Alors que Benoît Hamon lance une vaste campagne visant à changer les pratiques d’évaluation des enseignants, le baromètre Unsa publié le 26 juin vient confirmer les enseignements des sondages Sgen et Se-Unsa réalisés en mai 2014 : les enseignants en ont assez des réformes. Le fossé entre l’institution et ses cadres et les enseignants est déjà un océan d’amertume.
Selon le Baromètre Unsa des métiers de l’éducation, seulement 21% des personnels sont en accord avec les choix politiques faits dans leur secteur d’activité. Près de 8 personnels sur 10 rejettent les réformes produites récemment. Le rejet est particulièrement fort chez les enseignants. 75% des professeurs de lycée et collège, 83% des professeurs des écoles, 81% des directeurs d’école déclarent être en désaccord avec la politique éducative menée actuellement. Ce taux extrêmement élevé est confirmé par les enquêtes réalisées par le Se Unsa et le Sgen auprès des seuls enseignants. D’après l’enquête Se Unsa, par exemple, 54% des enseignants estiment que le métier évolue trop rapidement et 67% sont en désaccord avec cette évolution. C’est particulièrement net dans le premier degré avec 70% de désaccord contre 58% dans le second degré.
Un autre signe inquiétant est le sentiment d’être totalement incompris. Selon le baromètre Unsa, 32% des professeurs du secondaire, 30% des professeurs des écoles, 36% des directeurs estiment qu’ils ne sont pas respectés. Rappelons aussi le résultat de l’enquête Talis de l’OCDE : seulement 5% des professeurs estiment que leur métier est valorisé dans la société, le taux le plus faible de l’Ocde.
Toutes ces enquêtes montrent que le fossé se creuse entre les enseignants et les cadres. Rappelons ce que disait l’enquête du Se Unsa : trois enseignants sur quatre (73%) pensent que leur hiérarchie ne comprend pas leurs contraintes professionnelles et 56% qu’elle ne les écoute pas. Ces taux s’aggravent encore dans le premier degré : 83% des enseignants y ont peur des inspections (54% dans le second degré) et 79% se sentent incompris par leur hiérarchie (58% dans le second degré). L’enquête Talis montre que les enseignants français contestent la justesse et l’utilité de leur évaluation. Si on regarde de plus prêt le baromètre Unsa, on constate une nette opposition entre les cadres et les enseignants. Quand seulement 18% des enseignants du second degré sont en accord avec la politique menée et 13% dans le premier degré, ce sont 72% des IPR qui manifestent leur accord, 51% des IEN (inspecteurs du primaire) et 45% des personnels de direction. A noter que le taux le plus faible est celui des directeurs d’école ce qui illustre leur position bien différente des personnels de direction du second degré.
Cadres et enseignants appartiennent à deux planètes différentes sur le terrain de la reconnaissance et du respect. Seulement 30% des professeurs des écoles, 32% des professeurs du second degré s’estiment respectés au travail. C’est le cas pour 50% des IEN, 67% des IPR et 69% des personnels de direction. Quand deux enseignants sur trois ne recommanderaient pas leur métier, c’est seulement un sur trois chez les cadres.
Pour Laurent Escure, secrétaire général de l’Unsa Education, « le malentendu s’enkyste entre le personnel d’éducation et le gouvernement« . Il semble plus judicieux de dire que le malentendu est profond entre les enseignants et l’institution. Les enseignants ne semble plus partager le même vécu que l’encadrement et les mêmes orientations que l’institution.
Personne ne sait comment ce mécontentement se traduira dans les urnes des élections professionnelles cet automne. Mais la situation dépasse cette échéance. Les enseignants, ceux qui préparent à l’avenir, semblent ne plus avoir foi dans l’avenir de l’Ecole. Ils engrangent du ressentiment. Un vent mauvais souffle dans les écoles.
