En apparence rien ne bouge. Mais le flux des candidats et de leurs familles trouve son chemin dans les multiples déclinaisons du bac 2014. A quelques jours du début des épreuves, le 16 juin, le ministère fait une présentation traditionnelle de l’examen phare de l’École française. Mais, à l’image du système éducatif, le bac progresse aux extrêmes. Les bacs professionnels et la série S attirent davantage de candidats quand les autres séries plongent dans l’ombre.
Jour de gloire rue de Grenelle ! Chaque année, le ministère de l’éducation nationale peut sortir ses batteries de chiffres, plus impressionnants les uns que les autres. Le bac est un monument national alignant 686 907 candidats, auxquels on pourrait ajouter les 477 656 jeunes qui vont affronter les épreuves anticipées de première. Le bac c’est aussi une armée de 170 000 correcteurs et interrogateurs, armés de 3 500 sujets, affrontant 4 millions de copies. Aucune ne devra être perdue. Toutes devront être rendues à l’heure dans les 4 430 centres d’examen. Florence Robine, directrice générale de l’enseignement scolaire, annonce le 11 juin ces chiffres. Et c’est toute la puissance de l’éducation nationale qui est présentée au pays.
Le bac 2014 c’est aussi la première génération de candidats formés depuis la réforme du lycée général. Mais ce n’est pas un sujet de discussion pour l’institution qui n’a toujours pas décidé ce qu’elle devait faire d’une réforme critiquée. Ce qui est certain c’est que les épreuves du bac ont peu évolué. On retrouve en général les mêmes disciplines et les mêmes types d’épreuves. Florence Robine met l’accent sur quelques changements. « Il y a de nouveaux types d’épreuves », dit-elle. « Elles évaluent des démarches de recherche et projets » et même des travaux collectifs. En dehors des TPE, cela ne concerne que quelques soutenances de projets dans quelques bacs technologiques. Un changement nettement plus important a eu lieu en langues vivantes, avec notamment une épreuve orale. Mais ces épreuves sont contestées par des enseignants et il n’en sera pas question. « Avec ces nouvelles épreuves nous préparons mieux les jeunes aux défis des études supérieures », explique F. Robine. IL faudra donc encore attendre pour faire le bilan de cette réforme.
Si les épreuves du bac restent immuables, de vraies mutations s’opèrent dans les flux de candidats. Les familles et les jeunes optent davantage pour les extrêmes du système éducatif. En haut, les séries générales progressent lentement, gagnant 3 000 candidats. C’est essentiellement au bénéfice de la série S qui progresse de 3%. La série L continue son déclin. Elle passe de 58 000 à 54 000 candidats (-6%) et ne pèse plus que 8% des candidats au bac. Si la réforme du lycée avait pour but de rééquilibrer les filières, c’est loupé. A ce rythme là la série S aura disparu à la fin de la décennie. A l’autre extrémité du bac, les filières professionnelles connaissent une forte progression avec 20 000 candidats supplémentaires (+12%). Pour Florence Robine c’est le résultat de la politique menée par les ministres. Avec la réforme du bac en 3 ans, les jeunes sont plus nombreux à choisir la voie professionnelle pour avoir un bac et continuer dans l’enseignement supérieur. Entre cette base et le sommet du bac S, c’est morose.
Ne pas oublier les inégalités
« On constate qu’il y a encore de très grandes inégalités dans notre pays dans l’accès au bac général et technologique ou même professionnel ». Présentant le bac en juin 2013, Jean-Paul Delahaye, alors directeur de la Dgesco, avait mis l’accent sur les inégalités sociales d’accès au bac. Florence Robine a évoqué plus brièvement le sujet le 11 juin, rappelant que 27% des jeunes n’obtenaient pas le bac. Alors que le bac semble être bradé à tout le monde, la réalité est bien différente.
Qui sont ces exclus du bac ? Ce sont les enfants d’inactifs, d’ouvriers non qualifiés et d’employés de service. Ainsi sur la génération entrée en 6ème en 1995, 13% des enfants d’inactifs n’ont même pas atteint la 3ème contre 0,4% des enfants d’enseignants. 9% des enfants d’inactifs ont obtenu un bac général contre 72% des enfants d’enseignants.
« Tout le monde n’a pas le bac. Tout le monde n’entre pas en université. On a des marges de progression importantes chez les jeunes d’origine populaire », rappelait JP Delahaye il y a un an. C’est probablement toujours un souci pour Florence Robine.
François Jarraud
Le dossier de presse du bac 2014
http://www.education.gouv.fr/cid80185/baccalaureat-2014.html
Les sujets du 17 juin
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/06/18062014Article63[…]
Les sujets du bac du 18 juin
Retrouvez les tous : Français Série L, Français séries ES et S, Droit et économie série STMG etc.
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/06/19062014Article63[…]
Tous les sujets du bac du 19 juin
Retrouvez les sujets des épreuves du bac 2014 : Maths série S obligatoire, Maths série S spécialité etc.
