Qu’est-ce qui a caractérisé le congrès 2025 du SE-Unsa ?
La laïcité était clairement le fil rouge de ce congrès à Lille et nous y avons lancé notre année 2025 de la laïcité. Inscrite dès le début de notre projet syndical parce que source de tous nos engagements la laïcité c’est aussi des actes au SE-Unsa.
2025 est une année où nous célébrons des évènements marquants dans l’histoire de la laïcité, parfois dramatiques, parfois source d’espoir : des lois, des victoires !
Académie de Dominique Bernard, professeur de lettres assassiné en octobre 2023 par la barbarie islamiste pour avoir fait son métier, Lille n’était bien sûr pas une terre anodine pour nous tous.
Le samedi précédant le congrès, nous commémorions l’anniversaire de la loi du 15 mars 2004 interdisant le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. 2025 c’est aussi les 120 ans de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, une loi fondamentale pour une France laïque !
Ces évènements et d’autres que ne doivent être oubliés. Nous avons tous un rôle à jouer pour que jamais ne se perde, jamais ne s’oublie ce que des hommes et des femmes soucieux d’un monde meilleur ont obtenu avec courage, bravoure et parfois au détriment de leur vie !
Nous ne pouvons pas être que les héritiers d’une république laïque, nous devons la préserver de ses détracteurs et lui donner du sens auprès du plus grand nombre.
Ce congrès à Lille, c’était aussi l’aboutissement d’un travail collectif de plusieurs mois de réécriture complète de notre projet syndical. Notre projet c’est l’ensemble des convictions et revendications que tout membre du SE-Unsa reconnait comme boussole du syndicat.
Par réécriture complète, je ne parle pas d’une modification profonde de nos exigences, celles-ci reposent sur des principes forts inébranlables et sur une vision très affirmée de la société juste et unie que nous portons ; nous les avons affinées, ajustées et surtout mises en adéquation avec les attentes actuelles de la profession que nous représentons. Je parle d’une modification de notre façon de dire nos exigences. Dans un format mieux structuré, plus concis et plus cohérent, notre projet est désormais plus lisible et plus accessible pour tous nos collègues, il ne laisse aucune place aux ambiguïtés quant à nos positionnements. Nous assumons ce que nous portons pour l’Ecole publique et laïque et en sommes fiers.
Quels étaient les enjeux majeurs de ce congrès Lille 2025 ?
Ce congrès c’était le moment opportun pour partager avec plusieurs centaines de nos militants en territoires l’analyse du contexte politique et social, y compris au niveau mondial, dans lequel nous vivons. Pas pour le décrire stérilement, encore moins le subir, mais pour réfléchir ensemble au rôle que nous voulons jouer, que nous devons réussir à jouer pour viser un monde plus uni et en paix.
Ces dernières années, notre société tend à se fragmenter de plus en plus. La crise sanitaire alliée à la politique macronienne de division ont accru le repli sur soi. Cette fragilisation du bien commun porte en germe une forme de priorité voire d’exclusivité à son unique sort. Ainsi, le sens du collectif, l’intérêt général n’apparaissent plus prioritaires pour bon nombre de nos concitoyens.
Par ailleurs certains politiques voient dans cet isolement grandissant une opportunité des plus belles pour pointer une rupture idéologique avec la France unie d’hier et une explication évidente de l’augmentation de la violence. Ce sont bien sûr ces mêmes qui, des macronistes aux lepénistes, prônent un retour de l’exigence scolaire pour relever le niveau et une restauration de l’autorité voire de l’autoritarisme pour punir les violences.
Notre congrès s’inscrit dans ce contexte social difficile attisé par une forte instabilité au niveau mondial et, depuis plusieurs semaines, fortement déstabilisé par l’inconséquente politique d’un Trump raciste, misogyne, égocentrique, xénophobe, violent et cruel.
Nous sommes aux antipodes et même à l’antigalaxie du président américain et de ses soutiens idéologico-financiers. Nous refusons de nous résoudre à cette fatalité et d’abandonner nos principes chers de paix, liberté, égalité, fraternité et laïcité. Nous sommes convaincus que bon nombre de citoyens et de nos jeunes possèdent l’énergie et l’intelligence pour redonner de l’espoir en l’avenir, l’envie de réfléchir et bâtir ensemble et du sens à rester solidaires. Sans nul besoin de séparatisme ni d’autoritarisme !
C’est pourquoi au SE-Unsa, nous pensons que nous devons faire partie de celles et ceux qui vont chercher cette énergie, cette envie et ce sens commun.