François Jarraud
Le baromètre Unsa
http://www.unsa-education.com/spip.php?article1346
Ocde Talis : L’urgence de valoriser les enseignants
http://cafepedagogique.studio-thil.com/LEXPRESSO/Pages/2014/06/25062014Article63[…]
Sondage Se Unsa
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/05/22052014Article6[…]
Une nouvelle enquête réalisée auprès de 19 000 fonctionnaires des domaines de l’éducation vient confirmer ce que Talis ou les études du Se-Unsa et du Sgen ont montré. Le malaise est grand dans les professions de l’éducation et la rupture de plus en plus prononcée avec les réformes. Les agents veulent être reconnus et c’est particulièrement vrai des enseignants.
« C’est le baromètre de ce qu’a fait Peillon et des débuts de Hamon ». Laurent Escure, secrétaire général d’Unsa éducation, a présenté le 26 juin le « Baromètre Unsa des métiers de l’éducation », une enquête annuelle qui porte sur l’ensemble des métiers de l’éducation à travers les militants de la fédération Unsa. Rempli par près de 19 000 salariés des différents métiers de l’éducation, le baromètre permet chaque année de sonder les âmes dans un secteur en constante évolution.
On ne sera pas surpris d’apprendre que 94% de ces personnels de l’éducation aiment leur métier. 83% sont heureux au travail. Des proportions équivalentes se retrouvent dans l’enquête Talis de l’Ocde (86% satisfaits du métier), portant sur les seuls enseignants, et dans celle du Se-Unsa (15 000 enseignants, 84% de satisfaits du métier). Les personnels de l’éducation exercent avec conviction leur métier. Partout 9 agents sur 10 déclarent aimer sa profession.
Pourtant seul un agent sur trois se sent reconnu et respecté au travail. Cela descend à 30% pour les professeurs des écoles. À ce manque de reconnaissance morale il faut ajouter l’absence de reconnaissance salariale. Seulement 13% des personnels déclarent que leur rémunération est à la hauteur de leur qualification. Là aussi on descend très bas chez les professeurs des écoles (8%).La pouvoir d’achat est en tête des revendications dans la quasi totalité des métiers de l’éducation. C’est aggravé par l’absence de perspectives de carrière. Seuls 16% les estiment satisfaisantes. 91% des professeurs des écoles, par exemple, ne les jugent pas satisfaisantes. Un gros tiers des personnels souhaite changer de métier au sein de la Fonction publique et près de 20% en allant dans le privé. Deux salariés sur trois ne recommanderaient pas leur métier.
Mais le principal enseignement de cette édition 2014 du baromètre c’est le très large rejet des politiques éducatives mises en place. Seulement 21% des personnels sont en accord avec les choix politiques faits dans leur secteur d’activité. On descend à 13% chez les professeurs des écoles.
« Les personnels se sentent bousculés. Ils expérimentent le doute« , explique Laurent Escure. Pour l’Unsa Education ce taux regroupe des personnels qui ne souhaitent pas de réformes mais aussi des agents favorables aux évolutions et déçus par les reculs gouvernementaux sur les rythmes ou le socle commun. Si les rythmes apparaissent bien comme un problème important, l’Unsa pense que certains enseignants expriment une opposition du fait des changements personnels apportés par la réforme tout en reconnaissant son bien fondé sur le plan pédagogique. Sur ce point l’enquête du Se Unsa avait été plus claire. 54% des enseignants participant à cette enquête estimaient que le métier évolue trop rapidement et 67% étaient en désaccord avec cette évolution. Un taux montant à 70% dans le premier degré.
« Il faut de la reconnaissance sous forme salariale ou d’une reconnaissance dans l’exercice du métier« , déclare l’Unsa Education. » Pour l’UNSA Éducation, ces réponses confirment la nécessité d’obtenir rapidement des perspectives salariales, mais au-delà d’avancer sur les réflexions liées aux métiers et aux carrières. Il est urgent, également, de renforcer le dialogue avec les personnels et de mieux reconnaître les compétences de tous ces professionnels qui aiment leur métier », déclare L Escure. Venant après les coups de semonce des enquêtes du Sgen et du Se Unsa, le baromètre interroge évidemment la ligne syndicale. A quelques mois des élections professionnelles, un rejet aussi fort des réformes est un problème pour un syndicat réformiste.
