Qu’est-ce qui peut pousser des enseignants à prendre sur leurs congés pour assister à une université organisée par un syndicat ? Deux professeures des écoles font l’inventaire de ce qu’elles ramènent de la 13ème université d’automne du Snuipp. Florence Boudard est enseignante remplaçante ZIL à Loos-en-Gohello et Marianne Villerez remplit la même fonction à Rebreuve-Ranchicourt, toutes deux dans le Pas-de-Calais (62). Cela fait cinq ans qu’elles viennent à l’Université d’Automne. Chaque année, elles partent ensemble et prolongent le week-end de quelques jours de vacances ensemble.
Pourquoi venez-vous à l’Université d’Automne du SNUIPP ?
Florence : « ce que j’aime à l’Université d’Automne, c’est cette bouffée d’air pédagogique qui souffle sur nous, ce contact proche avec la recherche. Clairement, c’est de la formation. Les conférences te changent, tu digères puis tu changes tes pratiques pédagogiques. Il y a des échanges, de l’apprentissage, c’est une véritable démarche d’auto-formation, une ouverture d’esprit vers d’autres pratiques. A chaque fois, ça m’apporte une façon différente de voir les choses, de les aborder et ce lien avec l’université comme on n’en a plus si on ne le fait pas tout seul. »
Marianne : « ce qui m’a attirée dans l’Université d’Automne, c’est le lien avec la proximité des auteurs, des chercheurs. A la fac, tu ne peux jamais discuter avec les auteurs et tu leur fais dire ce que tu veux (notamment en littérature). Cela pourrait être la même chose pour les sciences de l’éducation. Mais la chance que nous avons, c’est que par exemple, j’ai lu Brissiaud mais je sais que je peux aussi lui parler. Pareil avec Meirieu, Gonthier, Brigaudiot,… Tu les vois, tu les entends, tu les touches, tu sympathises,… C’est génial. On a mangé avec Barry et Brigaudiot, elles sont proches du terrain au moins. »
Est-ce un investissement important pour vous ?
Marianne : « c’est même un véritable engagement ! L’essence et les péages, ce n’est pas donné. On a toute la France à traverser. On regrette aussi que l’Education Nationale ne te forme plus et que tu sois obligée de tout entreprendre avec tes propres deniers. C’est vraiment regrettable de le faire seul. »
Quelle utilisation de l’Université d’Automne faites-vous dans la pratique ?
Florence : « par exemple, je vais faire attention à bannir la chaîne numérique de mes classes. Elle n’a aucun intérêt selon Brissiaud. Il faut déjà que les élèves connaissent les cinq premiers nombres, voire jusqu’à dix et qu’ils soient capables de faire des décompositions. Il a insisté sur l’idée qu’il faut faire du comptage dénombré, ne pas garder la même configuration de doigts, comme le pouce et l’index pour faire deux, faire multiplier les décompositions aux élèves ».
Marianne : « pour moi, Dumas m’a interpellée avec la comptine des jours de la semaine associés à une couleur (avec le changement des rythmes scolaires, elle ne sera plus bonne de toute façon). Les enfants ont trop tendance à associer le jour à une couleur. Quant à la chaîne des anniversaires, en maternelle, il faut en fait la conserver d’une année à l’autre, la transmettre à la maîtresse d’après, ce qui n’est jamais dans nos écoles. Ces conférences nous donnent plein de petits outils, de petits trucs : le nombre de bêtises qu’on fait et de mauvaises habitudes qu’on donne à nos élèves !!!
Florence : « C’est sûr, ici, tu apprends que tu fais n’importe quoi en classe. Le problème, c’est celui des enfants moins bons… Les autres, ils s’en sortent quelle que soit la façon d’enseigner ou les outils mis en place… »
Marianne : « Ca nous bouscule aussi dans nos pratiques. Je me suis rendu compte qu’en suivant la progression d’un bouquin, tu peux devenir « ennuyeux ». L’avantage d’être ZIL, c’est qu’on peut apporter autre chose. On peut prendre le temps. On peut tester des approches qu’on n’aurait pas osé mettre en place en tant que titulaire de classe car on est écrasé par l’administratif et la lourdeur des programmes. »
Propos recueillis par Alexandra Mazzilli