseignants ?
F. Sève : Autonomie, marges de manoeuvre, capacité d’agir : les textes donnent effectivement les clés – du moins certaines clés – aux équipes éducatives locales. Nous avons largement insisté pour que tous les choix soient bien arrêtés au niveau des instances de l’établissement, à commencer par le conseil pédagogique. Certes celui-ci n’est pas parfait dans sa définition et dans son fonctionnement, mais c’est le lieu de formalisation de la réflexion professionnelle collective. Ceux qui l’ont vilipendé lors de sa création, au nom de la liberté pédagogique individuelle, sont aussi ceux qui ne le trouvent aujourd’hui pas assez démocratique et s’alarment des libertés pédagogiques nouvelles que les textes règlementaires accordent.
Cela dit, il est certain qu’il faut revoir le fonctionnement des instances des EPLE : elles ont globalement été pensées pour un rôle essentiellement consultatif, les décisions étant prises de façon hiérarchiques et centralisées. Il nous faut les repenser pour la conduite de politiques éducatives décentralisées conduites par des équipes plus autonomes. c’est clairement un chantier que le Sgen-CFDT demande à la Ministre d’ouvrir. La formation des cadres va aussi être un élément important à l’avenir : nous demandons notamment que sur ces sujets, la formation des personnels de direction se passe avec les personnels enseignants dans les ESPE.
R. Hubert : On ne voit pas bien à quoi cela va servir. Qui choisira les disciplines « renforcées » et, en conséquence, celles qui seront « allégées » à un niveau donné. Et au nom de quoi ? C’est particulièrement inquiétant pour les disciplines qui ont un petit horaire hebdomadaire. Et l’amendement, déposé au CSE par une organisation syndicale qui soutient la réforme, précisant que les sciences expérimentales et la technologie doivent avoir au moins ½ H hebdomadaire n’est pas de nature à rassurer les enseignants de ces disciplines, puisque l’on peut imaginer de réduire l’enseignement d’une discipline à une demi-heure hebdomadaire.
L’établissement c’est qui ? c’est quoi ? le chef d’établissement ? le Conseil d’administration ? Si marge de manoeuvre il doit y avoir, ce doit être sur des moyens supplémentaires et c’est aux équipes pédagogiques d’en disposer en fonction de la réalité de la classe qu’elle a en charge. Ce n’est pas ce qui est prévu, malgré le discours rassurant de la Ministre. Il ne s’agit pas d’une autonomie pédagogique des enseignants et des équipes, mais bien d’une imposition de pratiques et d’une mise en concurrence, a priori, des disciplines. Le SNPDEN a clairement indiqué par ailleurs qu’il était opposé à tout fléchage des heures libres pour des raisons de gestion des ressources humaines de l’établissement sur le modèle de ce qu’a permis la réforme du lycée…et on parle de « réforme pédagogique » !
On accuse le SNES-FSU d’être méfiant par rapport aux chefs d’établissement, mais l’expérience vécue en début d’année dans les collèges REP+ préfigurateurs sur la pondération des heures des heures de cours montre bien que la tentation autoritaire du contrôle tatillon existe !
La ministre annonce 4000 postes supplémentaires au collège. Avez vous chiffré l’impact de la réforme en terme de postes ? Consommera t elle vraiment ces emplois ?
F. Sève : Sincèrement, nous ne sommes pas en mesure de faire un chiffrage exact. Il y a effectivement plus d’heures sur un « fuseau » (6ème-5ème-4ème-3ème), mais il y a aussi des dispositifs qui disparaissent, notamment les classes bilangues « hors cadre », c’est-à-dire qui ne sont pas dans la continuité d’un choix linguistique en primaire. Nous n’avons pas les moyens de chiffrer précisément le solde. Mais l’important est que ces 4000 postes soient inscrit au budget et affectés au collège. S’ils ne sont pas tous consommés par la réforme telle qu’elle est, nous ne manquerons pas d’idées pour utiliser le solde. On peut notamment accroître encore les marges professeurs ou les enseignements complémentaires.
La réforme supprime les dispositifs utilisés par certaines familles pour faire un chemin spécifique dans le collège unique : classes européennes, bilangues, options latin grec, classes CHAM (peut-être). Est ce une condition nécessaire ? suffisante ? à plus de mixité sociale ? Ou est ce inutile ?
F. Sève : Pour les classe cham ( musique et danse) elles continuent d’exister, ainsi que les classes internationales. Quand aux bilangues elles continueront d’exister pour la continuité des langues apprises au primaire.
