» Face a tous les discours du cynisme, du scepticisme je viens dire aux étudiants : la France a besoin de vous… Cette campagne est un appel profond à la jeunesse… Nous voulons rétablir la promesse républicaine ». C’est en ces termes que Vincent Peillon a présenté les emplois avenir professeur le 10 décembre 2012. Mais les emplois avenir professeur tiendront-ils ces promesses ? Le ministère publie un B.O. spécial qui regroupe tous les textes relatifs à leur mise en place, y compris deux nouvelles circulaires. Les emplois avenir professeurs (EAP) portent déjà de nombreux espoirs à la fois face aux difficultés de recrutement et face aux difficultés d’enseigner dans les zones prioritaires.
Une des meilleures idées de V Peillon
Fleuron de la nouvelle politique de recrutement des enseignants, les EAP font l’objet d’un B.O. spécial du 28 février qui regroupe les décrets et les arrêtés déjà publiés au Journal Officiel en janvier et commentés dans le Café. S’y ajoutent deux circulaires dont une sur la mise en oeuvre du dispositif. « Les EAP ont pour ambition de faciliter l’insertion professionnelle et la promotion sociale des jeunes dans les métiers du professorat en permettant à des étudiants boursiers d’exercer pendant leurs études des fonctions d’appui éducatif rémunérées dans les écoles et les établissements scolaires, tout en bénéficiant d’une entrée progressive dans le métier. Les EAP peuvent ainsi susciter des vocations nouvelles au métier d’enseignant », explique le B.O.
La circulaire de mise en oeuvre montre comment atteindre cette double priorité. Le dispositif des EAP est ouvert aux étudiants boursiers sur critères sociaux de préférence inscrits en deuxième année de licence ou, le cas échéant, en troisième année de licence ou en première année de master, âgés de vingt-cinq ans au plus et se destinant aux métiers de l’enseignement. Deux années au minimum de résidence ou d’études dans certaines zones définies par la loi ouvrent droit à une priorité de recrutement.
Une préparation graduée à l’enseignement
Si les EAP sont recrutés par un établissement, c’est le recteur qui fixe les établissements d’accueil et c’est l’Etat qui a défini les académies et les disciplines possibles. Ainsi pour cette année scolaire, 2 333 recrutements sont attendus dont 701 pour Créteil et 677 pour Versailles. 1667 autres postes seront recrutés à la rentrée 2013 principalement pour Paris et Lille.
Les jeunes retenus recevront de 617 à 1 086 euros mensuels pour 12 heures de travail hebdomadaire. Les textes prévoient que c’est une moyenne et que des aménagements sont possible pour que le jeune puisse préparer son concours ou ses examens. Les jeunes se verront confier un accompagnement d’activités périéducatives complémentaires aux enseignements ou, en master, une prise en charge progressive d’activités pédagogiques en accompagnement d’un enseignant. Ils découvriront ainsi progressivement le métier d’enseignant. Ils bénéficient d’un tuteur.
Des syndicats vigilants sur l’application
« C’est une vraie politique de gauche », nous dit Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa. » On a soutenu ce projet car on a un vrai problème de vivier de recrutement des enseignants dans le second degré et il est bon d’améliorer la mixité sociale chez les enseignants. Les enseignants doivent ressembler à l’ensemble de la société ». Mais C Chevalier évoque aussi les dérives possibles. « Les EAP ne devront pas être des moyens d’enseignement » sauf ponctuellement dans un moment accompagné par un tuteur. Pour Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes, les EAP sont « une espèce de béquille » pour l apolitique de recrutement de V. Peillon. Ce ne sont pas de véritables prérecrutements ce qui est regretté par le syndicat. Mais le Snes est favorable à ce « coup de pouce » social donné à des étudiants originaires de zone défavorisée. Pour le Sgen Cfdt, Frédéric Sève pense aussi que le EAP participent de davantage de mixité sociale dans l’éducation même si le vrai moyen de l’assurer c’est l’ampleur des recrutements.
Des sous professeurs pour les quartiers défavorisés ?
Pour JY Rochex, les EAP participent d’un mouvement général dans les pays développés qui voit les enfants des quartiers défavorisés être confiés à des agents moins qualifiés que les professeurs avec tous les risques d’affaiblissement de la transmission. Mais ce risque est écarté par les syndicats. « Il n’y a pas de risque d’en faire des sous enseignants destinés aux quartiers populaires », nous dit C. Chevalier. « En effet il seront recrutés sur le même concours que les autres enseignants et ils seront affectés ailleurs qu’en zone prioritaire. Il n’y aura pas d’affectation spécifique fléchée ». « Il faudra être vigilant sur l’articulation entre leur service et leur formation dans les ESPE », insiste Frédérique Rolet. « Mais nous avons obtenu qu’ils soient en poste près de leur université » et donc pas forcément en zone défavorisée. Le Sgen Cfdt sera vigilant sur le risque de surcharge de travail des EAP. Le syndicat porpose sur son site une procédure d’accompagnement. La première menace qui pèse sur les EAP reste donc les difficultés de recrutement. Le nombre d’emplois proposés reste modeste. Sera-t-il atteint ?
François Jarraud