Comment donner l’eau à la bouche des échanges entre les cultures ? Pourquoi pas en montant un projet eTwinning qui viendrait tordre le cou aux stéréotypes sur la cuisine anglaise et française ? C’est le défi que se sont lancé Mathilde Bertaso, professeure d’anglais au collège Paulette Billa de Tinqueux (51), et sa partenaire britannique Laurence Lamini d’Ashton Park School à Bristol. Le but de « Cuisinons together » : combiner des recettes nationales pour créer des recettes originales comme le « bread and butter pudding with biscuits roses », alliant spécialité anglaise et biscuits régionaux. Pendant 10 mois, les élèves ont pu tester, sentir, goûter, innover, échanger, partager, comparer, mais aussi mener un travail linguistique sur les expressions idiomatiques propres à chaque pays ou sur le lexique culinaire anglais et français. Pour mettre davantage de piment dans leur projet, ils ont même invité un grand chef cuisinier de Reims. La pédagogie sera-t-elle plus forte que le Brexit ?
Comment vous est venue l’idée de mener un projet axé sur la cuisine? Qu’est ce qui vous a motivé dans cette thématique ?
J’avais déjà mené trois projets eTwinning sur le thème de la cuisine auparavant. Et ce avec des pays européens autres que le Royaume Uni : « Cooking the four seasons », « Europe’s ABC of superfoods » et « Europe sweet tooth ». J’avais pu remarquer que cette thématique intéressait fortement les élèves et facilitait la communication et les échanges culturels et artistiques entre eTwinneurs.
Comment avez-vous mis en place votre projet ?
Laurence Laminie était déjà ma partenaire anglaise sur eTwinning, l’année précédente, sur un projet qui traitait du harcèlement scolaire : « Agissons contre le bullying! » Notre collaboration s’est merveilleusement bien passée et nous avons décidé de continuer notre partenariat sur le thème de la cuisine. Nous avons échangé de nombreux mails sur nos boîtes personnelles et professionnelles pour trouver la problématique du projet, élaborer les différentes activités possibles avec leurs objectifs et leurs dates butoirs, et mettre en œuvre la tâche finale commune et collaborative.
Vous avez mené jusqu’à ce jour 10 projets eTwinning, presque tous ont reçu un label de qualité national et européen. Que retenez-vous de ce projet en particulier ? En quoi est-il différent des autres ?
Ce projet culinaire « Cuisinons together » a la particularité d’être un projet bilingue, en anglais (langue travaillée et utilisée par les élèves français) et en français (langue travaillée et utilisée par les anglais). Il était important pour nous de défendre les liens entre la France et l’Angleterre lorsque les médias ne parlaient que du « Brexit » … et les élèves ont apprécié de communiquer entre natifs des pays des langues étudiées en classe. De plus ce projet a permis de développer le sens critique des collégiens sur les stéréotypes culinaires. Ils ont appris à remettre en cause les préjugés qu’ils avaient sur la nourriture anglaise et vice versa.
Quelles compétences (pédagogiques, culturelles, disciplinaires) vos élèves ont-ils acquises dans ce projet ?
Ce projet faisait partie intégrante de ma progression annuelle, c’est à dire que dans chaque séquence, il y avait une ou plusieurs tâche(s) à effectuer sur le Twinspace. Ce qui fait que les activités proposées avaient à chaque fois des objectifs communicationnels et culturels certes, mais aussi des objectifs sociolinguistiques (grammatical, lexical, phonologique …). Les élèves ont ainsi pu, par exemple, apprendre le comparatif et le superlatif en co-créant le logo du projet, travailler l’intonation des questions en interviewant les anglais pour évaluer le projet ou encore pratiquer et utiliser le vocabulaire de la nourriture et de la recette pour l’écriture de notre recette collaborative et originale. Ce projet a également permis de développer chez nos élèves leurs compétences artistiques et transdisciplinaires – des citations culinaires illustrées et une exposition (intitulée « Brandalism ») dans le hall du collège de boîtes de « marques » réalisées en arts plastiques par exemple – et des compétences numériques – manipulation du TwinSpace et de nombreux autres outils numériques et de nombreuses séances en salle informatique.
Quelles ont été les interactions directes entre les élèves des deux pays partenaires? Comment les élèves ont-ils vécu ces échanges?
Les élèves ont échangé entre eux sur les murs et profils de chaque eTwinneur et via le forum du Twinspace principalement, pour donner leurs avis sur les recettes respectives de chacun des pays mais aussi pour donner les réponses aux différents quiz proposés sur nos villes/régions par exemple. Ils se sont également envoyé des colis de gâteaux – nous avons ainsi pu ainsi déguster des gâteaux typiquement anglais et nous leur avons envoyé des cartes et des vidéos de remerciement. Enfin, il y a eu des échanges de cartes pour la nouvelle année ou Pâques et un mur Padlet créé pour clore le projet. Pour conclure, tous ces échanges ont créé des amitiés entre les eTwinneurs qui ont pris de plus en confiance à parler dans la langue étrangère étudiée.
Vous avez utilisé un bon nombre d’outils numériques. Dans quelle mesure ont-ils facilité la réalisation de votre projet?
Les outils numériques permettent de dynamiser et valoriser les pages du projet. Ainsi nous avons utilisé, entre autres, Photofunia pour les présentations des pages, Issuu pour nos livres interactifs, Postermywall et Recite pour mettre en valeur nos exposés et recettes, Framindmap pour l’élaboration d’une carte mentale collaborative et Padlet pour échanger plus facilement entre nous sur un mur virtuel.
Vous avez fait appel à un chef cuisinier de votre région, Maxime de Luca. Qui est-ce précisément? Comment s’est organisée cette rencontre ? Qu’ont retenu les élèves de cette intervention?
Avoir un intervenant extérieur au collège est un plus pour notre projet. Qui plus est, il s’agit de M Maxime De Luca, un chef cuisinier passionné qui a fait ses études à Reims et qui a travaillé en Angleterre dans le passé. Celui-ci est gérant de l’Atelier De Luca à Reims où il donne des cours de cuisine. Il a donc l’habitude de transmettre sa passion, ses savoirs et savoir-faire, ce qu’il a gentiment fait avec mes élèves. Il a aussi expliqué l’importance de l’anglais dans son métier. Sa venue au collège a permis également de travailler en étroite collaboration avec les élèves de SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) qui ont ouvert, avec leur professeure en Hygiène et Alimentation, leur cuisine pour préparer ensemble la recette de notre gâteau unique de notre projet.
Comment a été créée la recette du gâteau unique ? Comment l’avez-vous réalisée?
L’idée de la recette du gâteau unique est venue des élèves eux-mêmes. Ils ont voulu créer « THE » recette du projet en mixant une recette anglaise avec un ingrédient fabriqué localement dans notre région : le « bread and butter pudding » avec le gâteau rose de Reims. Les recettes ont été co-écrites et traduites dans nos deux langues et réalisées et dégustées des deux côtés de la Manche. Cela a été une réussite ! La recette se trouve sur notre TwinSpace et nous acceptons avec plaisir de la dévoiler au plus grand nombre !
Envisagez-vous des prolongements ou de nouveaux projets portant sur cette thématique ?
Je continue de travailler avec Mme Laminie cette année scolaire 2017-2018 sur la thématique du harcèlement scolaire : le projet s’intitule « Lets’ not bully, soyons amis ! » Mais nous n’excluons pas de retravailler sur la thématique de la cuisine dans les années à venir et d’inviter d’autres partenaires européens à nous rejoindre dans cette aventure culinaire !
Propos recueillis par Anthony Riou