François Jarraud
Le baromètre Unsa
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Ocde Talis : L’urgence de valoriser les enseignants
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Sondage Se Unsa
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Seulement 5% des enseignants français se sentent valorisés. Être professeur en France est-ce une aventure singulière ? Que pensent-ils de leur métier ? Comment l’exercent-ils ? L’enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS) interroge directement le coeur des systèmes éducatifs des pays membres de l’OCDE. Pour la première fois, la France y participe. Portant sur le vécu, les pratiques et la formation des enseignants elle met en lumière les particularités du système éducatif français. Avec une évidence : les enseignants français ne se sentent pas valorisés. Pourquoi ? Quel rapport cela entretient-il avec leurs pratiques pédagogiques ? Il est temps de sortir les professeurs français de leur isolement.
Plus de 100 000 enseignants dans 34 pays et territoires membres ou partenaires de l’Ocde ont été interrogés par l’Ocde sur leurs convictions, leurs attitudes, leur sentiment d’efficacité et de satisfaction. En France l’échantillon concerne plus de 3 000 professeurs de collège de 200 établissements différents ainsi que leurs chefs d’établissement. Talis s’impose comme la plus grande enquête internationale sur les enseignants. La précédente enquête Talis avait eu lieu en 2009. Mais la France n’y avait pas participé. L’enquête 2013 révèle pour la première fois de fortes singularités françaises.
Les enseignants français aiment-ils leur métier ?
Plusieurs sondages publiés récemment par le Se-Unsa et le Sgen ont montré une profonde lassitude et même un désamour ainsi qu’un rejet ferme de la hiérarchie et de l’institution scolaire. Ainsi l’étude du Se Unsa portant sur 15 000 enseignants montre que 84% des enseignants sont satisfaits du travail qu’ils accomplissent et 62% s’y épanouissent. Le métier reste un « beau métier ». Mais la pression sociale pèse sur les professeurs : 84% considèrent que l’opinion publique ne comprend pas leur travail et la moitié se sentent incompris par leur entourage. Les réformes et la hiérarchie apparaissent les deux points noirs des enseignants. 54% estiment que le métier évolue trop rapidement et 67% sont en désaccord avec cette évolution. C’est particulièrement net dans le premier degré avec 70% de désaccord contre 58% dans le second degré. Trois enseignants sur quatre (73%) pensent que leur hiérarchie ne comprend pas leurs contraintes professionnelles et 56% qu’elle ne les écoute pas. Là aussi la situation est pire dans le premier degré : 83% des enseignants y ont peur des inspections (54% dans le second degré) et 79% se sentent incompris (58% dans le second degré). Les règles qui organisent le métier sont nettement refusées : deux enseignants sur trois sont en désaccord avec les règles d’avancement et de mutation.
Que dit Talis ? Selon l’enquête de l’Ocde, 86% français des enseignants sont satisfaits de leur métier. 58% pensent que les avantages en compensent les inconvénients (77% en moyenne dans l’Ocde). Par contre la France se singularise sur l’image du métier dans la société : seulement 5% des professeurs estiment que leur métier est valorisé dans la société. C’est le taux le plus faible de très loin (moyenne 31%) des pays de l’Ocde. L’enseignant français considère faire un métier en déclin qui se déprécie.
Des demandes de formation non prises en compte
Travaillant environ 38 heures hebdomadaires, l’enseignant français se singularise dans l’exercice du métier. Il consacre plus de temps que la moyenne à rétablir l’ordre dans sa classe. 16% du temps de classe y passe en moyenne contre 13% dans l’Ocde. L’enseignant français est moins pris par les relations avec les parents ou les taches administratives. Mais il consacre plus de temps aux préparations et surtout à la correction des copies.
