JM Blanquer a-t-il manipulé des lycéens pour soutenir sa politique ? Le rapport de l’Inspection générale confirme les informations de Médiapart et de Libération sur une utilisation irrégulière de la subvention versée par le ministère de l’éduvation nationale. Mais il montre aussi des désordres dans la comptabilité d’autres organisations lycéennes et dans l’attribution de subventions sans contrôle par le ministère. La publication de ce rapport strictement financier confirme que l’enquête diligentée par l »Education nationale sur ses propres faiblesses financières est un écran de fumée. Elle cache l’essetiel :les liens très étroits entre Avenir lycéen et l’équipe de JM Blanquer. Sur ce point l’enquête en reste aux révélations de Libération.
Deux associations lycéennes épinglées
Le rapport publié par le ministère a anonymisé les noms des associations. Mais les informations contenues dans le rapport permettent d’en identifier plusieurs sans risque de doute. C’est notamment le cas d’Avenir lycéen après les excellents articles de Médiapart et de Libération. Et le rapport des inspecteurs généraux Jean-Pascal Bonhotal et Marie Claude Franchi confirme ce que ceux-ci ont révélé. Avenir lycéen ne peut justifier par des factures que 15% de ses dépenses. « La mission a identifié des paiements qui sans être irréguliers semblent cependant peu compatibles avec l’objet du financement ministériel, comme des activités récréatives, ou les services de société spécialisée pour des campagnes marketing par envoi de courriels. La mission a constaté des dépenses dont le caractère régulier est discutable ». C’est le cas de repas dans un prestigieux restaurant lyonnais, d’achats d’objets (téléphones, ordinateurs, montres connectées) « dont les coûts sont totalement disproportionnés et pour lesquels il existe une suspicion d’appropriation irrégulière par leur détenteur », de retraits en espèce ou de virements sans justification. Ces éléments amènent les rapporteurs à appuyer la plainte déposée par le ministère.
Mais une autre association lycéenne fait l’objet de la même recommandation de saisie de la justice. Il s’agit du Syndicat général des lycéens qui a perçu 361 000 € et qui n’a pu justifier que la moitié de cette somme. Là aussi il y a des achats qui semblent peu en rapport avec l’objet de l’association, comme le relève Mediapart : achat de jeux en ligne, retraits en espèces, vols répétés en avion à longue distance, nuitées dans deux hotels de luxe parisiens.
Une gestion peu regardante des subventions
Ce que montre surtout le rapport c’est que le ministère verse des subventions à des associations lycéennes dont la représentativité n’est pas prouvée et qui sont dirigées par des responsable slycéens qui ne restent généralement qu’une année. Les 5 principales associations n’ont pu justifier que 18 116 abonnés à leurs services numériques et 1890 adhérents ce qui fait très peu par rapport à la masse des lycéens (0.8%).Comme le dit le rapport « la légitimité de ces structures interroge » et « la réalité de leurs activités s’avère impossible à mesurer ». On comprend mieux la conclusion du rapport. « Le présent rapport amène à s’interroger en définitive sur l’intérêt de l’existence de subventions ministérielles, tant pour les associations bénéficiaires que pour le ministère. Les problèmes soulevés conduisent à considérer que l’attribution d’une subvention n’est pas toujours un avantage. Pour les associations les plus fragiles (en l’espèce cinq associations lycéennes sur six), l’attribution de subventions substantielles les conduit à s’engager dans des dépenses (salaires, loyers, matériels) qui s’avèrent à terme non soutenables, voire à commettre des pratiques délictuelles ».
De fait le rapport préconise des poursuites pour Avenir lycéen et le SGL. Mais il demande aussi que le ministère définisse des critères clairs d’attribution des subventions et de réduire les subventions aux associations lycéennes à hauteur de 5 à 10 000€.
La question politique reste entière
Du coup on en oublie la question de départ , posée par Libération en novembre 2020 : le lien entre une de ces associations, Avenir lycéen et l’équipe de JM Blanquer. Libération a montré comment « l’idée de créer cette organisation lycéenne a germé Rue de Grenelle pour servir la communication du ministre et surtout rompre tout dialogue avec les syndicats lycéens » en pleine crise de la réforme du bac. Le quotidien montrait comment trois rectorats ont entretenu des rapports très étroits avec Avenir lycéen, allant jusquà écrire des communiqués portés ensuite par un CAVL. Apparu soudainement, soudainement doté de moyens financiers par le ministère, Avenir lycéen, présidé par un militant macroniste, semblait surtout être un outil politique pour marteler que les jeunes lycéens soutiennent la réforme ministérielle. Pour JM Blanquer c’était « une affaire à partir de rien ». Le 24 novembre 2020, il refusait ostentiblement de répondre aux questions des députés. Et il refusait une enquête administrative indépendante. Après la publication de ce rapport celle-ci reste indispensable pour faire la lumière sur les rapports entre cette organisation et le ministère.
François Jarraud
Dans le Café le dossier Avenir lycéen