En quoi l’arrivée des plus de maitres que de classes (PDM) incite-t-elle les équipes d’écoles à penser autrement leurs pratiques habituelles ? Le 19 octobre, dans l’université d’automne du Snuipp, Marie Toullec-Théry, maîtresse de conférence en Sciences de l’Education à l’université de Nantes et Patrick Picard, directeur du centre Alain Savary, apportent leur analyse.
Passer du je au nous : les différents acteurs doivent co-agir
Les préoccupations des enseignants face à ce nouveau dispositif sont multiples. Les conférenciers ont dégagé en les catégorisant celles revenant le plus souvent dans la bouche des enseignants :
1. La préparation (qui prépare ? comment ?,…), la concertation (sur quel temps ? quand ?,…)
2. Le fait de bien s’entendre, partager sa classe
3. Qui décide de ce qui sera fait en classe, quel est le niveau d’organisation (le titulaire, le maître +, IEN,…)
4. Saupoudrage, continuité ? tous les élèves ou quelques-uns ?
Les différents acteurs sont donc dans la nécessité de co-agir. Des négociations qui ne sont pas toujours évidentes mais qui ont le mérite de les mettre en lien autours d’un questionnement commun. Il faut réajuster les fonctionnements et passer du je au nous.
Un maître en plus mais pour quoi faire ?
Très souvent c’est la remédiation en direction d’un groupe d’élèves hors la classe qui est utilisée. Cependant, la remédiation a trop souvent tendance à offrir à l’élève une aide déconnectée du temps didactique. Ce groupe d’élèves alors « isolé » du groupe classe aura beaucoup de mal à se raccrocher au reste de la classe. Lorsqu’un groupe d’élève est sorti de la classe, une connexion avec celle-ci doit être opérée. Cette dernière peut être faite par l’intermédiaire « d’objets migrants ». Il peut prendre la forme d’un cahier avec des mots outils, mais aussi des affichages,…
L’enseignant (sous peine de devoir ré-enseigner ce qui a été vu en atelier) a également un rôle de connecteur à jouer. C’est à lui de rappeler ce qui a été fait dans l’atelier pour que l’élève fasse le lien entre l’atelier et le travail fait en classe.
Et la co-intervention ?
La co-intervention en elle-même n’existe pas, elle se décline sous différents formats. Il n’y a dans ces formats rien d’innovant, il s’agit de choses déjà faîtes depuis plus de 20 ans avec « les maîtres ZEP ».
Cette formalisation correspond à la traduction et l’adaptation par Claire Boniface, à partir de la consultation du livre Interactions: Collaboration Skills for School Professionals.
Dans cette formalisation, il n’y a que les trois premières qui nécessitent d’être dans le même espace classe. Les deux conférenciers précisent même que seuls deux formats (« l’un enseigne l’autre aide » et « en tandem ») sont du co-enseignement.
Nécessité du travail en équipe pour le choix de la modalité d’intervention
Le « travailler avec » amène progressivement à un travail implicite ou explicite sur l’analyse de la nature des difficultés des élèves mais aussi sur la construction de situations didactiques pour y remédier. Les choix pédagogiques sont discutés entre le titulaire de la classe et le maître + à la lumière des valeurs et de l’éthique des deux enseignants.
Ce dispositif permet donc de réactiver un « parler pédagogie » entre deux professionnels qui définiront alors les modalités d’organisation du travail à deux en fonction des éléments vus précédemment mais aussi en fonction des compétences et des parcours des deux enseignants. La co-intervention à tout prix prôné dans certaines circonscriptions trouve là un bémol.Ce dispositif induisant un nouveau fonctionnement des écoles et de ses équipes enseignantes demande du temps. Cependant, le temps de concertation manque dans les écoles actuellement. Pour Patrick Picard, le temps existe. C’est plutôt le morcellement des 108 heures qui est en cause. Il faut laisser la main aux équipes.
Enfin, pour les deux conférenciers, la réussite de ce nouveau dispositif ne se fera pas sans actionner certains leviers. La formation des équipes d’écoles, l’analyse de pratique et l’aide de la circonscription (dont les conseillers pédagogiques, souvent submergés par l’aide aux débutants) sont plus que jamais nécessaires.
Morgan Vincent