Votre projet invite à structurer des séquences d’enseignement en histoire et géographie à partir d’une démarche de « cours noyau ». Quelles sont les particularités de cette organisation ?
Le premier principe du « cours noyau » est effectivement de structurer sa séquence en respectant différentes phases dans le processus d’apprentissage. Des phases que l’on peut regrouper en 3 temps : avant, pendant et après l’enseignement (Forget, Cnesco, 2017). La mise en œuvre de ces trois temps nécessairement articulés suppose de repenser la structure d’une séquence d’enseignement en histoire et géographie.
Une séquence de ce type commence donc par un temps de réactivation et d’activation des acquis des élèves et des prérequis nécessaires et utiles pour étudier le thème visé. Suit une phase de découverte et d’appropriation des savoirs essentiels, ce que l’on appelle le « cours noyau ». Vient ensuite une phase différenciée de remédiation, de consolidation et d’approfondissement. On termine la séquence par un temps d’institutionnalisation des apprentissages et, si besoin, par des entraînements et une évaluation bilan.
Ce type de séquence permet ainsi de repenser le temps dédié à l’apprentissage en organisant le tissage des savoirs dans le temps et en offrant la possibilité de moduler le temps consacré aux apprentissages et donc de s’adapter davantage aux besoins des élèves.
En quoi consiste plus particulièrement l’étape dite du « cours noyau » ?
Cette étape correspond au second principe de la démarche, celle du « programme-noyau ». Dans la phase de découverte et d’appropriation, l’enseignant se donne pour objectif d’enseigner de manière explicite à tous les élèves des savoirs qu’il juge essentiels correspondant à ce que ses élèves doivent, selon lui, maîtriser pour valider un niveau de maîtrise satisfaisant au regard des connaissances et compétences prescrites par les programmes et le Socle commun en collège.
C’est bien ce niveau satisfaisant qui sert de référence à atteindre pour l’ensemble des élèves, mais il peut, bien entendu, être dépassé par tous ceux qui en ont les capacités et qui peuvent valider un niveau de maîtrise très satisfaisant. Ce programme noyau est donc à penser dans une logique différenciée qui organise le fait que tous les élèves n’apprendront pas forcément la même chose au cours d’une séquence.
Cela suppose de mettre en place une démarche de contractualisation du savoir minimum à acquérir avec les élèves ?
C’est le principe du « cours noyau » qui permet d’expliciter le plus clairement possible aux élèves ce qu’ils doivent apprendre en termes de connaissances.
Peut-être une bonne solution pour sortir de l’encyclopédisme tout en étant exigeant sur les savoirs et en permettant à chaque élève d’avancer à son rythme, selon ses besoins ?
Un des objectifs essentiels de la démarche du cours noyau est d’assumer le fait que tous les élèves ne peuvent pas apprendre la même chose en tous les cas pas de la même manière ni dans le même temps tout en garantissant l’équité des objectifs d’apprentissage. L’objectif est bien de faire acquérir par tous les élèves un socle de connaissances et de compétences essentielles et de permettre à ceux et celles le peuvent d’aller plus loin.
Cette démarche nous amène aussi à concevoir notre programmation selon une logique thématique qui doit permettre d’éviter la démultiplication des objectifs d’apprentissages que l’on peut observer lorsque l’on travaille par chapitres.
Je ne sais pas si on peut dire que cette démarche permet réellement à chaque élève d’avancer à son rythme sur une séquence, par contre lors de la phase de consolidation on offre aux élèves qui en ont besoin des possibilités d’avoir plus de temps pour acquérir des connaissances et des compétences et de remédier à leurs difficultés.
Le troisième principe du « cours noyau » est d’associer fortement connaissances et compétences. C’est-à-dire ?
La démarche du cours noyau doit effectivement permettre de mieux articuler l’enseignement des connaissances, pour ma part historiques ou géographiques, et le développement des compétences qu’elles soient disciplinaires ou transversales. Ce que propose la démarche du cours noyau est de transmettre des connaissances essentielles (repères, faits, notions, acteurs…) sur un thème, un événement ou une période qui seront nécessaires pour, dans un second temps, développer des capacités. L’idée est donc d’amener les élèves à mobiliser, et ainsi consolider, les connaissances du cours noyau pour réaliser dans la phase dite de consolidation et d’approfondissement des tâches ayant pour objectif de développer des compétences.
Cette démarche s’appuie sur le constat que pour mettre en œuvre des capacités, les élèves ont besoin de connaissances préalables, ne serait-ce que pour contextualiser les faits, événements ou phénomènes étudiés. Demander, par exemple, à des élèves d’entraîner leur capacité à analyser et comprendre un document historique à partir de « L’appel du 18 juin » du général de Gaulle, suppose que l’on se soit assuré qu’ils aient les connaissances utiles et nécessaires sur la Seconde Guerre mondiale pour pouvoir au moins contextualiser ce document.
Dans cette démarche, l’évaluation doit nécessairement se réinventer ? Quelles fonctions remplit-elle ?
On en arrive en effet au quatrième principe : faire des évaluations des leviers d’apprentissage en mettant en œuvre un dispositif d’évaluation global associant les dimensions diagnostiques, formatives et sommatives des évaluations.
Les différentes situations d’évaluation doivent permettre aux élèves de tester leurs apprentissages et de s’entraîner pour les amener à prendre conscience de ce qu’ils ont appris et réussi à faire, mais aussi du chemin qu’il leur reste à accomplir pour atteindre les objectifs d’apprentissage. Il ne s’agit pas de mettre les élèves dans une situation d’évaluations permanentes, mais bien de les amener à prendre conscience de la nécessité de se tester et d’avoir des retours d’informations sur ce qu’ils réalisent pour apprendre.
Dans cette logique, il est nécessaire de faire des élèves des acteurs de leurs évaluations en explicitant très clairement avec eux les intentions, les objectifs et les modalités des différentes situations d’évaluations et en leur confiant, autant que possible, le rôle d’évaluateurs.
En termes de temps, la conception du cours noyau et des différentes phases à consacrer à l’appropriation, la consolidation et l’approfondissement peut faire peur à ceux et celles qui voudraient se lancer. Qu’auriez-vous envie de leur dire pour les rassurer ?
La particularité et l’intérêt de cette démarche est de devoir concevoir la quasi intégralité d’une séquence pouvant durer 12 ou 15 heures. Cela nécessite effectivement une charge de travail conséquente en amont, mais lors de la mise en œuvre de la séquence la charge de travail est beaucoup moindre même s’il faut être capable de réguler les différentes activités en fonction de la réalité de l’avancement des séances et des apprentissages des élèves.
La charge de travail investie au départ permet réellement de gagner en cohérence et en clarté dans son enseignement, notamment en ce qui concerne le dispositif d’évaluation et le développement des compétences au cours des différentes phases de la séquence. Cette démarche permet aussi de travailler dans une temporalité plus confortable pour les élèves comme pour nous.
Donc cela vaut le coup de se lancer, pour les enseignant·es comme pour les élèves ?
Tout à fait, à condition de commencer modestement en l’appliquant à un thème sur un niveau que l’on maîtrise bien.
Propos recueillis par Claire Berest
Pour aller plus loin :
Cabotage 6 (2022) sur le site de l’académie de Rennes.
Cabotage 7 (2025) sur le site d’académie de Rennes.
