Claude Richerme-Manchet entend faire réfléchir ses partenaires et collègues sur le « bien parler » et la diversité langagière. Il a décidé d’utiliser l’outil « radio » pour permettre à ses élèves de découvrir de nouvelles situations de communication… Même la CLIS y trouve son compte…
1. Quel a été l’origine (la personne, l’évènement, la rencontre…) de votre projet ?
Le point de départ du projet a été un conte pluriculturel écrit par mes élèves (l’an dernier, j’étais enseignante dans une classe de CRI avec donc des élèves nouvellement arrivés) et j’ai décidé de le mettre en voix afin de le diffuser sous forme de feuilleton sur une radio locale « Radio Active ». L’impact sur les élèves du point de vue de la motivation et l’exigence avec laquelle ils se sont lancés dans l’oralisation de ce conte m’a donné envie de prolonger l’aventure dans le cadre de mon nouveau poste, chargée de mission PPRE et langue orale, dans la circonscription de Toulon 2 avec l’accord de mon inspecteur. Plusieurs rencontres exceptionnelles avec des universitaires tels que Philippe Blanchet, Stéphanie Clerc ou Joachim Dolz ont nourri la réflexion autour de ce projet à la fois du point de vue de la langue orale souvent délaissée, mais également sur la question de la norme telle qu’elle est enseignée dans nos classes : « Paroles d’écoles » est devenu une émission avec huit rubriques permettant de travailler différents types de texte tout en offrant aux élèves l’occasion de donner leur point de vue sur des sujets les concernant comme le rap, de partager avec les auditeurs des recettes de leur pays, de se lancer des défis d’écriture entre écoles… L’idée est de réfléchir ensemble sur les représentations que nous avons tous du « bien parler », aussi bien enseignants qu’élèves, en incluant dans notre enseignement la diversité des pratiques langagières et culturelles présentes dans nos classes. Reconnaître la richesse de l’altérité et viser une meilleure maîtrise de la langue commune, le français, c’est l’enjeu que se sont fixés les douze enseignants des sept écoles toulonnaises engagées dans le projet.
2. Pouvez-vous décrire, du point de vue des activités menées avec les élèves, une situation dans laquelle vous avez vu un impact positif sur les apprentissages scolaires ou de la mobilisation des élèves ?
Dès que les enfants savent qu’ils vont parler à la radio, ils se surpassent ! Les textes sont écrits et la lecture doit être experte pour ne pas lasser l’auditeur. Les critères d’oralisation pour la radio ont été établi en classe par les élèves c’est à dire non seulement une lecture fluide et l’intonation mais aussi les différentes « accroches » pour les auditeurs. Pour cela, ils s’entraînent en classe, à la maison, dans la cour de récréation… Les enseignants ont noté que même les enfants en grande difficulté décuplaient leurs efforts pour être au top au moment de l’enregistrement.
3. Selon vous, quel est/a été la plus belle réussite de ce que vous avez pu mettre en oeuvre ?
Dans l’équipe, il y a une CLIS qui participe ardemment au projet. Ces enfants ont besoin de retrouver l’estime de soi, la confiance en eux et d’être valorisés. La radio a permis cela. Pour tout le groupe, c’est une des plus belles réussites.
4. Et a contrario, une difficulté persistante, un écueil que vous n’aviez pas mesuré complètement ?
La programmation ! Elle doit être bien anticipée pour permettre aux enseignants d’intégrer le projet dans leur progression de classe. Les émissions ont lieu tous les quinze jours pour laisser le temps à tout le monde de travailler correctement. Malheureusement, c’était sans compter les ponts, dont je n’ai pas tenu compte, ni les séjours en classe de neige et autres ; d’où certains moments de panique pour les collègues ! Et travailler dans la précipitation donc sans plaisir, ce n’est pas l’esprit du projet. Mais ce sont les désagréments d’une première année de projet, n’est-ce pas? On expérimente, on rencontre des obstacles et…on progresse!
5. Pouvez-vous nous faire partager une anecdote significative d’un comportement, d’une réaction d’élève(s) au cours d’une des phases de votre travail ?
Nos classes concernent essentiellement des élèves du réseau ECLAIR pour lesquels nous connaissons l’écart important qu’il y a entre la langue normée de l’école et leurs pratiques langagières ordinaires. Souvent, cet écart s’accompagne d’une incompréhension sur ce que l’on attend réellement d’eux et crée un manque de motivation pour les apprentissages. Lors de l’interview du président de la Protection Civile à Toulon, au moment de l’enregistrement, une élève de cm2 bute par deux fois sur une question ; son camarade, faisant abstraction de la présence de la maîtresse, ordinairement la personne qui « corrige », lui propose d’inverser le sujet pour rendre plus fluide la phrase. Et ce fut efficace ! Je vous laisse imaginer la tête de tous les adultes présents… Ce sont ces moments précieux qui nous encouragent à continuer dans cette démarche. J’en aurais beaucoup d’autres à vous raconter de ce genre.
6. Si c’était à refaire, pouvez vous citer une phase du projet que vous pourriez modifier pour le rendre plus « efficace » pour les élèves ?
Sûrement prendre plus de temps dans la classe pour écouter et analyser les émissions après leur diffusion.
7. Un point de vue, une remarque que vous souhaiteriez partager avec les lecteurs du Café Pédagogique ?
A travers ce projet, nous avons vu des élèves retrouver le sourire dans les séances de français, améliorer sensiblement leurs compétences en langue orale et écrite, et surtout prendre conscience de leur propre fonctionnement langagier. De plus, nous développons le vivre ensemble à travers ce projet collectif car les élèves sont amenés à respecter la parole de l’autre, à s’écouter, à s’entraider. C’est toute la magie de la radio qui génère ces effets positifs !
A écouter :
www.radio-active.net, onglet « Paroles d’écoles », puis « podcast »