Enseigner la musique au collège, une heure par semaine avec des classes multiples et un large programme, qui va de la culture classique à la chanson populaire, ne semble pas toujours chose facile. Vincent Barbier en a fait la difficile expérience pendant quelques années en ZEP, avant de poser ses valise au Collège Mallarmé (Paris 17). Professeur agrégé de musique, pianiste, saxophoniste et musicien de jazz, il a trouvé son rythme et ses outils : depuis 4 ans, il développe un blog interactif qui lui permet de pratiquer une pédagogie interactive, Musikamal. L’enjeu : parvenir à se rapprocher des pratiques musicales des élèves, sans sacrifier les exigences d’apprentissage culturel.
Un blog pour échanger et croiser les intérêts musicaux
Le blog Musikamal (« comme musique à Mallarmé », explique Vincent Barbier) est né d’un besoin d’échanges avec les élèves. « J’ai 400 élèves différents par an, je les vois 50mn par semaine, dit V. Barbier. Impossible de répondre aux questions ou de donner suite aux suggestions qu’ils me faisaient, souvent en dehors des cours : j’en ai eu assez d’entasser des petits papiers dans tous les sens. » Le blog présente des i permet de déposer des propositions de chansons à étudier, parfois suivies et parfois écartées par le professeur « mais toujours en expliquant pourquoi ! Ce n’est pas de la censure, on y réfléchit ensemble. Sur certains morceaux de rap, par exemple, le vocabulaire violent, vulgaire ou misogyne, n’est pas adapté à la classe. Ils le comprennent très bien. Parfois la musique est trop banale ; il arrive aussi qu’une chanson sans intérêt du point de vue du texte soit bien faite musicalement et qu’on l’étudie.»
Une boîte à outils pour faire ses propres expériences
Pour accompagner ce travail de tri, le blog met à disposition des élèves plusieurs types d’outils : côté pratique, une « boîte à outils » renvoie vers un site d’aide à la traduction des textes de chansons en anglais, la Coccinelle, un logiciel de simulation pour découvrir les rudiments de la batterie ou du clavier, mais aussi des partitions avec tablatures pour les plus avancés. « Ils peuvent chanter en essayant de s’accompagner d’une formule rythmique ou mélodique simple, explique l’enseignant. Cela semble élémentaire, mais il faut déjà une bonne indépendance du geste et de la voix : même les élèves qui font du solfège n’y arrivent pas toujours ! ». Côté théorie, les élèves peuvent retrouver les éléments du cours et un précieux glossaire des termes difficiles et des genres musicaux, illustrés d’extraits musicaux et de vidéos. Pour compléter, un panorama de l’actualité culturelle recense les événements t sorties susceptibles d’intéresser les élèves. Pour établir des liens, Vincent Barbier a aussi intégré une rubrique dévolue à la musique d’animation de jeux vidéo, parfois interprétée par des orchestres symphoniques. « Je leur montre que c’est presque ce que fait Berlioz avec la Symphonie fantastique, de même que la forme rondo renvoie à la structure des chansons actuelles », explique-t-il.
Une fracture numérique sous-jacente
Pour Vincent Barbier, les approches non conventionnelles comme le blog, mais aussi l’atelier du Pôle JIM (Jazz informatique musicale), unique en son genre sur Paris, qui réunit quelques élèves volontaires pour des réaliser sur commande des compositions pour des chorégraphies, ou encore la chorale scolaire qu’il anime 2h par semaine au collège, sont autant de manière de faire vivre avec bonheur sa pratique d’enseignant. Il n’en demeure pas moins conscient des clivages qui se forment au sein du public scolaire. « Nous avons une bonne mixité sociale, ce qui entraîne une dynamique entre les élèves. Mais la fréquentation des outils informatiques n’est pas homogène : certains élèves ne vont jamais sur le blog, ils n’ont probablement pas internet à la maison et ne veulent pas que ça sache, l’accès qu’on leur propose au collège ne suffit pas à compenser. Et puis la pratique d’un instrument, l’apprentissage du solfège ne sont pas pareillement répartis dans tous les milieux. Les outils du blog pourraient être une approche, s’ils parvenaient à les utiliser davantage. »
Jeanne-Claire Fumet