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/06/20062014Article63[…]
Les sujets du bac du 20 juin
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/06/20062014Article63[…]
Mise en avant par Florence Robine lors de la présentation du bac 2014, la croissance du nombre de candidats au bac professionnel est remarquable. 20 000 jeunes supplémentaires se présentent à cet examen. Pour Florence Robine, directrice générale de l’enseignement scolaire, cette hausse de 12% résulte du choix des jeunes qui optent davantage pour le professionnel en vue d’une poursuite d’études post bac. C’est ce que confirme le rapport de trois chercheurs du CREN (Pierre Yves Bernard, James Masy, Vincent Troger) réalisé pour le Centre Henri Aigueperse Unsa Education, publié en mars 2014. Il confirme les changements sociologiques amenés par la réforme du bac pro que de précédentes publications avaient attestés. Il montre aussi les retombées sur le métier enseignant.
« La première étape de nos travaux a mis en évidence une évolution de l’attitude des familles à l’égard de l’enseignement professionnel. En effet les résultats statistiques les plus significatifs de cette première enquête ont fait apparaître que 87% de ces nouveaux entrants en bac pro avaient demandé en premier choix l’orientation vers la voie professionnelle, que 81% se disaient satisfaits ou très satisfaits de leur orientation un mois après la rentrée, et surtout, que 59% déclaraient choisir le bac pro avec l’intention explicite de poursuivre des études après le bac », annoncent les auteurs. « Ces résultats semblaient aller à l’encontre des enquêtes précédentes qui montraient que les élèves vivaient majoritairement leur orientation en LP comme une orientation par défaut ».
La réforme a « normalisé » la voie professionnelle
Pour eux, « la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans oblige à repenser les notions de relégation et d’orientation par défaut, qui ont jusqu’à maintenant dominé les analyses sociologiques sur les LP. Les LP sont désormais vécus par les jeunes et leurs familles comme symboliquement moins stigmatisant qu’auparavant, à la fois parce que la durée du bac pro est la même que les autres, mais aussi parce que la poursuite d’études post-baccalauréat apparaît plus accessible, et comme nous l’avons vu, qu’elle le devient effectivement pour une proportion plus importante des bacheliers professionnels ». L’étude montre que la réforme pousse davantage d’élèves à envisager des études en post bac. Ainsi 53% des élèves en bac pro en 4 ans ont opté pour un emploi à la sortie du bac contre 35% des bacheliers en 3 ans. 65% des trois continuent des études post bac contre 47% des bacheliers en 4 ans.
Mais augmenté les inégalités
« Mais corrélativement, la réforme, en augmentant significativement le nombre de bacheliers dans chaque génération, accentue la marginalisation de ceux qui n’obtiennent pas le bac, et parce que la possibilité de poursuite d’études qu’offre le bac pro demeure sélective, difficile et souvent aléatoire, elle creuse aussi un second clivage entre ceux des bacheliers pro qui y accèdent et les autres », notent les auteurs. « La décision politique et sa mise en oeuvre par l’institution ont ouvert une nouvelle et réelle possibilité pour les familles populaires de conduire leurs enfants vers une formation supérieure ; ces familles se sont appropriées cette réforme pour contourner les difficultés de leurs enfants en enseignement général et développer des projets de promotion par la formation professionnelle ; les PLP ont joué le jeu de la réforme en s’investissant dans son application, malgré la surcharge de travail qu’à représenté cet effort, parce que leur identité professionnelle les pousse majoritairement à vivre le LP comme une seconde chance pour leurs élèves ; les origines sociales majoritairement populaires des familles n’ont pas empêché ce processus de réhabilitation de la voie professionnelle, mais elles ont favorisé le clivage entre celles qui ont suffisamment de ressources économiques et sociales pour exploiter favorablement cette chance, et celles dont les ressources insuffisantes ne permettent pas de les exploiter ou de trouver des possibilités de reconversion si les élèves échouent au bac ou abandonnent en cours d’études ».
La réponse : modulariser
Pour dépasser le problème de la formation en 3 ans, les auteurs proposent d’augmenter al modularité des parcours. « Une possibilité de réduire l’échec au LP réside probablement dans la modularisation des parcours. La délivrance du bac pro se faisant déjà en partie par unités capitalisables, il paraît envisageable de rendre les parcours du bac pro plus flexibles pour laisser le temps aux élèves qui en ont besoin d’une année supplémentaire »
Revoir le service des enseignants
A vrai dire ces résultats avaient déjà été communiqués par les auteurs dans deux publications dont on trouvera mention ci dessous. Ce qui est nouveau ce sont les recommandations pour les enseignants. « Il semble que cette réforme devrait être l’occasion de repenser les obligations de services des enseignants de LP en tenant compte de la diversité des charges de travail qui pèse sur eux et en cessant de minorer la rémunération des tâches qui ne sont pas effectuées en classe et devant élèves », affirment les auteurs. « La logique qui consiste à considérer que le travail enseignant se réduit à la préparation des cours, à leur réalisation et à l’évaluation des élèves est aujourd’hui à l’évidence obsolète dans les LP. Les PLP enseignent, mais ils accompagnent aussi leurs élèves dans la connaissance et l’expérimentation d’un univers professionnel, ils assurent une évaluation continue de leur travail, ils leur délivrent un diplôme et ils tentent de répondre à l’hétérogénéité de leurs besoins. Une telle accumulation de tâches ne relève plus de la seule mesure comptable des cours effectués. »
F Jarraud
L’étude
http://cha.unsa-education.com/spip.php?article72
Entretien avec V Troger
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2012/09/26092012Article63[…]
Le boom du bac pro
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2011/06/20_Bacpro.aspx
Sur le site du Café
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