Finalement ce ne sera pas 1400 mais 2600 postes qui seront supprimés dans le second degré en 2019 a annoncé le ministère le 19 septembre. Ce quasi doublement en 24 heures n’est pas très surprenant : nous avions souligné un problème le 17 septembre. Il montre que le budget 2019 s’avère délicat à boucler. Malgré une augmentation de son budget vantée par JM Blanquer, le ministre devrait perdre les moyens d’une politique réelle de transformation de l’Ecole en 2019. Il aura du mal à faire face à la hausse inexorable des dépenses de son ministère. Et il ne pourra pas tenir ses promesses. En 2019, les enseignants paieront le prix de la disette budgétaire.
2600 postes supprimés dans le second degré
Le 18 septembre, le Café pédagogique posait la question de la sincérité de l’annonce ministérielle sur les 1400 postes enseignants supprimés. » JM Blanquer a détaillé la répartition des postes supprimés : 1800 postes dont 400 administratifs, les suppressions de postes d’enseignants concernant le collège et le lycée. Mais il annonce aussi des créations de postes dans le premier degré. Si la balance doit être de -1800 mais qu’il y a création de postes au primaire, alors combien de postes seront effectivement supprimés dans le second degré ? On pourrait bien se retrouver au delà de 1400, sur des chiffres nettement plus proches de ce que permet la réforme du lycée ».
La réponse a été donnée à l’AFP le lendemain. Le ministère annonce 1900 créations de postes dans le premier degré, 2600 suppressions dans le second degré, 400 dans les services administratifs et 600 postes dans le privé. On arrive à 1700 postes supprimés au total ce qui se rapproche du premier chiffre donné (à moins qu’il faille encore revoir à la hausse le nombre de postes supprimés dans le second degré ?). Le chiffre réel final devrait être supérieur : 3200 postes environ compte tenu des emplois qui resteront vacants.
Il n’y a pas rééquilibrage mais destruction de postes
Ce qu’on voit tout de suite c’est que le chiffre de 2600 rappelle exactement les suppressions de postes dans le second degré en 2018. Ce qui change c’est que cette suppression et celle des administratifs et du privé ne sont plus compensés par des créations équilibrées dans le premier degré. Il n’y a pas « rééquilibrage » entre le 1er et le 2d degré, mais simplement suppressions de postes de fonctionnaires comme le gouvernement l’a exigé. Le planning gouvernemental prévoit des suppressions encore plus fortes en 2020 et jusqu’en 2022. On peut donc penser que la saignée va augmenter et continuer jusqu’à la fin du quinquennat comme elle a eu lieu sous celui de N Sarkozy.
Comment une hausse de budget peut camoufler une baisse
Le 17 septembre, JM Blanquer nous avait dit que ces suppressions de postes (1800 à ce moment) relevaient « d’une saine gestion de notre système éducatif » et qu’elles n’étaient « pas faites pour baisser le budget puisqu’on l’augmente ».
Mais est ce bien réel ? On peut comparer l’évolutions du budget sur els trois dernières années. En 2017, N Vallaud Belkacem avait obtenu 3 milliards d’augmentation du budget de l’éducation nationale et cela lui avait donné des moyens pour ses réformes. En 2018, JM Blanquer s’est contenté de 1.3 milliard. Mais il a empoché environ 500 millions du fait de l’affaiblissement du fond de soutien pour le périscolaire (80% des communes passant aux 4 jours). Pour 2019, il annonce 800 millions d’augmentation, présentés comme « une des plus grandes augmentations budgétaires »). Mais il est clair qu’on est très en deçà de la hausse habituelle et que la marge de manoeuvre du ministre va être sérieusement réduite.
-213 millions pour les AESH
Regardons y de plus près. Sur ces 800 millions, on l’a appris par une fuite des Echos, 213 millions devront être pris pour payer les AESH qui vont passer dans le budget de l’éducation nationale en 2019.
Au passage on passera de 50 000 à 32 000 agents seulement. Ce changement renvoie à la grande réforme que préparent la Santé et l’Education nationale : la gestion complète des AESH par les établissements scolaires. Ce ne seront plus les personnels de santé des MDPH qui décideront de l’attribution ou non d’un auxiliaire personnel à tel enfant. Chaque établissement disposera d’un volant d’auxiliaires à répartir entre les demandes. Ce nouveau système, qui pourrait bien faire réagir les parents, a été exposé au Sénat en Commission le 30 mai 2018.
– 400 millions pour le GVT et le PPCR
Le glissement vieillesse technicité, lié à l’évolution normale des carrières des enseignants et autres personnels ponctionne environ 300 millions chaque année.
En 2019 il faudra y ajouter 100 millions résultant de l’application des accords PPCR que le gouvernement a promis de dégeler. On voit bien que des 800 millions de départ il ne reste guère que 200 millions de marge pour le ministre.
Encore faut il soustraire encore la prime de Rep+ promise elle aussi. Si on se base sur les 1000€ par enseignant (plus quelques non enseignants) qui vont en bénéficier, on arrive à environ 70 millions. Mais en 2019, ce sont 2000 € qui ont été annoncés dont la moitié « au mérite ». Difficile d’évaluer ce « mérite ». Mais gageons qu’une centaine de millions pourrait être consacrée à cette prime pour 2019.
L’inconnue du SNU
Il reste encore une inconnue : le déploiement du SNU, ce nouveau service national voulu par E Macron. Il a totalement été « oublié » dans les documents budgétaires présentés en juillet. Mais il relève bien des compétences ministérielles de JM Blanquer. Et à terme il devrait couter environ 2 milliards. Dès 2019 il pourrait bien absorber la totalité de ce qui reste des 800 millions et les 130 millions que vont permettre de dégager les 2600 suppressions de postes. Voire plus ?
2019 : les enseignants paieront la disette budgétaire
On arrive ainsi à une marge de manoeuvre nulle pour un ministère qui emploie près d’un million d’agents et qui s’adresse à 12 millions de jeunes et à leurs parents. En 2018, bien qu’il ait accepté la suppression des postes non pourvus avant les autres ministères et grâce aux dividendes tirés du passage à la semaine de 4 jours, JM Blanquer a connu une période heureuse.
2019 va être une année budgétairement très difficile pour JM Blanquer. Toute réforme de structure ne pourra être faite que si elle est budgétairement intéressante. La réforme territoriale, celle du lycée professionnel et du lycée, ne pourront plus cacher leurs objectifs de dégager des moyens.
Le budget aura aussi des conséquences directes pour les enseignants. Ce sont les diminutions horaires liées à la réforme du lycée, accompagnées d’un rééquilibrage forcé des postes entre lycée et collège, qui permettront d’absorber la croissance démographique forte en 2019 (+40000 élèves). Les classes resteront très chargées malgré une baisse des horaires d’enseignement au lycée qui aurait pu permettre de récupérer des moyens humains. Les enseignants débutants ne seront probablement pas augmentés. Et contrairement à ce qui a aussi été annoncé, le ministère n’aura probablement pas les moyens de dégager des volumes nouveaux d’heures supplémentaires. Et encore moins celui d’augmenter les enseignants.
François Jarraud
Article des Echos sur le budget du Travail