Dans les choix opérées, la priorité pour nous c’est effectivement d’éviter les parcours sélectifs et ségrégatifs à l’interne des établissements ou entre les établissements, et de réorienter les moyens accordés à cette filiarisation inavouée pour permettre à tous les élèves d’accéder aux apprentissages essentiels. Si le collège n’était pas à ce point un lieu d’échec scolaire, de divergence des parcours scolaire, le besoin de stratégie d’évitement serait moins fort. Une meilleure réussite de tous les élèves est donc une condition nécessaire à plus de mixité dans les classes et les établissements, même si, bien évidement, la question de la mixité sociale va bien au delà.
R. Hubert : Il est difficile de chiffrer exactement ce que les suppressions de certaines bilangues, des classes européennes, des options Langues anciennes et de ce qui reste des IDD rapportera au ministère et aux recteurs. Ce qui est un peu effarant dans ce qui a été dit au CSE, c’est la conception que certains intervenants ont de certaines disciplines. La question centrale n’est pas la discipline enseignée, mais bien les usages sociaux des disciplines. Tuer l’enseignement des Langues anciennes parce qu’elles sont parfois instrumentalisées par certaines classes sociales n’est pas raisonnable, d’autant que l’on peut être certain que l’autonomie des établissements prônée par le projet ministériel sera un levier puissant pour les plus favorisés de créer leur parcours d’élite dans certains établissements, et inversement d’acheter une paix sociale dans les établissements qui concentrent les difficultés.
La réforme prétend changer réellement le collège. Mais comment changer les pratiques, les rituels, les cultures scolaires ? Suffit il de changer le management ? Quel accompagnement est il nécessaire ? La même réforme peut elle valoir pour tous les collèges de France ?
F. Sève : Il faut sortir de ce schéma qui voudrait que de nouvelles pratiques soient inventées « en haut » et imposées « en bas ». La vérité est que les « innovations » que la réforme rend possible existent déjà sur le terrain, qu’elles ont été imaginées par des professionnels dans des collèges et devant des élèves. C’est le « sommet », le cadre règlementaire qui est à la traîne par rapport à la base. La reforme permet surtout de sortir les projets qui se faisaient « en dépit » de l’institution ou avec toute la lourdeur de l’article 34, de rentrer dans la pratique normale.
Au delà, il faut organiser le partage des pratiques et des idées en valorisant ce qui se fait déjà , en donnant des exemples de possible, en épaulant les équipes (et pas en en faisant des caricatures). Il y a une culture professionnelle commune à constituer bien plus qu’une nouvelle doctrine à instituer. La réforme donne des outils pour s’organiser différemment plus qu’elle ne prescrit. C’est en tout cas comme cela qu’il faut la penser et la conduire. Pour nous, les collègues ne sont pas tenus d’innover, ce serait complètement absurde, mais ils doivent pouvoir choisir les éléments de la politique éducative qu’ils sont sensés conduire, et ne pas la subir.
La réforme s’applique à tous les collèges de France , mais elle donne les moyens de conduire des politiques éducatives différentes selon les besoins. C’est le schéma pour lequel nous nous sommes battus, parce que c’est le seul qui respecte le savoir-faire des personnels et nous donne une chance de faire mieux réussir tous les élèves.
R. Hubert : Comment changer les pratiques ? Un telle question posée ainsi est de nature à fâcher plus d’un collègue… Les pratiques ont changé depuis longtemps et c’est bien le problème : nos décideurs et « penseurs » qui murmurent à l’oreille de la Ministre ne semblent pas le savoir (il suffit de lire le dossier de presse de présentation de la réforme !). Les enseignants demandent du temps, de la confiance, le respect de leur liberté pédagogique, la reconnaissance de ce qu’ils ont déjà inventé et de la formation continue….et on leur propose des hiérarchies, la multiplication de conseils de tout ordre entraînant l’amoncellement de réunions inutiles et chronophages et l’imposition de pratiques pédagogiques. Pourtant tout le monde sait qu’un réforme pensée et construite contre les personnels qui la mettront en œuvre est vouée à l’échec. Tout cela un sentiment de gâchis immense, après 3 années de débats et discussions.
Propos recueillis par François Jarraud
Les déclarations syndicales :
Sgen Cfdt.
http://www.cfdt.fr/portail/sgen/action-syndicale/changer-l-ecole/comment-ren[…]
Sgen Cfdt
http://www.cfdt.fr/portail/sgen/action-syndicale/changer-l-ecole/qui-a-peur-d[…]
Snes Fsu
http://www.snes.edu/Reforme-du-college-28412.html
Snes Fsu
http://www.snes.edu/Le-choix-de-l-affrontement.html
Unsa Education
http://www.unsa-education.com/spip.php?article1900
Snalc
http://www.unsa-education.com/spip.php?article1900
Fo
http://www.fo-snfolc.fr/Conseil-Superieur-de-l-Education,1492