« Les garçons apprennent à l’école à défier l’autorité et à s’affirmer. Les filles à se soumettre. Les enseignants doivent prendre conscience des stéréotypes à l’oeuvre ». Le 22 février, Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) a clairement demandé à l’école de s’investir davantage dans le combat pour l’égalité. Pour le HCE cela passe par un net effort de formation initiale et continue. Problème : la demande de formation est faible. L’Ecole peut-elle porter ce changement de valeurs ?
Des pratiques pédagogiques différenciées selon le genre
« Lutter contre les stéréotypes de genre c’est s’attaquer aux inégalités les plus structurelles , reconnaitre la liberté des petites filles à choisir leur orientation, leur métier et donc l’indépendance ». Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes a ouvert la présentation du rapport du HCE sur la formation à l’égalité filles – garçons, en en rappelant les enjeux.
Le rapport insiste sur le fait que les pratiques des enseignants restent différenciées selon les sexes. « Les évaluations reposent sur des attentes différenciées des filles et des garçons », note le rapport en s’appuyant sur une étude de Nicole Mosconi. « Inconsciemment les enseignant.e.s jugent filles et garçons selon un “double standard”. Cela est vrai pour les performances mais aussi pour les comportements des élèves : l’indiscipline des garçons est tolérée, vue comme un comportement fâcheux mais inévitable, alors qu’elle est stigmatisée et rejetée parfois violemment chez les filles dont on attend la docilité. Le double standard joue aussi sur l’appréciation des capacités des élèves ». Ce double standard s’observe tant sur la notation que sur les appréciations dans les bulletins scolaires, notamment dans les matières scientifiques : les filles « travaillent », les garçons « ont des capacités » inexploitées »
« Les interactions de la part des enseignant.e.s sont plus fréquentes avec les garçons qu’avec les filles, notamment dans les matières scientifiques : les enseignant.e.s ont en moyenne 56 % de leurs interactions avec les garçons et 44 % avec les filles10. Les professeur.e.s n’ont en général « pas conscience de devoir gérer cette dominance des garçons ».
Les manuels entretiennent aussi les stéréotypes : 97% des biographies en histoire 2de concernent des hommes. 95% des textes littéraires étudiés des auteurs masculins.
Des stéréotypes qui peuvent aussi nuire aux garçons
L’orientation reste aussi très marquée par le genre. Les filières technologiques et professionnelles sont très marquées par le genre certains filières étant même quasiment strictement masculine ou féminine. Les garçons vont davantage en série professionnelle et les filles en série générale.
Là on touche un point dont le rapport ne parle pas. Si les garçons vont davantage aller en S à niveau égal que les filles parce qu’ils n’hésiteront pas à le demander, le système éducatif ne joue pas systématiquement au bénéfice des garçons. Les garçons reçoivent 80% des punitions. Globalement leurs résultats sont moins bons et l’écart de réussite au bac entre filles et garçons est de 5 points. Mais seulement 72% des uns accèdent en terminale contre 82% des autres… Enfin une étude récente a montré que les filles sont surnotées en maths au collège. Les stéréotypes peuvent aussi jouer en leur faveur.
Le HCE veut des formations
Le HCE reconnait que beaucoup a été fait depuis 2012. La loi de refondation de 2013 a inscrit l’obligation de formation à l’égalité dans les objectifs de l’Ecole. Surtout une circulaire de 2015 a promis des formations ( en formation initiale et continue) et des ressources. Mais cette circulaire venait aussi après le retrait des ABCD de l’égalité, un point non mentionné dans le rapport. Dans le contexte de l’époque, elle signait davantange de pas en arrière qu’une volonté affirmée d’avancer…
Les recommandations du HCE vont donc dans le sens de la circulaire de 2015 en demandant son application. Le HCE demande de » généraliser l’éducation à l’égalité filles-garçons dans la formation initiale des personnels enseignants et d’éducation » en confortant la présence de personnes ressources sur l’égalité femmes-hommes dans chaque ESPE. Le HCE voudrait « faire de l’égalité filles-garçons une connaissance requise pour l’obtention des diplômes d’enseignant.e.s, de personnels d’inspection, de direction, des conseiller.e.s d’orientationpsychologues et des conseiller.e.s principaux.ales d’éducation » en intégrant le sujet dans les concours. Enfin le HCE veut aussi agir par la formation continue en garantissant une offre de formation continue sur l’égalité des sexes.
La question c’est évidemment comment faire. Une étude dans les Espe montre qu’un tiers des Espe ne forme pas tous les futurs enseignants à cette question même de façon superficielle. En formation continue on assiste à une montée des formations au valeurs de la république (52 000 journées de stagiaires en 2016) sans qu’on sache la place qu’y prend l’égalité entre les sexes. Généraliser semble particulièrement ambitieux.
D’autant que le rapport montre que de nombreuses formations inscrites dans les plans académiques n’ont pas lieu faute d’inscrits. Faut-il imposer cette formation ? « L’Ecole doit prendre sa part car ce n’est pas dans la famille que l’égalité files – garçons s’apprend », répond le HCE.
François Jarraud
Matilda : plateforme de vidéos pour l’égalité