« Le comité de rédaction de Recherches était en pleine préparation du présent numéro lorsque la crise sanitaire liée au coronavirus a entrainé la fermeture de tous les établissements scolaires et universitaires et que la « continuité pédagogique » s’est imposée. Le contraste entre les exhortations institutionnelles et les mille difficultés de leur mise en oeuvre a résonné comme un écho à la problématique du numéro : nous avons perçu comme fiction une continuité qui se donnait pour réalisable et comme mensonges les déclarations niant ou minorant les problèmes. Alors nous avons écrit, chacun de notre côté. Puis nous avons tissé les textes ensemble, en maintenant leur énonciation initiale », écrit la rédaction de la revue Recherches, une revue consacrée à la didactique du français. Son numéro 72 porte sur « Fiction et réel », un thème en lien avec la continuité pédagogique.
La revue revient su rce qu’ont vécu les enseignants : difficulté d’accès aux outils nuémriques mais aussi impréparation à leur usage coté enseignant comme élève, « oubliettes » de la nation apprenante par exemple pour les élèves handicapés.Elle évoque le travail enseignant : « Face au déni officiel, faisant passer des moyens de fortune pour des solutions sans infortune, la tentation peut être grande de reporter sur les outils les problèmes que suscite leur usage forcé et non anticipé. Mais les outils ne sont pas en cause : seule l’est l’incantation magique. « Bricoler, inventer, recycler », encore et toujours ! Voici un petit inventaire des problèmes à résoudre et des solutions trouvées ».
« Il ne va pas manquer de voix pour dire que, dans ces circonstances critiques, du bon sortira du mal et que l’épreuve aura fait faire au système éducatif un bond en avant décisif dans l’ère du numérique. Et pourtant, c’est une image du passé que la continuité pédagogique de 2020 fait ressurgir, celle des établissements secondaires du XIXe siècle, tels que les décrit Antoine Prost » : une pédagogie basée sur l’envoi de devoirs écrits corrigés par le professeur.
Au final, « Des dissensions naissent ou sont avivées là où il devrait y avoir coopération. Les acteurs sont fragilisés, renvoyés à leurs incapacités : les élèves à celle de travailler seuls, les parents à celle de leur enseigner ce qu’eux-mêmes ne maitrisent pas et les enseignants à leur non-maitrise des outils auxquels ils n’ont pas été formés. Plus personne ne se sent à la hauteur. Qu’est-il advenu des trois principes de la continuité du service public ? La continuité est illusion, l’adaptabilité dévolue aux seuls acteurs et l’égalité à la trappe. »