Depuis son arrivée rue de Grenelle, on voyait Benoît Hamon écouter, discuter, défendre la réforme des rythmes auprès des maires et des parlementaires. Le 4 juin, le ministre de l’éducation nationale a montré un nouveau visage devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée. Durant très une longue audition, il a défendu des choix pédagogiques et « l’école du futur ». Qu’il s’agisse du socle, du numérique ou de l’évaluation, un nouveau ministre apparait.
« Je me considère comme un usineur des réformes engagées ». Mais, devant la Commission des affaires culturelles, le 4 juin, Benoît Hamon ne s’en tient pas à cette posture modeste de l’artisan qui finirait le travail d’un autre. Il ouvre pour la première fois ses propres chantiers et expose sa méthode.
Rythmes : Le décret Hamon peu utilisé ?
Certes le ministre est interrogé longuement sur les rythmes scolaires par les députés. Il confirme l’envoi d’une lettre aux parents et d’une autre aux enseignants début juin pour expliquer l’intérêt de la réforme. Selon les services du ministère peu de communes auraient fait recours au décret Hamon : 1% des 4000 communes qui appliquent déjà les nouveaux rythmes demandent des changements. Selon un premier pointage portant sur 58 départements, 5,1% des communes qui appliqueront pour la première fois la réforme bénéficieront du décret Hamon. Ce ne serait donc pas la ruée annoncée, du moins pour cette année. Le ministre fustige les maires qui refusent d’appliquer la réforme. Je doute du caractère pédagogique de certaines délibérations municipales en matière d’éducation civique », explique B Hamon. En tout état de cause, dans les communes récalcitrantes le Dasen décidera le 6 juin.
L’école du futur et son évaluation
Sur le numérique, le vainqueur de JM Fourgous met en avant des arguments pédagogiques. Le numérique « stimule dans les apprentissages ». Il modifie le statut de l’erreur et la relation de l’élève aux apprentissages. Le ministre annonce qu’il « mobilise les éditeurs pour produire des manuels numériques »..
« On prépare l’école du futur », explique B Hamon aux députés. Il juge le dialogue école collège déterminant pour un meilleur suivi des élèves. Il rappelle la publication d’ajustements aux programmes du primaire dès la rentrée 2014 et la consultation sur les programmes. « J’attends beaucoup du CSP sur le socle commun », affirme-t-il.
L’évaluation apparait comme un thème majeur. « On aura à discuter de l’évaluation en fin de scolarité obligatoire comme durant la classe. C’est une tâche exaltante pour le Conseil supérieur des programmes pour l’année qui vient », précise-t-il.
Le devenir des ABCD de l’égalité
Benoît Hamon défend devant les députés l’idée d’une école moins inégalitaire socialement mais aussi par le genre. Il manifeste sa volonté « d’enraciner dans l’école la lutte contre les préjugés sexistes ». Alors qu’un rapport de l’Inspection devrait être publié dans les jours à venir et évaluer l’expérimentation des « ABCD de l’égalité », B Hamon annonce déjà les grandes lignes de sa décision. « Les principes d’égalité doivent être enseignés de telle manière que les objectifs priment sur les objets.. Je ne transigerai pas sur les objectifs. Les moyens on en discutera ». On devrait donc voir les ABCD maintenus mais modifiés. « Je tiens compte des représentations », explique B Hamon. Il tient compte de son administration aussi : le ministre annonce convoquer l’Inspection générale à une projection de La cour de Babel pour les sensibiliser aux inégalités.
A la recherche du consensus
Tous ces chantiers n’ont qu’un but : apaiser « la nervosité » autour de l’Ecole. « Il faut apaiser le climat scolaire », explique B Hamon. « On doit davantage fabriquer du consensus. Je travaillerai à faire en sorte de conduire le changement de l’Ecole d’une manière qui n’oppose pas les uns aux autres à partir de diagnostics partagés ». Le ministre semble avec la construction du consensus avoir trouvé sa méthode.