Que retenir de ce congrès, quels ont été les messages essentiels ?
Les nombreux échanges tout au long du congrès, les objets de débats ont clairement fait ressortir deux points.
Tout d’abord, nous avons tous pu mesurer que la forte dégradation de nos conditions de travail, depuis plusieurs années maintenant, venait de plus en plus percuter de façon importante nos ambitions pour nos élèves. Au SE-Unsa, nous avons eu plusieurs fois le débat concernant l’école inclusive, nous avons fait le choix après deux années d’intenses échanges de ne pas tomber dans le piège de l’opposition élèves/personnels et de ne pas sacrifier notre ambition d’une école pour tous, mais plus largement notre ambition d’une société plus juste et plus unie ! Nous avons plutôt fait le choix de porter nos exigences sur les conditions pour garantir un accueil digne des élèves en situation de handicap et, pour les personnels au quotidien, des conditions d’exercice sereines et sécurisantes des personnels.
Deuxièmement, nous avons pu mesurer à travers nos mots et nos actes tout au long du congrès qu’au SE-Unsa, aucun d’entre nous n’était prêt à subir la moindre instrumentalisation du principe de laïcité, qu’aucun d’entre nous ne comptait fléchir face aux atteintes à la laïcité. Nos débats de congrès ont témoigné d’une ligne très claire et très forte sur ce que nous voulons dire, faire, mais aussi faire comprendre ! Notre projet de plantation de 120 arbres de la laïcité pour les 120 ans de la loi a bien débuté. Il va désormais prendre racine petit à petit dans les différents territoires et ce jusqu’à la fin de l’année. Chaque plantation sera un symbole fort, mais surtout l’opportunité de créer la rencontre, les échanges indispensables pour que chacun se sente fier de ce principe républicain, en capacité de le porter, sans jamais sourciller ou crainte de représailles ou d’offense.
La laïcité est la condition première dans notre société, pour que chacune, et chacun trouve sa place, et croie dans la force du collectif.
Quelles sont les perspectives et combats à mener ?
Depuis notre dernier congrès en mars 2022, nous avons connu 6 ministres ! Certains étant parfois même de passage. La politique éducative menée depuis 2017 est un échec conséquent. Un échec pas pour tous, puisque le privé en a largement tiré profit, mais un échec pour nos ambitions d’une école accueillante et d’une école de la réussite pour tous. Alors les combats à mener sont nombreux mais nous comptons bien les mener avec détermination !
L’abandon d’une partie du Choc des savoirs ou encore la publication du programme Evars sont certes des signaux positifs et très attendus, mais ils répondent de façon incomplète à notre demande d’en finir avec la politique éducative actuelle. C’est bien un vrai changement de cap, une nouvelle feuille de route que nous exigeons, respectant les besoins des élèves et les attentes des personnels.
Nous devons aussi poursuivre nos combats pour que l’Ecole publique et laïque, l’école de tous, cesse d’être dépouillée de ses moyens publics de fonctionnement au bénéfice du financement des établissements privés !
Pour diminuer le nombre d’élèves par classe, retrouver un dispositif de remplacement suffisant, prendre en charge la difficulté scolaire, le nombre de postes actuel est nettement insuffisant, nous devons obtenir au-delà de l’annulation de la suppression des 4000 postes d’enseignants.
Elisabeth Borne affirme vouloir réformer de façon prioritaire le recrutement et la formation initiale des enseignants et CPE. Nous ne pouvons que partager tant nous avons alerté sur les conséquences dramatiques de la réforme Blanquer et tant nous nous sommes investis dans le travail conduit autour d’un recrutement plus tôt et une formation plus longue comme mieux accompagnée.
Mais au-delà du recrutement, nous attendons aussi de la ministre d’obtenir les autres arbitrages budgétaires nécessaires pour une réelle augmentation de tous les salaires, pour une accélération du déroulé de carrière sans distinction et pour bénéficier enfin d’accords QVCT !
Cela dans un contexte des plus méprisants pour la fonction publique.
Les dernières mesures touchant violemment les fonctionnaires sont un exemple criant mais elles ne sont qu’un exemple de ce que la transformation de la fonction publique a déjà détruit des services publics et fait fuir nombre d’actuels ou potentiels collègues.
Nous devons nous préparer sur les mois à venir à ne pas relâcher la pression et rester combatifs.
Propos recueillis par Djéhanne Gani
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