En proposant des parcours individuels à ses collégiens, Gaëlle Meunier, professeure d’anglais au collège Les Gayeulles de Rennes (35), a modifié ses pratiques pédagogiques. Inspirée des travaux d’Alan Coughlin sur la classe accompagnée, elle organise sa salle en différentes « zones suivant les activités langagières pratiquées ». Elle évalue les cahiers de ses élèves et mène avec eux des entretiens particuliers. « The best way to explain it is to do it ! » est son leitmotiv. Evalués uniquement par compétences, ses élèves ne peuvent poursuivre les unités d’enseignement proposées qu’une fois la tache réussie. Entretien avec Gaëlle Meunier qui a ouvert sa classe à d’autres enseignants lors de la semaine de la classe inversée (Clise).
Que pouvons-nous voir dans votre classe ouverte lors de la CLISE 2019 ?
Dans ma « Classe accompagnée » inspirée des travaux d’Alan Coughlin, on peut voir des élèves qui sont en construction de leur parcours de façon autonome et à leur rythme. Ils ont un nécessaire plan de travail et toutes les activités et ressources mises à leur disposition, à commencer par leurs pairs – et moi.
Comment concevez-vous les parcours individuels proposés à vos collégiens ? En quoi cela consiste-t-il ?
Ayant l’obligation institutionnelle d’un programme, je le découpe en 5 périodes de cours. Pour chaque unité, il y a une dizaine d’activités tournant en équilibre sur les 4 compétences langagières. Un bout de leçon se trouve dans chacune de ces activités. Aussi les élèves doivent-ils/elles passer par ces activités pour reconstituer le cours tel un puzzle.
Ils/Elles sont évalué.e.s sur 1 ou 2 compétences par unités. Le principe est que l’évaluation a lieu tous les 15 jours sur le même sujet : l’idée est de finir par réussir. Je ne fais pas de moyenne ; d’ailleurs, dans mon établissement, nous n’évaluons que par compétences dans toutes les disciplines. Je garde la meilleure performance obtenue. Une fois la tâche réussie, comme dans un jeu vidéo, on peut passer à la suite.
C’est à cette occasion que l’on s’aperçoit que seul.e.s les excellent.e.s élèves tiennent le rythme du programme. Les autres mettent plus de temps. Ce qui compte, c’est de finir par réussir. Après tout, tout le monde n’a pas ni marché ni parlé au même âge.
Quels avantages voyez-vous à travailler avec cette méthode ?
Dans une classe traditionnelle, le rythme est donné par l’enseignant.e qui impulse les temps qu’il/elle a définis pour « voir » le programme – et c’est d’ailleurs ce que font souvent les élèves : ils/elles « voient » le programme. D’ailleurs, les collègues disent bien qu’ils/elles doivent « faire » le programme. Dans ma classe, j’ai préparé ce programme et le met à la disposition des élèves à travers des activités de production, des tâches à effectuer grâce à des photocopies et/ou des activités numériques. Et c’est à eux/elles de « faire le programme », non plus de le « voir ». Et comme les élèves ne partent pas du même niveau au départ, ne progressent pas à la même vitesse, n’aboutissent pas au même point à la fin de l’année, l’attention est portée sur leur progrès, leur progression propre, sans compétition, avec la coopération de leurs pairs.
En terme de mise au travail, l’axiome est : Si je veux « voir le programme », il faut que je « fasse le programme ». « The best way to explain it is to do it ! » (Alice in Wonderland, chapter 3).
Le fait d’être déchargée de la transmission quotidienne des savoirs face à l’ensemble de la classe me permet de me mettre à disposition de plusieurs élèves ou d’un seul élève pendant l’heure. Mon rôle consiste alors à dénouer des nœuds, à pointer les erreurs pour qu’il/elle les surmonte, et surtout, prendre le temps de leur donner confiance pour les rendre autonomes.
Comment est organisée votre classe ?
Ma classe s’inspire énormément de classes de primaires, voire maternelles. Des zones suivant les activités langagières pratiquées (places individuelles pour les activités d’écoute, face à face pour celles d’expression orale, face aux posters d’aide grammatical pour l’écriture…), beaucoup de matériel à manipuler – « fait maison » pour la plupart (memory des verbes irréguliers pour leur mémorisation en classe, jeux de 7 familles pour l’expression orale en interaction), des imagiers, des livres illustrés, des dictionnaires unilingues illustrés… Les élèves sont en charge de ce matériel dont ils font l’inventaire à l’issue de chaque cours. Mon bureau est dans le coin derrière la porte d’entrée. J’y fais l’appel, j’y mène des entretiens particuliers – je corrige les cahiers le soir après la classe.
Les élèves sortent dans le couloir pour s’enregistrer sur tablettes. J’ai profité d’un appel d’offre du conseil départemental pour obtenir une flotte de 7 tablettes il y a 4 ans. Elles sont utilisées tout au long de la journée par mes élèves, mais aussi en italien, qui partage cette démarche aussi.
La liberté proposée aux élèves est-elle compatible avec un haut niveau d’effort fourni par les élèves ?
C’est un vrai changement de mentalité qu’il faut opérer. Les élèves ont souvent été formatés pour répondre aux obligations de la seule évaluation sommative périodique, et l’effort est souvent porté à l’approche de cette évaluation. Les familles attendant aussi un programme dans le manuel, comme dans le cahier. Il faut leur répéter -ou leur apprendre- qu’un manuel n’est pas du tout nécessaire, et qu’une trace écrite de classe à mémoriser ne constitue pas une pratique. La pratique des langues ressemble, à mon sens, beaucoup à l’EPS, l’éducation musicale… : il s’agit de disciplines de pratique.
Dans « ma classe accompagnée », la mise au travail est nécessaire au quotidien pour construire le cours et pouvoir réaliser les tâches demandées. A l’instar de l’EPS, si on ne pratique pas un mouvement, on ne saura pas le réaliser, mais on peut faire partie d’une équipe qui va nous aider. On peut prendre le temps de réussir, passer par des phases de découragement, demander de l’aide – c’est là où j’interviens- et puis finir par réussir. Même quand on est un élève qui, au collège, a fini par intégrer qu’il/elle était « nul.le » en anglais.
Plus qu’un haut niveau d’effort, c’est la persévérance qui prime.
Propos recueillis par Julien Cabioch
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