François Jarraud
Audition devant la Commission
http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5519.commission-des-affaires[…]
Sur La cour de Babel
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/03/05032014Article6[…]
Benoit Hamon sera-t-il le ministre des parents d’élèves ? Evaluation, rythmes, représentation des parents : sur tous ces sujets, Benoit Hamon a été vivement applaudi le 7 juin lors du congrès de la Fcpe. Réunie à Dijon du 7 au 9 juin, la première association de parents d’élèves, a trouvé dans le ministre de l’éducation nationale un partisan de ses thèses. Il reste à les mettre en pratique…
Evaluation, délégués, rythmes…
« J’entends bien apaiser ce climat ». Pour les relations entre les parents de la Fcpe et le ministère de l’éducation nationale, l’objectif est atteint. Parlant devant le congrès de la Fcpe le 7 juin, Benoît Hamon a tenu aux parents le discours qu’ils attendaient.
Le ministre a été particulièrement prolixe sur l’évaluation des élèves. « Je suis favorable à ce qu’on puisse faire évoluer l’évaluation », a dit B. Hamon. « Je proposerai une méthode pour refonder l’évaluation des élèves… Elle doit être un outil de progrès pour l’élève, un indicateur de ce qui est acquis et ce qui ne l’est pas… J’entends agir en ce domaine ». Le ministre de l’éducation nationale a laissé entendre que son action serait imminente. Il a précisé que « en ce sujet il est indispensable de fabriquer du consensus ».
B Hamon a présenté la réforme des rythmes scolaires comme « une victoire de la Fcpe ». Il a remercié le président de la Fcpe d’avoir tenu bon au moment où les nouveaux rythmes faisaient débat. Il a annoncé l’envoi cette semaine d’une lettre aux parents et aux professeurs du premier degré pour « dissiper les malentendus » sur les rythmes.
Le ministre de l’éducation nationale a aussi promis de tenir la promesse faite par le candidat Hollande en 2012 à la Fcpe de créer un statut de délégué parent d’élèves. L’association tient particulièrement à cette mesure qui permettrait aux représentants des parents de concilier plus facilement vie professionnelle et mandat et, par suite, d’être plus présent dans l’établissement scolaire. En concluant son intervention, B. Hamon a invité la Fcpe à « travailler ensemble pour que chaque enfant se sente chez lui à l’école », une formule à laquelle ne pouvait que souscrire la Fcpe.
Les limites de la lune de miel
Mais même au sein des plus belles lunes de miel se cachent des malentendus. Paul Raoult, président de la Fcpe, les a laissé apparaitre dans son discours de cloture. « C’est par la mise en place d’une véritable école du socle, qui assure la liaison primaire/collège, que chaque jeune pourra acquérir le minimum indispensable que l’Etat doit garantir à tous », a déclaré P Raoult sur un sujet où le ministre est plus prudent. « Après le temps de l’orientation, vient celui de l’affectation, souvent tout aussi douloureux. Comment peut-on encore accepter que des jeunes soient envoyés vers des filières qui ne leur conviennent pas, par manque de place ? Il n’est plus possible de concevoir l’orientation des élèves en termes de places à pourvoir », estime Paul Raoult qui dénonce une pratique de gestion de l’Education nationale qui risque de perdurer.
« Il faut remédier à une conception de la discipline entièrement orientée vers l’exclusion des élèves. L’exclusion, c’est une non-solution !.. J’irai même plus loin, l’exclusion renforce les inégalités sociales, comme les inégalités scolaires, car nous savons très bien que, trop souvent les élèves issus des classes populaires en sont les premières victimes », affirmait P Raoult. » Je vous propose que nous travaillions à l’élaboration d’un livre noir et blanc des conseils de discipline ; pour mieux percevoir ce qui se fait de positif et de négatif ; et ainsi formuler des propositions pour refonder les procédures disciplinaires ». Si la Fcpe et le ministre partagent la volonté de réduire les exclusions, comme en témoigne la récente circulaire sur les sanctions, nul doute que le ministère de l’éducation nationale voit d’un mauvais oeil un dispositif qui éclairera les côtés sombres de l’ordre scolaire.
François Jarraud
Le congrès de la Fcpe
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