Un courrier surprise
Le 1er avril, à une semaine des vacances de printemps, les enseignants de grande section (GS) en REP+ ont reçu un courrier de la DASEN de Seine-et-Marne : « Vous trouverez en pièce jointe le courrier d’accompagnement du « Suivi des apprentissages en GS », à destination des enseignants. Je vous remercie de bien vouloir accompagner cette transmission, afin que les enseignants en comprennent les enjeux. Il serait intéressant que les enseignants puissent faire passer ces exercices de suivi des apprentissages au retour des congés de printemps (la semaine suivant la reprise). »
« Suivi des apprentissages en grande section de maternelle REP+ »
Le courrier de la DASEN porte l’objet « Suivi des apprentissages en grande section de maternelle – REP+ », il fait suite aux évaluations nationales standardisées des élèves de CP. Elle écrit : « l’acquisition de certaines compétences en français comme en mathématiques demeure encore très perfectible, malgré les évolutions positives que nous avons connues ces dernières années » et « les écarts de résultats entre l’éducation prioritaire et le hors éducation prioritaire subsistent, en dépit des moyens déployés ». Dans le courrier, la DASEN expose la démarche : « dès le début du CP, l’évaluation de compétences précises, notamment en français (lexique et compréhension) comme en mathématiques (résolution de problèmes et faits numériques), révèle des difficultés d’apprentissages qui continuent d’interroger la maitrise des gestes professionnels, la mise en œuvre des Savoirs fondamentaux et l’apprentissage des élèves dès l’école maternelle. Pour permettre à nos jeunes élèves de surmonter ces obstacles, il est essentiel qu’elles soient identifiées avant d’entrer à l’école élémentaire. »
Répondre aux évaluations par des évaluations, en amont
« La DASEN, pour comprendre pourquoi les résultats des CP ne sont pas satisfaisants, a décidé de déployer des évaluations supplémentaires ! » s’exclame la FSU-SNUipp77. Plutôt que de proposer des solutions structurelles telles que la création de postes de RASED ou l’amélioration de la formation des enseignants, la DASEN décide de renforcer les évaluations, souligne le syndicat. Les évaluations devraient permettre de repérer les « difficultés d’apprentissage » et évaluer les compétences des enseignants, s’étonne-t-il. Mais les formateurs auront-ils réellement le temps d’analyser les résultats et de proposer des ajustements nécessaires ?
Par ailleurs, si les professeur.es des écoles ne contestent pas toutes et tous la démarche, le ton autoritaire et méprisant de la DASEN est mal accueilli. Certain.es, pour qui la remontée nominative des résultats est aussi un point problématique, disent ne pas vouloir remplir le fichier numérique.
Les vrais enjeux : pauvreté et manque de moyens
La FSU-SNUipp77, syndicat majoritaire, dénonce une approche, qu’elle juge « inacceptable ». Selon elle, celle-ci met en cause le professionnalisme des enseignants, sans tenir compte des réels problèmes de formation, de moyens et des spécificités sociales des élèves en REP+. En outre, la formation continue est de plus en plus absente, et les « formations » proposées par l’Éducation nationale se limitent souvent à des diaporamas répétitifs sur les mathématiques et le français. En REP+, les enseignants ont seulement 9 jours de « formation » par an, souvent concentrés sur la concertation interne à l’école, faute de moyens pour inviter des intervenants extérieurs.
Pour le syndicat, la solution ne réside pas dans plus d’évaluations, mais dans une réelle prise en compte des conditions de travail des enseignants et des besoins spécifiques des élèves. Au-delà des évaluations, il pointe également les manques dans les politiques publiques, notamment la politique de la ville, et l’impact de la pauvreté sur la réussite scolaire. « Les moyens financiers existent, mais sans une volonté politique réelle de déconcentrer la pauvreté, ces efforts ne sont que du saupoudrage », indique le syndicat.
Djéhanne Gani
