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Roland Goigoux,a été instituteur et militant de la lecture avant de devenir enseignant à l’IUFM d’Auvergne, chercheur à l’université Blaise Pascal de Clermont Ferrand, au laboratoire ACTé (Activité Connaissance Transmission Education). « Prévenir et surmonter les difficultés de lecture » est l’axe de sa contribution qui démarre cet après-midi des rencontres.

Roland Goigoux pense qu’avant de s’intéresser à la singularité de chaque individu et de différencier sa pédagogie, comme le dit la doxa en formation, il vaut mieux s’intéresser d’abord au commun de tous, aux généralités, qui sont majeures tout de même entre les individus. « Le geste fondateur du métier d’enseignant, c’est comment « ça » apprend à lire, un enfant normal, commun, partagé. C’est ce qui fonde une intervention collective. Après, on pourra s’intéresser aux différences… Mais il ne faut pas se tromper de métier, quand on est enseignant on travaille avec un groupe ».

Il ajoute que le métier est en pleine évolution. « Il faut avoir des connaissances solides sur la nature des apprentisages, sur la nature des difficultés, ça veut dire être de plus en plus spécialiste de l’apprentissage. Avant, l’enseignant était spécialiste de l’enseignement… ». C’est une question de culture professionnelle en pleine mutation.

Puis il revient aux propositions qu’il avait faites au moment de la mise en place de l’aide personnalisée en 2008 et à sa typologie des 7 familles d’aides.

– exercer : historiquement, l’école est un lieu d’enseignement et d’étude pour s’exercer, s’entrainer

– réviser : ce terme n’est pas ringard, il est fondamental de systématiser, préparer une évaluation commune

– soutenir : accompagner, étayer la réalisation des tâches

– préparer : non pas faire la leçon et la refaire avec ceux qui sont en difficultés, mais bien plutôt faire une différenciation en amont, anticiper, du vocabulaire par exemple, réunir les conditions de compréhension

« Lorsqu’on donne aux élèves les moyens de mieux comprendre, on voit qu’ils sont plus attentifs… », précise-t’il. « Cela permet d’avoir des connivences avec le maitre, et on sait combien le côté psycho-affectif est important. »

– revenir en arrière : reprendre les bases, combler les lacunes

– compenser : enseigner des compétences requises mais non enseignées, du transversal ou du disciplinaire

– faire autrement…

Selon lui, c’est un faux problème que d’opposer la pédagogie aux didactiques. « Il faut tenir les deux et penser des formations qui articulent les deux. En fait, je ne suis pas sûr de vous parler d’aide mais d’enseignement… Penser à partir du collectif mais avec le souci de ceux qui ont le plus besoin de l’école pour apprendre. » Roland Goigoux tente de prendre au sérieux le slogan affiché du GFEN : « l’aide, comment faire pour qu’ils s’en passent… ». Il descend au coeur des apprentissages. En lecture, les compétences requises sont nombreuses et il faut toutes les enseigner :

– des compétences de décodage, automatisation, lecture à haute voix, syntaxe (du mot à la phrase)

– des compétences lexicales et syntaxiques, toutes les recherches montrent que les difficultés en compréhension viennent majoritairement du manque de vocabulaire, ce sont les plus importantes. Il faut travailler l’acquisition de vocabulaire, mais aussi la mémorisation et le réemploi

– des compétences encyclopédiques, des connaissances qu’on a acquises ailleurs

– des compétences narratives en réception (pour se fabriquer une représentation mentale) et en production (pour faire du rappel de récit). « C’est une activité fondamentale de reformulation, de traduction, avec ses mots à soi. Le faire comprendre en actes dans le pas à pas du texte ».

redire la phrase autrement, puis la phrase suivante et ainsi de suite, pour faciliter ensuite le rappel de récit.

– des compétences inférentielles liées à la compréhension des états mentaux, des personnages en l’occurence : ce qu’ils font et ce qu’ils cherchent à faire, quelles sont leurs connaissances, leurs intentions, leurs pensées – pour produire des inférences, assurer la cohérence textuelle. C’est une capacité à raisonner, réguler et contrôler sa compréhension.

Lectorino et Lectorinette, le nouvel outil de Cèbe et Goigoux, prend en compte ces nouvelles données sur le lexique et propose de nombreuses activité pour le travailler. Il paraitra en juin chez Retz.

En guise de conclusion, Roland Goigoux précise qu’il s’agit « d’aider les élèves à comprendre, à réussir puis à comprendre comment ils ont fait pour réussir puisqu’on les a aidés à réussir, redécrire des réussites en actes. On facilite la réussite mais surtout la compréhension de la réussite. »

Isabelle Lardon

Sur le site du Café