« Il n’y aura pas de véritable refondation pédagogique sans refonte réussie des programmes. Le temps donné à la communauté éducative pour s’approprier les nouvelles orientations, aux enseignants pour se former, et le temps laissé à la consultation, seront l’une des clés de cette réussite ». Dans une lettre adressée à Alain Boissinot, président du Conseil Supérieur des Programmes (CSP) le 19 février, Vincent Peillon fixe un nouveau calendrier, plus tardif, pour la livraison des programmes. La modification est justifiée. Elle est saluée positivement par les syndicats réformistes. Mais c’est une demande des syndicats FSU du secondaire qui est satisfaite. Il n’y a plus d’urgence à passer des programmes au curriculum…
Le nouveau calendrier
Le ministre de l’éducation nationale fixe , dans une lettre adressée au CSP le 19 février, un nouveau calendrier de publication des programmes. Les programmes du collège et de l’école élémentaire seront publiés à l’hiver 2015 pour une application à la rentrée 2016. Pour l’école élémentaire, des « ajustements » des programmes de 2008 seront publiés au printemps 2014 pour une application à la rentrée 2014. Pour l’école maternelle, le nouveau programme sera connu à l’été 2014 avec une mise en application à la rentrée 2015. Globalement c’est un report d’un an sur le calendrier prévu. Deux dates sont maintenues. La nouvelle définition du socle commun et les programmes d’éducation morale et civique restent fixés au printemps 2014. Le parcours d’orientation et de découverte du monde professionnel sera publié à l’été 2014.
A l’origine du report
A l’origine du report, il y a la demande de report des trois syndicats du secondaire de la Fsu en janvier 2014. » Pour le SNES-FSU, si d’éventuels aménagements des programmes actuels et un véritable bilan peuvent être faits d’ici avril, il n’est pas concevable que de nouveaux programmes puissent être travaillés par les groupes d’experts (qui ne sont pas encore nommés) et que la profession soit consultée dans ces délais », écrivait le Snes. « Si le CSP s’engageait dans cette voie, il passerait à côté d’une véritable refondation des programmes, et de leurs modalités d’élaboration, et à côté de la relance nécessaire de la démocratisation scolaire. » Le 12 février, cette demande est portée par le président du CSP auprès de Vincent Peillon qui vient de donner sa réponse. Le Snuipp Fsu « n’était pas demandeur de ce report », tient-il à faire savoir…
Le curriculum pour cible
Certes le calendrier était très serré. Il avait été conçu pour appliquer les orientations de la concertation menée par le ministère en 2012. Le ministère voulait passer de programmes classiques pilotant les enseignement à la notion de curriculum, basée sur des compétences à acquérir. » Le curriculum ce n’est pas que du contenu mais une réflexion sur les compétences, l’évaluation, les outils numériques, la formation professionnelle. C’est une nouvelle approche , une nouvelle manière d’aborder les questions au programme. Plutôt que remplacer les programmes, procédure qui lasse les enseignants, on réfléchit à une nouvelle méthode pour élaborer plus globalement et les accompagner mieux en terme de formation et d’outillage pédagogique et d’accompagnement », nous avait dit Alain Boissinot en décembre 2013. C4est cette évolution, qui affronte les lobbys disciplinaires et qui est au coeur de la refonte des programmes. C’est elle qui est reportée dès la première demande des syndicats…
Vincent Peillon ne capitule pas. Sa lettre mentionne encore « une nouvelle conception des programmes ». Mais de fait il remet à plus tard, voire à un éventuel successeur, voire à jamais, un changement fondamental. Les syndicats réformistes restent officiellement confiants. « Pour la première fois on va donner aux enseignants le temps de s’approprier de nouveaux référentiels et de nouvelles façons de travailler », affirment le Sgen et la Fep Cfdt. Les deux « se félicitent » mais rappellent qu’il faut garder le calendrier de publication de la charte des programmes et du socle commun. Le Se-Unsa estime que le nouveau calendrier « privilégie le sérieux et la concertation ». Tous trois insistent sur le fait que le nouveau calendrier permettra une consultation des enseignants sur les programmes et une formation avant publication pour des programmes qui donneront « plus de capacité de choix » selon Claudie Paillette, du Sgen. Pour elle le changement reste en marche puisque le CSP, autorité indépendante mais qu’on voit demander au ministre son accord, reste tenu par une lettre de mission.
Si la refonte des programmes est reportée, le débat repoussé depuis 2012 sur le socle s’engage sur une victoire des syndicats de la Fsu qu’on sait hostiles à cette notion. Il n’y a pas d’urgence à changer une Ecole qui coule…
François Jarraud