C’est que le métier d’enseignant français est aussi bien particulier. Le professeur français est celui qui s’estime le moins bien formé sur le plan pédagogique. Seulement 6 enseignants sur 10 se jugent suffisamment préparés sur ce terrain-là, alors qu’ils sont 9 sur 10 dans les autres pays. Il a de fortes attentes de formation particulièrement sur l’utilisation des TIC en classe, les conseils et l’orientation des élèves, les pédagogies personnalisées. Sur ces points les demandes françaises sont deux fois plus importantes que la moyenne Ocde. Et restent lettre morte : les enseignants français participent moins à des formations que leurs collègues et jugent leurs formations peu utiles.
Des pratiques pédagogiques spécifiques
Talis interroge les pratiques pédagogiques des enseignants. Plus que d’autres, les professeurs français présentent aux élèves un résumé de ce qui vient d’avoir été vu. Beaucoup moins que les autres ils utilisent les TIC en classe (25% contre 40%). Beaucoup moins que les autres, ils donnent des travaux différenciés aux élèves ou font travailler les élèves en petits groupes. Ces singularités renvoient directement aux résultats du système éducatif. Les deux derniers points par exemple ont à voir avec les fortes inégalités de réussite à l’Ecole.
Un isolement plus pesant qu’ailleurs
Les enseignants français sont aussi les moins accompagnés au cours de leur carrière. Ils bénéficient autant que les autres d’un tutorat durant leur première année d’exercice. Mais celui-ci disparait après alors qu’il continue dans la majorité des pays de l’Ocde. Cela a à voir avec l’évaluation. Les enseignants de l’Ocde sont appuyés et évalués par des acteurs différents de la communauté, généralement présents dans l’établissement. L’enseignant français est seul. L’aide et l’évaluation qu’il peut attendre viennent toujours de l’extérieur de l’établissement.
Plus que les autres, le professeur français ne s’engage jamais dans des conférences d’équipe. Plus que les autres, il ne collabore pas avec d’autres enseignants. Il observe beaucoup moins souvent que les autres un collègue travailler en classe. Il fait beaucoup plus rarement cours avec un autre enseignant.
Un rapport avec l’institution dégradé
On a vu dans les enquêtes syndicales que les enseignants français rompaient avec leur hiérarchie. Talis ne pose pas de question directe sur ce point mais confirme indirectement cette situation. Ainsi, les enseignants français sont ceux qui croient le moins que leur évaluation récompense les meilleurs. Ils sont aussi ceux qui pensent le plus que leur évaluation n’a qu’une utilité administrative.
Pourquoi valoriser les enseignants français ?
Somme toute, les enseignants français connaissent les défauts de leur formation, savent pertinemment ce qu’il faudrait faire mais observent que leur institution ne leur est d’aucune aide. « Les enseignants français ne sont pas responsables des inégalités sociales de réussite scolaire, qui sont particulièrement grandes en France. Ils ne sont pas responsables de l’échec scolaire », nous a dit Eric Charbonnier de la direction de l’éducation de l’Ocde. « C’est le système éducatif qui les génère. Les pays qui ont une bonne valorisation du métier d’enseignant sont ceux qui ont de bonnes performances dans Pisa. Il faut lier les deux ».
Pour lui il est nécessaire de réformer la formation initiale et continue des enseignants et d’arriver à attirer vers le métier. « Il faut ouvrir des perspectives aux enseignants ». Plus qu’ailleurs la revalorisation des enseignants, la mise en place de relations confiantes avec l’institution sont nécessaires en France. Pour Eric Charbonnier, le débat qui est lancé sur l’évaluation en France est une erreur. « Cela ne va pas valoriser les enseignants. Ça remet en question leur autorité » et ça évite la réflexion sur les modes d’évaluation..
François Jarraud
Talis 2013
http://www.oecd.org/edu/school/talis-2013-results.htm
Talis 2009
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/Pages/2009[…]
Sondage Se Unsa
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/05/22052[…]
Talis en un clin d’oeil
http://www.compareyourcountry.org/chart?cr=fra&cr1=oecd&lg=[…]
Sur le site du Café
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